Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/292

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ci est pour moi un vase d’élection, qui doit porter mon nom en présence des nations et des rois ». (Act. 9,15) De même que ceux qui portent à la guerre le drapeau du souverain, le labarum, ont besoin de force et d’expérience, pour ne pas le laisser tomber aux mains de l’ennemi ; de même ceux qui portent le nom du Christ, non seulement durant la guerre, mais aussi en pleine paix, ont besoin d’une grande force pour ne pas le trahir devant les bouches qui l’accusent, mais pour le soutenir noblement et porter la croix. Oui, il faut une grande force pour soutenir le nom du Christ. Celui qui se permet dans ses paroles, ses actions ou sa pensée quelque chose d’indigne, ne le soutient pas et n’a pas le Christ en lui. Celui qui en est chargé, doit le porter avec honneur, non à travers une place publique, mais à travers les cieux ; et c’est avec tremblement que tous les anges l’escortent et l’admirent.
« Je rends grâces », dit l’apôtre, « à celui qui m’a fortifié, au Christ Jésus Notre-Seigneur ». Vous le voyez, il témoigne sa reconnaissance. C’est de ce qu’il est un vase d’élection, qu’il témoigne sa reconnaissance envers Dieu. Ce titre vous appartient, ô bienheureux Paul, car Dieu ne fait point acception des personnes. C’est comme s’il disait : Je rends grâces de ce que Dieu m’a honoré de cette fonction, qui montre qu’il m’estime fidèle. Car de même que, dans une maison, l’intendant ne remercie pas seulement son maître d’avoir eu confiance en fui, mais voit dans sa charge un témoignage qu’il a en lui plus de confiance que dans les autres ; de même en est-il du ministère apostolique.
Considérez ensuite comment il exalte la miséricorde et la bonté de Dieu, en parlant de sa vie antérieur : « Moi », dit-il, « qui auparavant étais blasphémateur, persécuteur et coupable d’outrages ». Lorsqu’il parle des juifs encore incrédules, son langage est fort réservé : « Je leur rends témoignage », dit-il, « qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais un zèle qui n’est pas selon la science ». (Rom. 10,2) S’il parle de lui-même, au contraire, il se donne les noms de blasphémateur et de persécuteur. Voyez comme il s’abaisse, comme il est éloigné de l’amour-propre, combien il tient sa pensée dans l’humilité. Il ne lui a pas suffi de dire « blasphémateur », il ajoute « persécuteur » ; il insiste. Il dit en effet qu’il ne se bornait pas à faire lui-même le mal, qu’il ne se contentait pas de blasphémer, mais qu’il persécutait ceux qui voulaient suivre la voie de la religion ; car la fureur du blasphème va bien loin. « Mais », ajoute-t-il, « Dieu m’a fait miséricorde, parce que j’ai agi « par ignorance dans l’incrédulité ».
2. Et pourquoi n’a-t-il pas fait miséricorde au reste des juifs ? Parce qu’ils n’ont pas péché par ignorance, mais qu’ils avaient conscience et pleine connaissance du mal qu’ils taisaient. Et, pour le bien comprendre, écoutez l’évangéliste qui nous dit : « Plusieurs d’entre les principaux juifs croyaient en lui, mais n’en convenaient pas ; car ils aimaient mieux la gloire qui vient des hommes, que celle qui vient de Dieu ». (Jn. 12,42,43) Et le Christ ; « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire, que vous vous donnez les uns aux autres ? » (Jn. 5,44) Et encorde passage où il est dit que les parents de l’aveugle parlèrent ainsi à cause des juifs, dans la crainte d’être chassés de la synagogue. (Jn. 9,22) Et les Juifs disaient : Voyez-vous que nous ne gagnons rien ? car tout le monde va après lui. Partout, en effet, la passion de dominer les troublait. Et eux-mêmes dirent que « personne n’a le pouvoir de remettre les péchés, si ce n’est Dieu seul ». (Lc. 5,21) Et aussitôt Jésus fit ce qu’ils disaient être le signe de Dieu. Ce n’était donc pas chez eux cause d’ignorance. Où était alors Paul ? dira-t-on peut-être. Il était assis aux pieds de Gamaliel, n’ayant rien de commun avec cette foule séditieuse. Et où était Gamaliel ? C’était un homme qui ne faisait rien par amour de la domination. Comment donc, après cela, Paul se trouve-t-il avec la foule ? Il voyait le nombre des croyants s’augmenter, prendre le dessus et tout le peuple se laisser gagner. Les uns s’étaient réunis au Christ pendant qu’il était sur la terre, d’autres à ses disciples ; enfin il se faisait une grande division parmi les Juifs. Et ce qu’il fit alors, il le fit, non par amour de la domination, comme les autres, mais par zèle. Car pourquoi se rendait-il à Damas ? Il regardait ce qui se passait comme un mal, et craignait que la prédication ne se répandît partout. Mais il n’en était pas ainsi des autres. Ce n’était pas par un soin tutélaire pour la foule, mais par amour de la domination qu’ils agissaient. Voyez ce qu’ils disent : « Les Romains détruisent notre nation et notre ville ». (Jn. 11,48) C’était donc une crainte humaine qui les agitait.