Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/305

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battu ou non. Et vous qui êtes là, songeant à vos péchés, vous ne frémissez pas, parce que vous vous rappelez les actions des autres ? Et comment implorez-vous Dieu ? En demandant qu’il sévisse contre votre frère, vous empirez votre situation, vous ne permettez pas que Dieu vous pardonne vos fautes. Comment, en effet, dit-il, si tu veux que je demande un compte sévère des torts qu’on a eus envers toi, comment me demandes-tu de te pardonner tes propres offenses envers moi ? Apprenons enfin à être chrétiens. Si nous ne savons pas prier, ce qui est doux et bien facile, comment saurons-nous le reste ? Apprenons à prier comme des chrétiens. Ce ne sont pas là des prières de chrétiens, mais de juifs ; celles du chrétien, tout au contraire, c’est de demander pardon et miséricorde pour les offenses commises envers lui. « Nous sommes maudits, et nous bénissons », dit l’apôtre ; « nous sommes persécutés, et nous le supportons ; nous sommes calomniés, et nous prions ». (1Cor. 4,12-13)
Écoutez ce que dit Étienne : « Seigneur, ne leur imputez point ce péché ». (Act. 7,59) non seulement il n’a point lancé d’imprécation contre ses bourreaux, mais il a prié pour eux ; et vous, non seulement vous ne priez pas pour vos ennemis, mais vous les maudissez. De même donc qu’il est digne d’admiration, vous, vous êtes un misérable. Qui admirons-nous, dites-moi ? Ceux pour qui Étienne priait, ou l’auteur de cette prière ? Celui-ci assurément. Et si nous pensons ainsi, combien plus Dieu lui-même. Tu veux que ton ennemi soit châtié ? Prie pour lui, mais non dans cette pensée, non pour l’atteindre ; cet effet sera produit, mais ne le fais pas dans ce but. Bien que ce saint personnage souffrit injustement cette persécution, il priait pour ses bourreaux ; tandis que nous souffrons souvent de la part de nos ennemis des maux que nous méritons. Et si, souffrant contre toute justice, il n’a point osé maudire ; bien plus, s’il n’a pas osé né point prier pour ses ennemis, nous qui soufrons avec justice et qui cependant, non seulement ne prions point pour les nôtres, mais les maudissons au contraire, de quel châtiment ne sommes-nous pas dignes ? Vous paraissez blesser votre ennemi, mais en réalité c’est en vous-même que vous enfoncez l’épée, puisque vous ne permettez point que le juge se montre miséricordieux pour vos péchés, en cherchant à l’irriter contre ceux des autres « On usera envers vous de la mesure dont vous aurez usé envers les autres, et vous serez jugés comme vous aurez jugé ». (Mt. 7,2) Soyons miséricordieux, afin que nous obtenions de Dieu miséricorde.
3. Je voudrais que, ne vous bornant point à entendre ces paroles, vous fussiez fidèles à les observer. Maintenant elles ne vous laissent qu’un souvenir, et bientôt il sera lui-même effacé ; quand vous vous serez dispersés, si quelqu’un de ceux qui ne sont pas venus ici vous interroge sur ce que nous avons dit, les uns ne sauront que dire, d’autres sauront seulement répondre quel a été le sujet de l’homélie, savoir que le prédicateur a dit qu’il ne faut point avoir de ressentiment, mais au contraire prier pour ses ennemis ; ajoutant qu’ils ne chercheront point à reproduire toute la suite de mes paroles, car ils ne sauraient s’en souvenir ; d’autres se souviennent de quelques minces lambeaux. C’est pourquoi je vous invite, si vous ne tirez nul profit de mes discours, à ne point vous attacher à m’entendre. Car que vous en revient-il, sinon un jugement plus sévère, un châtiment plus rigoureux, pour demeurer dans le même état après tant d’avertissements ? Dieu nous a donné une formule de prière afin que nous ne demandions rien de terrestre et d’humain. Vous savez, vous qui êtes fidèles, ce qu’il faut demander, et dans quel sens est conçue toute la commune prière. Mais il n’est pas dit, dans cette prière, me répandrez-vous, que nous devons prier pour les infidèles. C’est que vous ne connaissez pas la force de cette prière, sa profondeur et le trésor qu’elle renferme ; si l’on y pénètre, on l’y trouvera. Car lorsque l’on dit dans sa prière : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », c’est là le sens qui se trouve caché dans cette parole. Comment cela ? C’est qu’au ciel il ne se trouve ni infidèle ni prévaricateur. Si donc il n’était question que des fidèles, cette parole n’aurait pas de sens ; car si les fidèles devaient seuls accomplir la volonté de Dieu, et qu’elle fût enfreinte par les infidèles, elle ne serait point accomplie comme dans le ciel. Et quoi encore ? Au ciel, il n’est point de pervers ; qu’il n’en soit donc plus sur la terre ; attirez-les tous, mon Dieu, à votre crainte, faites des anges de tous les hommes, quand ils seraient nos ennemis et ceux de l’empire.