Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/33

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À défaut d’autre motif, celui-ci devait suffire à vous faire désirer la délivrance. Votre vie humaine aurait-elle été comblée d’un ineffable bien-être, qu’encore alors vous deviez en désirer le terme, à cause de Jésus-Christ, objet de vos vœux ardents.
Ô grande âme de Paul, que rien n’égala ni n’égalera jamais ! Vous craignez à bon droit l’avenir, en restant au monde ; des périls sans nombre vous environnent, et vous refusez néanmoins d’être avec Jésus-Christ ? – Eh ! sans doute, je refuse, pour Jésus-Christ même ; je lui ai préparé des serviteurs, je veux les affermir dans son amour ; j’aime à assurer les fruits du champ que j’ai ensemencé. M’avez-vous entendu ? J’ai dit que je cherchais les intérêts du prochain et non les miens ! j’ai dit que j’aurais voulu être anathème pour Jésus-Christ, afin de lui gagner un plus grand nombre de fidèles ! Après avoir choisi l’anathème, ne dois-je pas plus facilement encore choisir le dommage d’un retard, la souffrance d’un délai, pour accroître deux autres chances du salut ?
« Qui racontera vos puissances » (Ps. 105,2), ô mon Dieu, qui n’avez pas laissé dans l’ombre ce grand Paul, et qui avez bien voulu montrer à l’univers un tel homme ? Les anges vous ont loué d’un concert unanime, quand vous eûtes créé les astres et le soleil mais plus ardentes furent leurs louanges quand vous avez montré, à nous et au monde, le bienheureux Paul ! En ce jour-là, notre terre effaça les splendeurs du ciel, elle brilla par lui d’un plus vif éclat que cette lumière du soleil ; elle lança par lui de plus beaux rayons. Quelle riche récolte il enfanta parmi nous, non pas en fournissant aux épis leur aliment, aux arbres leur nourriture, mais en créant le fruit même de la piété, en lui imprimant vie et force, en ressuscitant même souvent les cœurs flétris ! Car ce soleil ne peut guérir et refaire sur les arbres leur branche ou un fruit gâté. Paul, au contraire, a rappelé du péché, des hommes accablés de mille plaies. Le soleil à chaque nuit se retire : Paul fut toujours vainqueur du démon ; rien au monde ne le renversa, rien ne le put vaincre. Placé au sommet des cieux, l’astre des jours envoie ses rayons sur nos basses régions : Paul, au contraire, part d’en bas, et non seulement il remplit de ses lumières l’intervalle qui sépare le ciel d’avec la terre, mais dès qu’il ouvre la bouche il comble d’une joie ineffable les anges eux-mêmes. Car si telle est la joie du ciel quand un seul pécheur fait pénitence, comment Paul n’aurait-il pas rempli de bonheur toutes les puissances célestes ? Que dis-je, en effet ? Il suffisait de la parole de Paul pour réjouir et faire tressaillir le ciel. Car si, au départ des Israélites de l’Égypte, les montagnes bondirent comme des béliers, quelle allégresse devait exciter cette glorieuse assomption des hommes, de la terre au ciel ? Il ajoute donc : « Rester dans la chair est plus utile à cause de vous ».
2. Et nous, mes frères, quelle sera l’excuse (de notre lâcheté?) On rencontre très souvent des hommes modestes que le sort a placés dans quelque petite et chétive cité, et qui n’en veulent point sortir, parce qu’ils préfèrent leur repos à tout le reste : Paul, pouvant aller à Jésus-Christ, a refusé Jésus-Christ, ce Jésus qu’il désirait et aimait, jusqu’à demander à cause de lui l’enfer et l’anathème, il a préféré rester et souffrir dans la lutte pour le bien des hommes. Quelle sera donc notre excuse, à nous ? Faut-il donc uniquement louer Paul ? – Or, remarquez sa manière d’agir pour persuader aux Philippiens de ne pas trop s’affliger de mourir, il leur a dit qu’il valait mieux passer en l’autre monde que de rester en celui-ci ; ensuite il leur montre que s’il reste ici-bas, il y reste à cause d’eux et en dépit de la malice et des pièges de ses ennemis. Et, pour les mieux convaincre, il leur expose le motif expressément. S’il le faut je demeurerai absolument, et non content de demeurer, je « demeurerai avec vous ». C’est le sens formel de ces paroles : καὶ συμπαραμενῶ, je vous verrai et resterai avec vous ; et pour quelle raison ?
« Pour votre avancement et la joie de votre foi ». Ces paroles les invitent à veiller sur eux-mêmes. Si je reste pour vous, semble-t-il dire, gardez-vous de déshonorer mon séjour volontaire ; car appelé à voir déjà mon Dieu, le seul espoir de votre avancement me décide à rester. C’est parce que ma présence contribue tout ensemble à votre foi et à votre joie que j’ai choisi de demeurer ici-bas. – Que veut-il dire ? Ne restait-il que pour le bonheur des Philippiens ? Sans doute, ce motif n’était pas le seul ; mais, en parlant ainsi, il voulait les encourager. Et comment ceux-ci devaient-ils avancer dans la foi ? C’est moi, répond-il,