Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/291

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HOMÉLIE III.


JE RENDS GRÂCES A CELUI QUI M’A FORTIFIÉ, AU CHRIST JÉSUS NOTRE-SEIGNEUR, DE CE QU’IL M’A ESTIMÉ FIDÈLE, ME PLAÇANT A SON SERVICE, MOI QUI AUPARAVANT ÉTAIS BLASPHÉMATEUR, PERSÉCUTEUR ET COUPABLE D’OUTRAGES ; MAIS IL M’A FAIT MISÉRICORDE, PARCE QUE J’AI AGI PAR IGNORANCE DANS L’INCRÉDULITÉ ; ET LA GRACE DE NOTRE-SEIGNEUR A SURABONDÉ AVEC LA FOI ET LA CHARITÉ QUI EST EN JÉSUS-CHRIST. (I, 12-14)

Analyse.

  • 1. Admirable humilité de saint Paul.
  • 2. S’il avait persécuté l’Église naissante, il l’avait fait par ignorance et par zèle, et non par amour de la domination.

3 et 4. Que l’amour de Dieu dirige notre vie. – Rendons le bien pour le mal.
1. Nous savons que l’humilité procure de grands avantages, mais nulle part on n’y arrive aisément ; nous trouvons bien et plus qu’il ne faut l’humilité des paroles, nulle part la vraie humilité. Mais le bienheureux Paul l’a pratiquée avec un grand zèle, et il se représentait toutes les raisons d’humilier son esprit. En effet, comme il est naturel que l’humilité soit difficile pour ceux qui ont conscience de leurs grands progrès dans le bien ; saint Paul devait souffrir une grande violence, car le bien dont il avait conscience produisait comme un gonflement dans son cœur. Considérez donc ce qu’il fait. Il vient de dire que l’Évangile de la gloire de Dieu lui a été confié, Évangile auquel ne peuvent avoir part ceux qui suivent encore la loi ; car il y a incompatibilité, et l’intervalle est si grand que ceux qui se laissent entraîner par la loi, ne sont pas encore dignes d’avoir part à l’Évangile ; ainsi dirait-on que ceux à qui il faut des chaînes et des tribunaux ne peuvent être admis au nombre des philosophes. Après donc qu’il s’est exalté et a dit de lui-même cette grande parole, il se rabaisse aussitôt et engage les autres à faire de même. A peine a-t-il écrit que l’Évangile lui a été confié, qu’il se hâte d’ajouter un correctif, afin que vous ne pensiez point qu’il a parlé par orgueil. Voyez donc comme il corrige son discours en ajoutant ces mots : « Je rends grâces à celui qui m’a fortifié, au Christ Jésus Notre-Seigneur, de ce qu’il m’a estimé fidèle, me plaçant à son service ».
Voyez-vous comment il cache partout sa vertu et rapporte tout à Dieu, sachant toutefois réserver son libre arbitre ? En effet, un infidèle dirait peut-être : Si tout est de Dieu, si nous ne contribuons à rien, s’il vous transporte comme du bois et des pierres, du vice à la sagesse, pourquoi en a-t-il agi ainsi envers Paul et non envers Judas ? Voyez comment, pour détruire cette objection, il use de paroles prudentes : L’Évangile m’a été confié, dit-il, C’est là son avantage et sa dignité ; mais elle ne lui appartient pas pleinement, car voyez ce qu’il dit : « Je rends grâces à celui qui m’a « fortifié, à Jésus-Christ n. Voilà ce qui appartient à Dieu ; voici maintenant ce qui lui appartient à lui-même : « Parce qu’il m’a estimé fidèle » ; c’est-à-dire estimé devoir faire bon usage de ses propres facultés. « Me prenant », dit-il, « à son service, moi qui auparavant étais blasphémateur, persécuteur et coupable d’outrages ; mais il m’a fait miséricorde, parce que j’ai agi par ignorance dans l’incrédulité ». Voyez comment il expose ce qui lui appartient et ce qui appartient à Dieu, attribuant la plus grande part à la Providence divine, et resserrant la sienne, mais toutefois, comme j’ai eu hâte de le dire, sans porter atteinte au libre arbitre. Et pourquoi ces mots : M’a fortifié ? L’apôtre avait reçu un lourd fardeau et avait besoin d’une grande assistance d’en haut. Songez en effet ce que c’était que d’avoir à soutenir chaque jour les outrages, les insultes, les embûches, les périls, les railleries, les injures, le danger de mort ; et cela sans faiblir, sans glisser dans la voie, sans retourner en arrière mais, en butte à mille traits chaque jour, conserver un regard fixe et intrépide, cela n’est point ;?au pouvoir des forces humaines, et même ne demande pas l’assistance ordinaire de Dieu, mais une vocation spéciale. C’est parce que Dieu avait prévu ce que serait Paul, qu’il l’a choisi ; écoutez ce qu’il dit avant que Paul commence à prêcher l’Évangile : « Celui-