Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/214

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Il y a, pour la vertu, deux moments : se détourner du mal, et faire le bien. Il ne suffit pas de s’écarter des vices, pour arriver à la vertu ; le chemin qui détourne du péché n’est que le commencement de la route qui conduit au bien ; il faut, pour parvenir, l’ardeur de la bonne volonté. La conduite, en ce qui concerne les vices à éviter, n’est, leur dit l’apôtre, que l’obéissance aux préceptes, et il a raison, car les mauvaises actions attirent les châtiments, mais on ne mérite pas d’être loué, parce que l’on n’en commet pas. Quant à la pratique de la vertu, comme ne se rien réserver de ses biens, toutes les œuvres de ce genre ne sont plus seulement, dit-il, des actions déterminées par les préceptes ; mais de ces œuvres l’Écriture dit : « Qui peut comprendre ceci, le comprenne ». (Mt. 19,12) Il p a donc apparence que l’apôtre, après leur avoir donné, dans le temps, quelques préceptes avec beaucoup de circonspection et de tremblement, se propose, dans cette lettre, de rappeler à leur souvenir ce qui constitue la vraie piété. Voilà pourquoi il ne fait pas ici une exposition des préceptes ; il se contente de les leur rappeler. « Car vous savez », dit-il, « quels préceptes nous vous avons donnés, de la part de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car la volonté de Dieu, c’est votre sanctification ». Et, remarquez, il n’est pas de pensée, dans toutes ses lettres, qu’il insinue d’une manière aussi pressante que celle-ci, ailleurs encore, il écrit : « Recherchez la paix avec tous, et la sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur ». (Héb. 12,14) il n’est pas étonnant que toutes ses lettres à ses disciples expriment cette pensée, puisqu’à Timothée même il écrit : « Conservez-vous pur vous-même ». (1Tim. 5,22) Dans sa seconde épître aux Corinthiens, il disait : « Dans l’excès de la patience, dans les jeûnes, dans la pureté ». (2Cor. 5, 5-6) Partout on trouvera cette pensée, et dans l’épître aux Romains, et dans toutes les autres.

C’est qu’en effet l’impureté est, pour tous, un mal pernicieux ; le porc, couvert de fange, répand l’infection partout sur son chemin, on ne voit plus, on ne sent plus que le fumier ; c’est l’image de la fornication ; il est difficile de se laver de cette souillure. Quand il arrive que des hommes, des hommes mariés se livrent à cette honte, quel excès dans le mal ! « Car la volonté de Dieu », dit-il, « c’est votre sanctification ; c’est que vous vous absteniez de toute fornication ». Il y a bien des espèces de dérèglements, bien des formes, des variétés de plaisirs, que le discours se refuse à exprimer. En disant, « de toute fornication », l’apôtre laisse le soin de comprendre, à ceux qui connaissent ces désordres. « Que chacun de vous sache maintenir son vase dans la sanctification et dans l’honneur, et non point en suivant les mouvements de la concupiscence, comme les païens qui ne connaissent point Dieu (4, 5) ». – « Que chacun de vous sache », dit-il, « maintenir son vase ». C’est qu’en effet c’est une œuvre qui suppose un grand savoir, que d’éviter le libertinage. Donc, nous maintenons notre vase, quand il reste pur et dans la sanctification ; mais quand il est impur, c’est que le péché le tient naturellement. Car ce n’est plus notre volonté que le corps accomplit, mais ce que le péché lui commande. « Non point en suivant les mouvements de la concupiscence », dit-il. Ici l’apôtre montre le moyen de pratiquer la tempérance, les mouvements de la concupiscence doivent être retranchés. C’est l’amour des plaisirs, la passion des richesses, l’indolence de l’âme, son inertie, ce sont tous les vices de ce genre qui nous portent à la concupiscence et aux dérèglements. « Comme les païens qui ne connaissent point Dieu ». Si telles sont leurs mœurs, c’est qu’ils ne s’attendent pas à voir le jour de l’expiation. « Que nul ne franchisse ses limites, ni n’augmente sa part, en cette affaire, aux dépens de son frère (6) ».

2. L’apôtre a bien raison de dire : « Que nul ne franchisse ses limites ». Dieu affecte, à chaque homme, une femme au plus ; il fixe des limites naturelles ; ce commerce n’admet qu’une seule femme. Le commerce avec une seconde est en dehors des limites, il y a vol, la part est démesurée. Disons mieux, il y a là un crime plus détestable que toute espèce de brigandage. Car nous éprouvons moins de douleur, quand on nous vole notre argent, ou notre or, que quand on brise le coffre-fort du bien conjugal. Vous appelez un homme votre frère, et vous augmentez votre part à ses dépens, et contre toute justice ? Ici, c’est de l’adultère qu’il parle ; plus haut, il avait en vue toute espèce de fornication. Au moment de dire, qu’on ne doit pas franchir ses limites qu’on ne doit pas augmenter sa part aux dépens de son frère, l’apôtre prévient une restriction ; n’allez pas croire, dit-il, que je ne