Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/353

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venu notre corps, nu il s’en ira. Nous n’avons donc pas besoin de superflu ; si nous n’avons rien apporté, nous partirons sans rien avoir, comme le dit l’apôtre. « Si nous avons ici la nourriture et le vêtement, nous nous contenterons de cela (8) ». II faut manger seulement ce qui suffit à nous nourrir, se vêtir seulement de ce qui suffit à nous couvrir, à envelopper notre nudité ; rien de superflu : le premier vêtement venu peut y : suffire.
2. L’apôtre ensuite nous excite à nous détacher des biens terrestres. « Ceux qui veulent s’enrichir ». Il ne dit pas simplement Ceux qui sont riches, mais : Ceux qui veulent l’être. Car il est possible qu’un homme possède des richesses et en fasse un emploi honorable, en les méprisant et les distribuant aux pauvres. Ce ne sont pas ceux-là qu’il accuse, mais ceux qui désirent les richesses. « Ceux qui veulent s’enrichir », dit-il, « tombent dans la tentation et dans le piège du démon, set dans beaucoup de désirs vains et nuisibles qui engloutissent les hommes (9) ». Oui, engloutissent, en sorte qu’ils ne peuvent plus se relever, « dans leur raine et leur perte », et en ce monde et en l’autre. « En effet, la racine de tous les maux est l’amour de l’argent, dont le désir en a conduit plusieurs à s’égarer hors de la foi, et à se tourmenter de nombreuses douleurs (10) ». Ici l’apôtre signale deux malheurs, mais il place le dernier celui qui leur parait le plus grand, les nombreuses douleurs. On ne peut savoir, sans demeurer près des riches, combien ils font entendre de gémissements et de lamentations allais vous, homme de Dieu ». C’est là une grande dignité ; car tous les hommes appartiennent à Dieu, mais spécialement les justes, qui ne lui appartiennent pas seulement par leur création, mais par les liens de l’amour. Si vous êtes un homme de Dieu, lui fait-il entendre, ne cherchez pas ce qui est superflu et ne conduit point à Dieu ; mais « fuyez ces choses », ajoute-t-il, « et recherchez la justice ». L’un et l’autre avec ardeur ; car il n’a pas dit : Écartez-vous, approchez-vous ; mais : Fuyez, poursuivez ; « la justice », afin de ne pas commettre de fraudes ; « la piété », dans la croyance ; « la foi », qui est opposée à la recherche ; « la charité, la patience, la douceur (11). Combattez le bon combat de la foi, atteignez la vie éternelle, (voici le prix), a à laquelle vous avez été appelé, et que vous avez noblement confessée », dans l’espérance de la vie éternelle, « en présence de nombreux « témoins (12) » ; c’est-à-dire, ne faites pas honte à votre généreuse confession ; pourquoi auriez-vous subi des travaux inutiles ?
Et à quelle tentation, à quel piège l’apôtre dit-il que sont exposés ceux qui veulent s’enrichir ? Cette passion les égare hors de la foi, les environne de périls, et les rend timides. Il parle de désirs vains ; comment leurs désirs ne le seraient-ils pas, quand on leur voit des fous, des nains, non par humanité, mais comme des amusements ; quand ils renferment des poissons dans les cours de leurs palais, quand ils nourrissent des bêtes sauvages, quand ils donnent leur temps à des chiens, quand ils parent des chevaux et ne s’en éprennent pas moins que de leurs enfants ? Tout cela est vain et superflu ; il n’y a là rien de nécessaire ni d’utile. « Des désirs vains et nuisibles ». Quels sont ces désirs nuisibles ? Les passions déraisonnables, le désir du bien d’autrui, la recherche ardente de la mollesse, l’attrait pour l’ivrognerie, pour le meurtre et la perte d’autrui. Beaucoup, poussés par ces passions, ont aspiré au pouvoir et y ont trouvé leur perte ; vraiment, celui qui se conduit ainsi se fatigue pour des objets inutiles, ou plutôt nuisibles. L’apôtre s’est parfaitement exprimé : « Ils se sont égarés hors de la foi » ; car la cupidité, attirant leurs yeux, ne leur permet plus de voir le chemin, et peu à peu les soustrait à la vérité. Car, de même qu’un homme, suivant un chemin bien tracé, et préoccupé de quelque chose, continue de marcher, mais dépasse souvent, sans le savoir, la ville où il se rendait, parce que ses pieds l’ont conduit machinalement et sans but, la cupidité a des effets semblables. « Ils se sont embarrassés dans de nombreuses douleurs ». Vous voyez ce qu’il fait entendre par : « Se sont embarrassés ». Ce sont comme des épines : ceux qui y touchent ensanglantent leurs mains et se blessent. C’est ce qu’éprouve celui qui s’engage dans la cupidité : son âme y trouve des chagrins qui l’enveloppent comme un filet douloureux. Combien ces hommes n’ont-ils pas de soucis et de douleurs ? Aussi l’apôtre ajoute-t-il : « Fuyez ces choses et poursuivez la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur ». De la charité naît la douceur. L’apôtre loue aussi la hardie sincérité et le courage de son disciple,