Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/319

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avant d’avoir été disciple ; se laisserait bientôt aller au vertige par l’enflure que fait éprouver le commandement quand on n’a point appris à obéir. C’est pour cela que Paul ajoute : « De peur que, gonflé d’orgueil, il ne tombe sous la condamnation du démon (6) », c’est-à-dire sous la peine que celui-ci a encourue par son orgueil.
« Il faut que l’évêque ait aussi un bon témoignage de ceux du dehors, afin qu’il ne tombe pas dans l’opprobre et dans le piège du démon (7) » ; car autrement, il serait outragé par eux. C’est pour un motif semblable qu’il a dit encore : « Mari d’une seule femme », bien qu’il ait dit ailleurs : « Je voudrais que tous vécussent comme moi dans la continence ». (1Cor. 7,7) Mais, afin de ne pas resserrer trop la voie, s’il exigeait une vertu si rigoureuse, il ne demande qu’une vertu modérée. Il fallait en effet préposer un homme dans chaque cité ; car écoutez ce qu’il écrit à Tite : « Afin que dans chaque cité vous établissiez des prêtres, comme je vous l’ai prescrit (15) ». Mais quoi ? s’il a bon témoignage et flatteuse renommée, mais qu’il ne soit pas ce qu’on pense ? C’est bien difficile, car ce n’est déjà pas sans peine que même avec une vie droite on acquiert une bonne réputation parmi des ennemis ; mais l’apôtre ne s’en est pas tenu là, car il n’a pas dit : « Il faut qu’il ait un bon témoignage », mais : « Qu’il ait aussi un bon témoignage » ; comprenant cette condition parmi les autres, et ne l’isolant point. – Mais si l’on en parlait mal sans motif et par envie, d’autant plus qu’il s’agit des gentils ? – Il n’en est point ainsi, mais ceux-là mêmes respectent une vie irréprochable. Comment cela ? dira-t-on. Écoutez cependant ce que dit l’apôtre de lui-même : « À travers la mauvaise et la bonne renommée ». (1Cor. 6,8) – Ce n’était point sa vie que l’on attaquait, mais sa prédication ; c’est ce qu’il entend par ces mots : « À travers la mauvaise renommée ». On accusait les apôtres d’être des séducteurs et des magiciens, à cause de leur enseignement, mais on n’attaquait pas leur vie. Pourquoi personne n’a-t-il dit que ce fussent des impudiques, des insolents, des hommes cupides, mais seulement des séducteurs, ce qui ne touchait qu’à leur prédication ? C’est que celui dont la vie brille par la vertu s’attire le respect des païens eux-mêmes, car la vérité impose silence même à nos ennemis.
Et comment tombe-t-il dans le piège ? En tombant souvent dans les mêmes fautes qu’eux. Car, s’il est tel que nous le disons, le démon lui aura bientôt tendu un autre piège et bientôt aussi ils le condamneront. Mais, s’il doit avoir bon témoignage des ennemis, il doit bien plus encore l’avoir des amis. Comme preuve, en effet, qu’une vie irréprochable ne peut être flétrie, écoutez ce que dit le Christ : « Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ». (Mt. 5,16) Mais quoi, si un homme est poursuivi par la malveillance, si quelque circonstance lui vaut une calomnie ? Cela peut arriver, mais celui-là ne doit pas être élevé en dignité, car il y a beaucoup à craindre. Il faut donc, dit l’apôtre, que le futur évêque ait aussi unebonne renommée même chez les païens, car vos œuvres doivent briller. Et comme un aveugle même ne dirait pas que le soleil est ténébreux, car il aurait honte de combattre le sentiment universel, de même personne ne flétrira un homme parfaitement honnête ; mais les païens pourront le calomnier souvent à cause de sa doctrine ; quant à une vie droite ils ne sauraient l’attaquer ; avec tout le monde, ils en sont frappés et l’admirent.
3. Vivons donc de telle sorte que le nom de Dieu ne soit pas blasphémé. Ne considérons point la gloire humaine et ne nous attirons point une mauvaise renommée, mais gardons une juste mesure. « Vous brillez comme des flambeaux dans le monde ». (Phil. 2,15) Dieu nous a envoyés afin que nous soyons des flambeaux et que nous devenions comme un levain, afin que nous instruisions les autres et que nous vivions comme des anges au milieu des hommes, afin qu’étant semblables à des, hommes parmi de petits enfants, hommes spirituels parmi ceux de la vie présente, ceux-ci en tirent avantage, et que nous soyons la semence qui produit des fruits abondants. Il ne serait pas besoin de discours si notre vie brillait à ce point ; il ne serait pas besoin de docteurs si nous faisions voir nos œuvres, il n’y aurait plus de païens si nous étions chrétiens comme nous devons l’être, si nous gardions l’enseignement du Christ, si, en butte à l’injustice et à la cupidité, nous bénissions dans les outrages, si nous rendions le bien pour le mal ; car il n’y a pas d’être si farouche