Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/173

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donnant aux gentils le nom d’étrangers. N’a-t-il pas dit plus haut : « Votre vie, à vous, est cachée en Dieu avec Jésus-Christ ? » Quand il paraîtra, cherchez la gloire, les honneurs et tous les biens. Mais ne cherchez rien de tout cela, pour le moment ; laissez tout cela aux gentils. Puis, pour qu’on n’aille point penser que saint Paul veut leur parler de la richesse, il ajoute : « Que votre entretien, toujours accompagné d’une grâce édifiante, soit assaisonné du sel de la discrétion, en sorte que vous sachiez comment vous devez répondre à chaque personne ». Il ne veut pas dire par là que vos paroles doivent être pleines d’hypocrisie, car l’hypocrisie n’est pas de l’aménité ; elle ne peut pas non plus servir d’assaisonnement à un entretien. Mais ne vous refusez pas à rendre hommage à qui de droit, si cet hommage est sans péril. Si les circonstances vous permettent de parler avec douceur, ne prenez pas cette douceur de langage pour de la flatterie. Rendez aux princes du monde tous les hommages possibles, pourvu que la religion n’en souffre pas. Ne voyez-vous pas Daniel honorer un impie ? Ne voyez-vous pas la sage conduite de ces trois jeunes hommes qui se présentent au roi, en déployant une franchise et un courage qui n’ont cependant rien d’âpre ni de téméraire ? Car l’âpreté et la témérité n’ont rien de commun avec la franchise, avec une noble assurance ; ce n’est que vanité.
« Afin que vous sachiez », dit l’apôtre, « comment vous devez répondre à chacun ». C’est qu’il ne faut pas parler à un prince comme à un sujet, à un riche comme à un pauvre. Pourquoi ? Parce que les princes et les riches, nageant dans la prospérité, ont l’âme faible et gonflée d’orgueil, ce qui nous oblige à nous incliner devant eux et à nous plier à leurs caprices. Les pauvres, au contraire, et ceux qui sont soumis à une puissance quelconque, sont plus forts et plus sages, ce qui fait qu’on peut leur parler avec plus de franchise, en ne s’attachant qu’à une chose, à rendre sa parole édifiante. Ce n’est point parce que l’un est riche et l’autre pauvre que vous rendez plus d’honneurs à l’un qu’à l’autre ; c’est à cause de sa faiblesse, que l’un se trouve élevé plus que l’autre… N’allez donc pas, sans motif, traiter un gentil d’homme abominable et l’aborder, l’insulte à la bouche. Mais, si l’on vous demande votre avis sur ses croyances, dites,'que vous les trouvez abominables et impies.
Si l’on ne vous interroge pas, si l’on ne vous force pas à parler, ne vous faites pas à la légère un ennemi. A quoi bon, en effet, soulever, sans aucun profit, des haines contre soi ? Cherchez-vous à instruire un auditeur sur la religion ? dites ce que le sujet vous force à dire, et rien autre chose. Si votre parole est assaisonnée du sel de la discrétion, en tombant dans une âme énervée, elle la guérira de sa mollesse ; en tombant dans une âme rebelle, elle en adoucira les aspérités. Ne choquez pas les oreilles de vos auditeurs, soyez agréable, sans mollesse ; joignez le charme du langage à la gravité. Soyez agréable, sans être importun ; point de fadeur, mais un style grave et charmant tout à la fois. Un langage trop austère fait plus de mal que de bien ; un langage trop plein d’agréments cause plus d’ennui que de plaisir. Il faut de la mesure en tout. Ne vous montrez pas triste et farouche ; c’est le moyen de déplaire. Ne soyez pas diffus et mou ; c’est le moyen d’encourir le mépris. Prenez ce qu’il y a de bon dans chaque genre, en évitant les excès ; faites comme l’abeille qui, en butinant les fleurs, puise dans ce calice des sucs doux, et dans cet autre des sucs sévères. Le médecin n’emploie pas indifféremment toutes sortes de matières ; il en est de même à plus forte raison du maître ; que dis-je ? les remèdes dangereux sont moins nuisibles au corps, que certaines paroles ne le sont à l’âme. Un gentil vient à vous, par exemple, et il devient votre ami. Ne lui parlez de religion que lorsqu’il est devenu votre ami intime et, même alors, n’entamez ce chapitre que peu à peu.
3. Voyez comme Paul parle aux Athéniens, quand il vient à Athènes ! Il ne leur dit pas O hommes criminels et abominables ! Il leur dit : « Athéniens, vous êtes, je le vois, religieux à l’excès ». (Act. 17,22) Mais, quand il faut prendre un ton sévère, il sait élever la voix et dit avec véhémence à Elyme : « Homme rempli d’astuce et de fausseté, fils du démon, ennemi de toute justice ». (Id. 13) Il y aurait eu de la démence à prendre ce ton-là avec les Athéniens ; il y, aurait eu de la pusillanimité à ménager Elyme. Quand, pour quelque affaire, vous comparaissez devant les magistrats, rendez-leur les honneurs qui leur sont dus. « Vous saurez par eux », dit-il, « tout ce qui se passe ici ». Il s’excuse de ne pas être venu en personne. Mais que veulent dire ces mots : « Tout ce qui se passe ici ? » Il fait allusion à ses chaînes