Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/232

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ne connaissaient pas l’enfer, aussi étaient-ils frappés de châtiments soudains ; mais vous, qui, quelles que soient vos fautes, n’êtes pas punis, vous les expierez toutes là-bas. Eh quoi ! Dieu a puni ceux qui, auprès de nous, n’étaient que des enfants, pour de moindres péchés, de tels supplices, et il nous épargnera ? Ce discours ne peut se soutenir. Quand nos fautes égaleraient seulement les leurs, nous mériterions un plus rigoureux châtiment. Pourquoi ? parce que nous avons reçu la grâce avec plus d’abondance. Et maintenant que nous sommes plus souvent et plus gravement coupables, à quelle vengeance ne devons-nous pas nous attendre ? Ces anciens hommes, (n’allez pas croire que je sois surpris de leur supplice, que je veuille les absoudre, loin de moi cette pensée ; quand Dieu punit, celui qui condamne le jugement de Dieu exprime une pensée qui lui vient du démon ; donc je ne fais pas l’éloge des anciens hommes, je ne prétends pas les absoudre, je ne fais que montrer notre perversité), eh bien donc, ces hommes d’autrefois, s’ils murmuraient, c’est qu’ils arrivaient dans un désert ; mais nous, nous avons une patrie, et c’est à l’abri de nos maisons que nous proférons des murmures ; ces hommes d’autrefois encore, ils se livraient à la fornication, mais ils sortaient de l’Égypte, du sein d’un peuple corrompu, et c’est à peine s’ils étaient initiés à la loi ; mais nous, qui avons reçu de n os pères des enseignements pour nous sauver, nous méritons un châtiment plus rigoureux.

Vous faut-il encore d’autres exemples de punition ? Les châtiments soufferts dans la Palestine, les famines, les pestes, les guerres, les captivités ; captivité sous les Babyloniens, captivité sous les Assyriens ; les maux soufferts de la part, et des Macédoniens, et d’Adrien, et de Vespasien. Je veux, mon cher auditeur, vous raconter une histoire, mais ne faites pas un mouvement en arrière ; ou plutôt, non, je vous dirai autre chose d’abord. Il y avait une fois une famine, dit l’Écriture, et le roi se promenait sur le rempart : une femme s’approche de lui et lui dit : « Roi voilà une femme qui m’a dit : Donnez votre fils, que nous le fassions cuire aujourd’hui et que nous le mangions ; et demain, ce sera le mien ; et nous l’avons cuit, et nous l’avons mangé » (2R. 6,26, 29) ; celle-ci n’a pas encore donné le sien. Quoi de plus affreux que ce malheur ? Dans un autre endroit le Prophète dit : « Les mains des femmes miséricordieuses ont fait cuire leurs enfants ». (Jer. 4,10) Telle fut la punition des Juifs, et nous, n’en subirons-nous pas une bien plus terrible encore ?

4. Voulez-vous connaître encore quelques autres de leurs malheurs ? Lisez Josèphe, étudiez toute cette tragédie, nous vous persuaderons peut-être, par là, qu’il y a un enfer. Réfléchissez donc : s’ils ont été châtiés, pourquoi ne sommes-nous pas châtiés ? Quelle vraisemblance que nous ne soyons pas châtiés aussi, nous qui sommes plus coupables ? N’est-il pas évident que le châtiment est mis en réserve pour nous ? Si vous voulez, je vais vous montrer qu’ils ont été châtiés aussi individuellement. Caïn a tué son frère. Crime affreux, c’est ni contestable ; mais Caïn a subi sa peine, peine terrible, plus affreuse que mille morts ; écoutez ses plaintes : « Vous me chassez aujourd’hui de dessus la terre, et j’irai me cacher de devant votre face, et quiconque me trouvera, me tuera ». (Gen. 4,14) Eh bien, dites-moi, n’y a-t-il pas beaucoup d’hommes qui font aujourd’hui comme ce meurtrier ? Quand vous assassinez, non votre frère selon la chair, mais, votre frère spirituel, ne faites-vous pas comme Caïn ? Qu’importe que ce ne soit pas avec une arme, mais d’une autre manière, quand, au lieu d’apaiser sa faim, ce que vous pourriez faire, vous l’abandonnez ? Eh quoi ! est-il vrai de dire aujourd’hui que nul n’est envieux de son frère ? Que nul ne jette son frère dans les dangers ? Eh bien, ces méchants sur cette terre, n’ont pas subi leur peine, mais ils la subiront. Voyez donc encore : celui qui n’a entendu ni la loi écrite, ni les prophètes, qui n’a pas vu des signes éclatants, celui-là est frappé d’un châtiment rigoureux ; et celui qui, sans être moins coupable, a eu tant d’avertissements pour le ramener au bien, celui-là demeurera impie ? Où donc est la justice de Dieu ? Qu’est devenue sa bonté ?

Autre exemple : pour du bois ramassé le jour du sabbat, un malheureux a été lapidé (Nb. 15,32) : la défense pourtant n’était pas des plus importantes, ce n’était pas une prescription comme celle de la circoncision. Eh bien, pour du bois ramassé le jour du sabbat, lapidé ; et ceux qui enfreignent mille fois la loi, seront impunis ? S’il n’y a pas d’enfer, où donc est la justice, que devient ce