Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/297

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ne peut trouver un si grand pécheur qui ait besoin de toute sa miséricorde, de toute sa patience et non d’une partie, comme ceux qui ne sont pécheurs qu’en partie. – « Afin que je servisse d’exemple à ceux qui croiront en lui pour la vie éternelle » ; c’est-à-dire pour leur consolation, pour leur encouragement. Et après avoir dit du Fils cette grande parole sur l’immense charité qu’il a montrée, afin que nul ne suppose qu’il ait voulu priver le Père de la gloire qui lui est due, il la lui rapporte en disant : « Et au roi des siècles, immortel, invisible, Dieu unique, honneur et gloire aux siècles des siècles. Ainsi soit-il ». (1Tim. 1,17) De ces bienfaits, dit-il, nous glorifions non seulement le Fils, mais le Père. Mais écoutons les hérétiques : Voyez, il a dit : Dieu unique ; le, Fils n’est donc pas Dieu ; il a dit : Seul immortel ; le Fils n’est donc pas immortel. – Eh quoi ! Ce qu’il nous donne après cette vie, il ne le possède pas ? Oui, dira l’hérétique, il est Dieu et immortel, mais non comme le Père. – Que voulez-vous dire par là ? – C’est qu’il est d’une moindre substance. – Ainsi il est d’une moindre immortalité ? Qu’est-ce donc qu’une immortalité moindre ou plus grand ? Car l’immortalité, qu’est-ce autre chose que de ne pas mourir ? La gloire peut être plus grande ou plus petite, mais non l’immortalité, non plus que la bonne santé : un être doit mourir, ou ne pas mourir. – Quoi donc, me répondra-t-on, en est-il de nous comme de Dieu ? – Non certes ; loin de nous une telle pensée. – Et comment l’entendez-vous ? – C’est qu’il possède l’immortalité par nature, et que nous l’avons reçue. Mais en, est-il de même du Fils ? Nullement, il la possède aussi par nature. – Quelle est donc la distinction ? – C’est que le Père n’est point engendré d’une autre personne et que le Fils est engendré de, son Père. Nous en convenons ; nous ne nions point que le Fils soit engendré immortel du Père. Nous glorifions le Père de ce qu’il a engendré un tel Fils. Comprenez-vous que le Père est glorifié d’autant plus que le Fils est plus grand ? Car la gloire du Fils lui est rapportée. Ainsi Dieu ayant engendré un, Fils aussi puissant que lui-même, la, gloire en appartient-elle plus au Fils qu’au Père ? Il en est de même, quand nous disons que le Fils est puissant par lui-même, qu’il se suffit à lui-même et qu’il possède la force. C’est en parlant du roi des siècles, et c’est de son Fils qu’il est dit « Par lequel il a fait aussi les siècles ». (Héb. 1,2) Voici ce qui se passe en ce monde. Chez nous, la fabrication et la création sont choses bien différentes. L’un se fatigue et s’épuise à effectuer une œuvre ; un autre en jouit. Pourquoi ? Parce que l’ouvrier est moins puissant. Mais, dans les cieux, autre n’est pas le fabricateur et autre le maître. Ainsi je n’irai pas, à cause de ces mots : « Par lequel il a fait aussi les siècles », enlever au Père la puissance créatrice ; ni à cause de ceux-ci : « Le Père, roi des siècles », enlever au Fils sa souveraineté ; l’une et l’autre sont communes à tous les deux. Le Père est l’auteur du monde, puisqu’il a engendré le Démiurge ; le Fils est Roi, puisqu’il est maître des créatures. Ce n’est point un ouvrier mercenaire comme les nôtres ; il n’est point comme eux un instrument passif ; mais il agit par sa propre bonté et son amour pour les hommes. Et le Fils a-t-il été vu ? Nul ne l’oserait dire[1]. Cependant l’apôtre dit : « Au roi des siècles, immortel, invisible, Dieu unique ». Mais que sera-ce quand l’Écriture dit aussi : « Il n’est point d’autre nom, dans lequel nous devions être sauvés », et : « Il n’est de salut en aucun autre ? » (Act. 4,12)
3. « Honneur et gloire dans tous les siècles, ainsi soit-il », continue l’apôtre. L’honneur et la gloire ne viennent pas des paroles, et ce n’est pas en paroles que Dieu lui-même nous a honorés, mais par des actes effectifs ; nous aussi honorons-le donc par nos actions L’honneur qu’il nous fait nous touche, et celui que nous lui rendons ne l’atteint pas, car il n’a pas besoin de ce qui vient de nous, tandis que nous avons besoin de ses faveurs. En sorte que lui rendre gloire, c’est travailler à notre élévation. De même que celui qui ouvre les yeux pour voir la lumière du soleil, fait un acte utile à lui-même, et qu’en admirant la beauté de cet astre, il ne lui fait point une faveur, car il ne le rend pas plus brillant et le soleil demeure ce qu’il est ; de même et bien plus encore en est-il par rapport à Dieu celui qui vénère Dieu et lui rend honneur, se sauve lui-même et se procure le plus grand des biens. Comment ? Parce qu’il suit la voie de la vertu et est glorifié par Dieu même. « Ceux qui me glorifient, je les glorifierai » dit-il. (1Sa. 2,30) Comment donc dit-il qu’il

  1. En dehors de l’Incarnation.