Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/22

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esprit de contradiction, sans bonne foi (16)», c’est-à-dire sans pureté d’intention, et non pour l’honneur même de la religion. Pour quel motif donc ? « dans la pensée d’appesantir encore mes chaînes » ; ils ne veulent qu’aggraver mes périls et faire peser sur moi souffrance sur souffrance. Ô cruauté ! ô énergie de démon ! Ils le voyaient enchaîné, jeté dans un cachot, et ils le jalousaient encore, heureux s’ils ajoutaient à ses peines, s’ils l’exposaient à un redoublement de fureur. « Dans la pensée » est une expression fort juste ; car les événements trompèrent leur calcul. Ils croyaient, par cette conduite, me combler de chagrin, tandis que je me réjouissais du progrès de l’Évangile. Ainsi arrive-t-il parfois, quand on fait une bonne œuvre, mais avec une intention mauvaise : on n’obtient pas la récompense promise, on doit même en attendre le châtiment. Ces faux apôtres prêchaient Jésus-Christ dans le dessein formel d’attirer sur le prédicateur de Jésus de plus grands dangers aussi loin de recevoir aucune récompense, ils n’obtiendront que le supplice, la peine trop bien méritée.
« Plusieurs cependant prêchent par charité, sachant que j’ai été établi pour la défense de l’Évangile (17) ». Qu’est-ce à dire : « J’ai été établi pour la défense de l’Évangile », sinon, ils prêchent, pour me rendre plus facile le compte que je dois à Dieu, et ils m’aident à subir son jugement. En effet, j’ai reçu l’ordre d’en haut de prêcher, je dois rendre mes comptes, et préparer pour ce Juge suprême mon apologie au sujet de ce grand devoir. Ils me viennent donc en aide pour me faciliter ma défense, qui vraiment me sera bien aisée, s’il se trouve un jour que de nombreux prosélytes ont reçu l’instruction et accepté la foi.
« Qu’importe après tout, pourvu qu’en définitive et de toute manière, soit par occasion soit par véritable zèle, Jésus-Christ, soit annoncé ? (18) » Admirez la sainte philosophie de ce grand homme. Loin d’invectiver contre personne, il dit simplement le fait. Que m’importe après tout, que le Seigneur soit annoncé de telle manière ou de telle autre, s’il l’est, d’ailleurs, de toute façon, par occasion ou par vrai zèle ? Il ne dit pas : « Qu’il soit annoncé ! » il n’emploie pas ce ton impératif ; il se borne à raconter l’événement. Eût-il d’ailleurs parlé avec le sens d’un ordre formel, qu’il n’aurait pas pour cela ouvert le champ aux hérésies.
3. C’est, si vous le voulez, un point à examiner, cependant : il faut comprendre que, quand même saint Paul leur aurait commandé de prêcher ainsi, il n’aurait pas pour cela donné carrière à l’hérésie. Pourquoi ? C’est qu’après tout, ces prédicateurs annonçaient la sainte doctrine ; et que, malgré la perversité de leur but et de leur intention, la prédication était donnée en son intégrité : de toute nécessité même, ils étaient forcés à la donner pure de toute erreur. Pourquoi ? c’est que s’ils avaient autrement prêché, enseigné autrement que Paul, ils n’auraient pas augmenté la colère de l’empereur. Au contraire, par le seul fait de propager la doctrine même de l’apôtre, de répéter les mêmes enseignements, de faire des prosélytes semblables aux siens, ils devaient réussir à courroucer Néron, témoin oculaire de cette multitude de conquêtes. Mais, sur ce passage de l’épître apostolique, il va se produire peut-être une objection misérable et inintelligente. Les ennemis de Paul, dira-t-on, pour lui causer une douleur cuisante, auraient dû suivre une toute autre conduite. Loin de grossir le nombre des fidèles, ils auraient dû détourner ceux qui avaient déjà embrassé la foi ! Que répondrons-nous ? Que leur but unique étant de redoubler les périls dont Paul était environné, et d’empêcher qu’on ne lui fît grâce de son cachot, ces gens prenaient, à leur avis, le plus sûr moyen de lui faire plus de mal encore et de détruire l’Évangile. Agissant différemment, ils auraient apaisé la colère de l’empereur, et permis à Paul de retrouver, avec la liberté, le droit de prêcher la foi. Au reste, ce n’était pas le grand nombre des ennemis du bien qui poussaient jusque-là leur calcul infernal, mais seulement quelques hommes remplis à la fois de haine et de perversité.
Saint Paul poursuit : « De tout cela je me réjouis ; et même je me réjouirai toujours ». Qu’est-ce à dire : « Je me réjouirai ? » Ma joie, dit-il, sera de plus en plus grande, quand même mes ennemis devraient persévérer. Malgré eux, ils secondent mon œuvre ; et ces travaux qu’ils s’imposent, en leur apportant le juste châtiment du ciel, me vaudront une récompense, sans que j’y mette la main. Est-il malice comparable à celle du démon, qui fait gagner ainsi le supplice éternel par l’entreprise la