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HOMÉLIE IV.

JE DÉSIRE QUE LES LIENS DE MON CORPS SE BRISENT POUR ÊTRE AVEC JÉSUS-CHRIST. (I, 23.)

Analyse.

  • 1 et 2. Éloge magnifique de saint Paul ; il désire la mort, et accepte par charité la vie, la vie qu’il nous dépeint si dure, et si compromettante pour le salut. Paul comparé au soleil. – Son plus grand bonheur est la joie et la vertu des Philippiens.
  • 3. Son vœu, qu’ils soient unis par la charité : un seul cœur, une seule âme. – Son but, qu’ils soient sans peur et se préparent à tous les sacrifices.
  • 4 et 5. La charité, c’est l’homme ; c’est presque Dieu, ou tout au moins, c’est l’imitation de sa bonté. – La miséricorde sera notre juge : nous serons traités comme nous aurons traité les autres.

1. Rien de plus heureux que l’âme de saint Paul, parce qu’aussi rien n’était plus généreux. De nos jours, au contraire, et de nous tous on peut dire : rien n’est plus faible, par suite rien n’est plus misérable. Nous avons tous horreur de la mort, les uns, et je suis du nombre, parce que le poids et la multitude de leurs péchés les accable ; les autres, et puisse-je n’en être jamais, parce qu’à tout prix ils veulent vivre et voient dans la mort le souverain mal. L’homme animal seul peut éprouver cette peur. Eh bien ! ce qui nous fait horreur, Paul le désirait, Paul s’y attachait, et ses paroles en font preuve : « Être dissous, c’est bien le meilleur ! et moi, je ne sais que choisir ! » Que dites-vous ? Sûr d’émigrer de cet exil vers le ciel, sûr de posséder Jésus-Christ, vous ne savez que choisir ? Ah ! nous sommes loin de comprendre l’âme de Paul. Et qui donc, si pareille condition lui était présentée sérieusement, n’y souscrirait avec empressement ? Pour nous, il n’est en notre pouvoir, ni de mourir, pour aller avec Jésus-Christ, ni de demeurer en cette vie ; mais l’un et l’autre dépendaient de saint Paul, telle était sa vertu. – Que dites-vous donc, bienheureux apôtre ? Vous savez, vous êtes assuré que vous serez avec Jésus-Christ, et vous hésitez ! « Je ne sais que choisir », dites-vous ! Il y a plus, vous préférez rester ici, je veux dire dans votre chair. Et quel est votre attrait ? Est-ce que vous n’avez pas toujours mené une vie bien rude, endurant veilles, naufrages, faim et soif, nudité, soins, inquiétudes ? infirme avec les infirmes, dévoré de zèle et d’ennui pour ceux qui se laissaient prendre aux scandales ? Il nous rappelle, en effet, la « grande patience, les tribulations, les nécessités, les afflictions, les plaies, les prisons, les séditions, les jeûnes, la continence (2Co. 6,4-5) ; par cinq fois », dit-il, « j’ai reçu trente-neuf coups de fouet ; trois fois j’ai été battu de verges, une fois lapidé ; une nuit et un jour au fond de la mer ; périls des fleuves, périls des brigands, périls dans la cité, périls dans la solitude ; périls de la part des faux frères ». (2Co. 11,21-26) – Et quand toute la nation des Galates avait fait un triste retour vers la loi de Moïse, ne vous entendait-on pas crier : « Vous qui cherchez la justice légale, vous êtes déchus de la grâce ? » (Gal. 5,4) Alors, combien ne fut pas profonde votre douleur ? – Et c’est cette vie si changeante que vous regrettez ?

D’ailleurs, quand bien même ces traverses ne vous seraient point arrivées ; quand même vous auriez saintement joui de vos saintes œuvres, ne deviez-vous pas, par crainte d’un avenir incertain, entrer enfin dans un port quelconque de salut ? Où est le marchand qui ait comblé son vaisseau d’incalculables trésors, et qui, libre d’entrer au port et de s’y reposer, préférerait être battu des vagues ? Quel athlète, pouvant recevoir la couronne, préférerait descendre dans la lice, et présenter encore sa tête aux coups meurtriers ? Est-il un général qui, pouvant dire adieu aux combats avec gloire, et vivre heureux au palais avec le souverain, choisira de suer encore et d’affronter la bataille ? Comment donc, astreint à cette vie si dure, désirez-vous demeurer sur la terre ? N’avez-vous pas prononcé vous-même : « Je crains qu’après avoir prêché aux autres, moi-même je ne devienne un réprouvé ? » (1Co. 9,27)