Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/21

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dommageable. Je ne veux pas que vous soyez surpris par votre simplicité même ; mais quand la réflexion vous aura prouvé que nos paroles sont vraies. Il ne dit pas : Préférez mes vues ; mais.. « Faites l’épreuve ». Il ne prononce pas ouvertement : Gardez-vous de telle liaison ! mais : Je désire que votre charité soit utile, et que vous ne vous fixiez pas sans discernement. Vous seriez déraisonnables, en effet, de faire des œuvres de justice autrement que pour Jésus-Christ, et par Jésus-Christ. Vous entendez cette formule fréquente : « Par lui ». Est-ce à dire qu’il se serve de Dieu comme d’un aide travaillant sous ses ordres ? Arrière ce blasphème. Au contraire, dit-il, si je parle ainsi, loin de chercher ma gloire, je ne veux que celle de Dieu.
2. « Or, je veux bien que vous sachiez, mes frères, que ce qui m’est arrivé a servi beaucoup aux progrès de l’Évangile, en sorte que mes liens sont devenus célèbres, à la gloire de Jésus-Christ, dans tout le prétoire, et parmi tous les habitants de Rome (12,13) ». Il est vraisemblable qu’ils gémissaient, apprenant ses liens, et qu’ils pensaient que la prédication apostolique était interrompue. Que fait-il donc ? Il leur en ôte l’idée, et leur déclare que les événements qui l’ont frappé ont même servi aux progrès de l’Évangile. C’est encore une parole inspirée par l’affection que celle qui leur fait connaître ainsi son état présent, objet de leur inquiétude. Mais, ô Paul, que dites-vous ? Vous êtes dans les fers, dans les entraves, et, l’Évangile fait des progrès ! Comment donc ? Ah ! répond-il, « mes liens sont devenus célèbres, à la gloire de Jésus-Christ, dans « tout le prétoire ». Mes chaînes, loin de fermer la bouche, aux autres prédicateurs, loin de leur inspirer de la terreur, n’ont fait que les rendre plus confiants. Or, si jusqu’au milieu du danger, ceux-ci, loin de s’affaiblir, ont redoublé de courage, bien plus devez-vous reprendre confiance. Si l’apôtre enchaîné se fût laissé abattre par la persécution, s’il eût gardé le silence, il est vraisemblable que ses collaborateurs auraient partagé son abattement. Mais comme dans les liens il parlait avec encore plus de liberté qu’auparavant, il leur communiquait plus de confiance que s’il n’eût pas été dans les fers. Mais comment les chaînes ont-elles contribué aux progrès de l’Évangile ? Dieu l’a voulu, dit-il, en permettant que mes liens en Jésus-Christ et par Jésus-Christ, fussent connus « dans tout le prétoire » (c’était alors le nom du palais impérial), et non seulement dans le prétoire, mais dans toute la capitale.
« Et que plusieurs de nos frères en Notre-Seigneur, se rassurant par mes liens, ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer la parole de Dieu sans aucune crainte (14) ». Ces paroles démontrent que déjà auparavant ils avaient parlé avec confiance et en toute liberté, mais qu’à l’heure présente, ils s’encourageaient bien plus encore. Si donc mes chaînes ont doublé l’énergie des autres, n’aurai-je point moi-même gagné plus que personne ? Si je leur ai valu une force nouvelle, ne l’ai-je donc pas conquise plus grande aussi ? « Plusieurs de nos frères dans le Seigneur… » Comme il semblait hardi d’attribuer à ses chaînes le redoublement d’énergie de ses frères, il prévient le reproche d’orgueil en ajoutant : « Dans le Seigneur ». Voyez comme forcé de parler de lui-même avec éloge, il n’oublie cependant point la sainte modestie ! «… Osèrent plus que jamais », dit-il ; « sans crainte aucune annoncer la parole ». – « Plus que jamais », c’est donc que depuis longtemps ils avaient commencé.
« Il est vrai que quelques-uns prêchent Jésus-Christ par un esprit d’envie et de contention, et que les autres le font par une bonne volonté (15) ». Ce passage vaut la peine d’être expliqué. Pendant cette détention de Paul, bon nombre d’infidèles voulant exciter l’empereur à lui faire une guerre sans pitié, se mirent à annoncer eux-mêmes Jésus-Christ, afin d’allumer plus encore la colère du souverain à la vue de cette prédication semée quand même, et de faire retomber sur la tête de Paul tout ce poids de fureur. Deux lignes de conduite furent donc le double effet de cette incarcération. Elle redoubla le courage des uns ; dans les autres elle réveilla l’espérance de perdre l’apôtre en prêchant, eux aussi, Jésus-Christ. « Quelques – uns par jalousie », c’est-à-dire envieux de ma gloire et d’un début heureux, désirant ma perte, et combattant contre moi, semblent continuer mes travaux ; peut-être aussi l’ambition les entraîne, et ils croient dérober quelque chose à ma gloire. « Plusieurs toutefois agissent par une bonne volonté, c’est-à-dire sans hypocrisie et de grand cœur ».
« D’autres annoncent Jésus-Christ avec un