Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/261

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parle sans cesse ; discours qui affligent l’auditeur, mais qui l’affligent pour sa plus grande utilité.
4. Car il en est ainsi dg tout ce qui noms est utile. Ne vous en étonnez pas, les médicaments, les aliments répugnent d’abord au malade, et ils lui sont utiles. Si nous ne supportons pas la rigueur des paroles, il est évident que nous ne supporterons pas l’affliction réelle ; si l’on ne supporte pas les discours sur la géhenne, évidemment quand la persécution viendra, l’on ne saura pas résister au feu et au glaive. Sachons donc habituer notre oreille à ces discours, préservons – nous, de la mollesse. Après les paroles, viendra pour nous la réalité. Habituons-nous à entendre des choses terribles pour nous habituer à supporter des choses Terribles. Si notre relâchement va jusqu’à ne pas pouvoir endurer des paroles, comment pourrons-nous tenir contre les rigueurs de la réalité ? Voyez quel mépris pour tous les mauvais traitements, pour les dangers survenant coup sur coup, manifeste le bienheureux Paul. C’est que ses méditations l’avaient porté jusqu’au mépris de l’enfer, pour se rendre agréable à Dieu. La réalité même de l’enfer lui paraissait peu de chose, pour l’amour du Christ ; et nous, en considération de nos intérêts, nous ne supportons même pas les paroles qui le rappellent. A peine avez-vous entendu quelques mots sur ce sujet, vite vous vous retirez. Je vous en prie, s’il y a en vous quelque charité, ne vous lassez pas, de semblables entretiens. Ces méditations ne sauraient en rien vous nuire, supposé qu’elles ne vous servent pas ; au contraire, je suis sûr qu’elles vous serviront, car l’âme se façonne selon les discours qu’elle entend. « Les mauvais entretiens gâtent les bonnes mœurs », dit l’apôtre, (1Cor. 15,33) D’où il suit que les bons entretiens les améliorent : Les entretiens sur des sujets terribles inspirent, la sagesse. L’âme est comme une cire : exposez-la au froid de certains discours, vous la pétrifiez, vous l’endurcissez. Au contraire, les discours fervents l’amollissent ; et quand elle est amollie, vous lui donnez la forme que vous voulez, et, vous y gravez la royale image.
Donc, bouchons nos oreilles aux discours inconsidérés, redoutons ce mal, d’où proviennent tous les maux. Si l’attention de notre âge s’exerçait uniquement à entendre les divines paroles, elle ne ferait pas attention aux autres discours, et n’y faisant pas attention, elle ne se porterait pas aux actions mauvaises. Car la route qui conduit aux actions, c’est la parole ; d’abord nous pensons, ensuite nous parlons, puis nous agissons. Grand nombre d’hommes, pleins de sagesse et de modération, ont commencé par les paroles honteuses pour arriver aux actions honteuses. Notre âme, en effet, n’est de sa nature ni bonne ni mauvaise ; c’est le libre arbitre qui la met tantôt dans tel état, tantôt dans tel autre. De même que la voile porte le navire partout où souffle le vent, ou plutôt, de même que le gouvernail transporte le navire, si le vent est favorable ; de même la pensée, si les bonnes paroles sont portées par un vent favorable, naviguera sans péril. Dans le cas contraire, la pensée fera souvent naufrage ; car, ce que sont les vents pour les navires, les paroles le sont pour les âmes ; partout où vous voulez, vous transportez et tournez votre pensée ; de là ce conseil de l’Écriture : « Que toutes vos paroles soient conformes à la loi du Très-Haut ». (Sir. 9,15) Aussi, je vous en, prie, quand les nourrices vous rendent vus enfants, ne les habituez pas à des contes de vieille femme ; mais, dès l’âge le plus tendre, qu’ils apprennent ce que c’est que le jugement ; gravons-leur dans l’âme ce que c’est que le supplice. Cette crainte, enracinée dans les cœurs, produit de grands biens. L’âme qui, dès les premières années de l’enfance, s’est pliée à cette attente, ne, secouera pas facilement ce guide dont elle a peur ; comme un cheval, docile au frein, l’âme qui, sent peser sur elle la pensée de la géhenne, marche d’un pas bien réglé, et toutes ces paroles seront conformes à son utilité, et ni jeunesse, ni richesse, ni perte ou abandon, ou quoi que ce soit, ne pourra lui nuire, si elle a cette raison solide assez forte pour résister à tout. Ces entretiens doivent être notre règle et notre frein, pour nous, pour nos femmes, nos esclaves, nos enfants, nos amis, et, s’il est possible, pour nos ennemis. Nous pouvons, avec ces entretiens, retrancher le grand nombre de nos péchés, et vivre, au milieu des afflictions, plus heureux qu’au sein de la prospérité, et je vais vous le prouver. Répondez-moi : Vous entrez dans une maison où se célèbre un mariage, et, pendant une heure, ce spectacle vous amuse, mais bientôt vous vous retirez, et le chagrin vous dessèche parce que vous, n’êtes