Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/204

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leur opposez l’énergie, la fermeté d’une grande âme, vous aimez mieux tout souffrir que de rien faire qui sente le culte des idoles ; eh bien, cette conduite vous vaut la couronne du martyre. N’en doutez pas. Comment cela, et de quelle manière ? je vous l’explique. De même que le martyr supporte avec l’énergie d’une grande âme toutes les tortures, plutôt que d’adorer les idoles, de même, vous aussi, vous supportez les douleurs de la maladie, plutôt que de recourir à ce que vous offre le démon, plutôt que de faire ce qu’il veut de vous. Mais les douleurs du martyre sont bien plus violentes ? Mais celles de la maladie sont plus longues : aussi le résultat est le même. Souvent même elles sont plus violentes. Eh bien, que faites-vous, répondez-moi, quand la fièvre intérieure tourmente votre corps et le brûle, et que, repoussant les conseils qu’on vous donne, vous rejetez bien loin de vous le charme magique, est-ce que vous ne ceignez pas votre front de la couronne du martyre ?

Autre circonstance encore : vous avez perdu de l’argent ? Des conseillers en foule vous disent d’aller consulter les devins : mais vous, vous n’écoutez que la crainte de Dieu, vous savez ce qu’il défend, et vous aimez mieux perdre votre argent que de désobéir à Dieu. Qu’en résulte-t-il ? Vous obtenez une récompense aussi forte que si vous aviez donné cet argent aux pauvres ; si, après avoir subi une telle perte, vous bénissez le Seigneur, si, au lieu d’aller trouver les devins, vous consentez plutôt à ne recouvrer jamais rien, vous obtenez une récompense aussi forte que si vous vous étiez dépouillé pour Dieu. De même que c’est la crainte de Dieu qui fait qu’on se dépouille pour les indigents, de même c’est la crainte de Dieu qui vous a empêché, de rentrer en possession de ce que d’autres vous ont ravi. Il ne dépend que de nous d’être ou de n’être pas blessés dans nos vrais intérêts ; nul autre ne peut nous nuire. Si vous le voulez, méditons cette vérité, à propos du vol.

Un voleur a brisé le mur d’une chambre, il s’y est élancé, il a fait main basse sur de la vaisselle d’or d’un grand prix, sur des pierres précieuses, enfin il a emporté tout un trésor, et ce voleur n’a pas été pris. Voilà un malheur qui paraît lourd à supporter, il semble qu’il y ait là un grave préjudice ; il n’en est rien ; il dépend de vous qu’il y ait là, soit préjudice, soit profit. Et comment pourrait-on y trouver un profit, me dites-vous ? Je veux essayer de vous en faire la démonstration. Vous n’avez, vous, qu’à vouloir ce qui est arrivé, il y aura un profit considérable ; si vous refusez le concours de votre volonté, vous subirez un dommage plus grand que la perte réelle. Il en est ici comme dans l’industrie : la matière première étant donnée, l’ouvrier habile en fait un bon usage ; au contraire, l’ouvrier maladroit la perd, la gâte ; il fait si bien qu’elle est, pour lui, une cause de préjudice ; il en est de même dans cette circonstance. Comment donc y aura-t-il pour vous un profit ? Si vous bénissez Dieu, si vous ne faites pas entendre d’amères lamentations, si vous répétez les paroles de Job : « Le Seigneur m’a donné, le Seigneur m’a ôté : nu, je suis sorti du ventre de ma mère ; nu, je m’en retournerai ». (Job. 1,21) Que dites-vous : « Le Seigneur m’a ôté ? » C’est le voleur qui m’a ôté, me réplique-t-on, et comment pouvez-vous dire : « Le Seigneur m’a ôté ? » Cessez de vous étonner c’était à propos de ce que le démon lui avait ôté que Job aussi s’écriait. « Le Seigneur m’a ôté ». Or, si ce saint personnage n’a pas craint de parler ainsi, comment pourrez-vous hésiter, quand un voleur vous aura enlevé quelque chose, à dire que c’est le Seigneur qui vous l’a ôté ? Quel homme admirez-vous, répondez-moi, celui qui prodigue son bien aux pauvres, ou Job qui fait entendre ces paroles ? Job n’a pas moins de mérite que celui qui donnerait tout son bien aux pauvres, quoiqu’il ne donnât rien alors. Ne dites pas : Il m’est impossible de faire entendre des actions de grâces, ce n’est pas par ma volonté que l’événement est arrivé ; je ne le soupçonnais, ni ne le voulais quand le voleur m’a pris mon bien ; quelle pourrait être ma récompense ? Ni Job non plus ne soupçonnait, ni ne voulait ce qui lui est arrivé, est-il besoin de le dire ? toutefois Job a lutté. Eh bien, vous pouvez, vous aussi, mériter une récompense aussi grande que si vous aviez volontairement sacrifié vos biens.

Et c’est avec raison que nous avons, pour celui qui bénit Dieu, au sein des injustices qu’il subit, plus d’admiration encore que pour celui qui donne volontairement ce qu’il possède. Pourquoi ? C’est que ce dernier reçoit des éloges qui le soutiennent, il a sa conscience nourrie de bonnes espérances, et ce n’est que quand il se sent assez fort pour supporter la perte de ses biens, qu’il les rejette loin de lui ; le premier