Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/31

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gravité, mais en évitant de nous ridiculiser. Pleurons-les non pas seulement un jour ou deux, mais toute notre vie : ainsi continuent les larmes, quand elles ne coulent pas d’une émotion insensée, mais d’un amour véritable et pur. Quant aux pleurs de folle tendresse, ils sont bientôt séchés, tandis que ceux qu’inspire la crainte de Dieu sont intarissables.
Pleurons ainsi nos morts, et secourons-les de tout notre pouvoir. Préparons-leur quelque consolation, si faible qu’elle soit, mais qui puisse être vraie et efficace. Comment ? Par quel moyen ? Prions pour eux, faisons prier, pour eux continuellement versons l’aumône aux pauvres. Toujours ainsi leur procurerons-nous quelque consolation. Écoutez Dieu même qui dit : « Je protégerai cette ville, et pour moi-même, et pour David mon serviteur ». Si le seul souvenir d’un juste a eu cette puissance, que ne pourront pas des œuvres accomplies en faveur des morts ?
Aussi n’est-ce pas en vain que les apôtres nous ont laissé la coutume et la loi : vous savez que, d’après eux, dans nos saints et redoutables mystères, il doit être fait mémoire des défunts. Ils savaient quel avantage, quel bien immense ce souvenir devait leur procurer. Dans le moment, en effet, où tout le peuple fidèle, uni au corps sacerdotal, debout, les bras étendus, offre le redoutable sacrifice, comment Dieu ne serait-il pas fléchi par les prières que nous adressons en leur faveur ? Car nous parlons de ceux qui sont morts dans la foi. Les catéchumènes n’ont aucune part à ces consolantes prières ; privés de tout autre secours, il leur en reste un cependant, un seul, et lequel ? C’est que nous fassions pour eux l’aumône aux pauvres : leur pauvre âme en recueillera quelque bienfait.
Dieu veut, en effet, que nous nous prêtions mutuellement secours. Pour quel autre motif nous aurait-il commandé de prier pour la paix et pour la tranquillité publique ? Pourquoi pour tous les hommes ? lorsque dans cette universalité sont englobés les brigands, les violateurs de sépultures, les voleurs, et tant d’autres pervers chargés de crimes sans nombre ? C’est que peut-être leur conversion s’ensuivra. Comme donc nous prions pour des vivants en tout semblables à des cadavres, ainsi est-il permis de prier pour les défunts.
Job autrefois offrait des sacrifices pour ses enfants, et obtenait le pardon de leurs péchés : Je « crains », disait-il, « qu’ils n’aient péché dans leur cœur ». Voilà vraiment consulter les intérêts des siens. Loin de dire, comme le répètent aujourd’hui la plupart des hommes : Je leur laisserai des richesses ! Loin de dire : J’amasserai pour eux la gloire ! loin de dire : J’achèterai pour eux quelque commandement, quelques terres ; que dit-il ? J’ai peur que leur cœur n’ait péché ! Quel avantage, en effet, procurent en définitive toutes ces propriétés attachées à ce bas monde ? Aucun. Le Roi, le suprême Roi et ses miséricordes, voilà ce que je veux leur laisser, certain qu’avec Lui, rien ne peut leur manquer. Car « le Seigneur me nourrit », a dit le prophète, « et rien ne me manquera ». Magnifique fortune, riche trésor ! Si nous avons la crainte de Dieu, nous n’aurons besoin de rien ; sinon, eussions-nous gagné un royaume, nous serions encore les plus pauvres des hommes. Rien n’est grand comme celui qui craint Dieu. « Est-ce qu’en effet », dit la Sagesse, « cette crainte » du Seigneur « ne s’est pas placée au-dessus de tout ? » Ah ! sachons donc l’acquérir ; faisons tout pour sa conquête, fallût-il rendre à Dieu notre dernier souffle, fallût-il livrer notre corps aux tourments : que rien au monde ne nous fasse reculer : faisons tout pour gagner cette crainte salutaire. Ainsi deviendrons-nous plus riches que personne ici-bas ; ainsi atteindrons-nous encore les biens à venir, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec lequel soit au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.