Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/373

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pénitence ; mais si vous persistez dans votre malice, « vous amassez un trésor de colère par votre cœur dur et impénitent. (Rom. 2,5) Si Dieu est injuste, il rend à chacun son mérite ; et il ne laisse pas sans vengeance les victimes de l’injustice ; car c’est là même, une œuvre de justice. S’il est puissant, il exerce sa justice même après la mort, et au jour de la résurrection, car c’est là l’œuvre de la puissance. Que s’il est patient et tolérant, ne nous en troublons pas, ne disons pas : Pourquoi ne punit-il pas dès maintenant ? Il y a longtemps, que l’espèce humaine n’existerait plus, si les choses se passaient de la sorte, s’il nous faisait chaque jour, expier nos péchés, il n’y a pas un de nos jours, pas un seul qui ne soit souillé de quelque péché ; peu ou beaucoup, nous péchons tous les jours. Nul homme n’atteindrait sa vingtième année, si la patiente bonté de Dieu était moins grande, s’il ne nous accordait pas le délai suffisant pour effacer nos péchés. Que chacun de nous donc examine avec une conscience droite tout ce qu’il a fait, qu’il passe en revue toute sa vie, et qu’il juge lui-même s’il n’a pas mérité mille châtiments et mille peines ; et lorsqu’il se sentira porté à s’indigner de ce qu’un tel qui fait beaucoup de mal n’en est pas puni sur-le-champ, qu’il songe à ce qu’il a fait lui-même et il ne s’indignera plus. Il y a de certaines injustices qui vous paraissent grandes, parce qu’elles, se commettent en des choses importantes et exposées aux regards, de tous ; mais si vous examiniez bien vos propres injustices, vous arriveriez peut-être à les trouver plus graves. Ravir le bien d’autrui est toujours la même chose, que l’objet ravi soit de l’or, ou de l’argent. C’est la même disposition, la même intention dans les deux cas ; et celui qui ravit peu, n’hésitera pas à ravir beaucoup. S’il n’en trouve pas l’occasion, cela ne dépend pas de lui, mais uniquement du hasard des choses. Le pauvre qui en lèse un plus pauvre que lui, n’hésiterait pas à s’attaquer à un plus riche s’il le pouvait, s’il ne le fait pas, cela dépend de sa faiblesse et non de sa volonté.

Un tel, dites-vous, gouverne et il prend le bien de ceux qui sont soumis à son pouvoir. Et vous, dites-moi, ne prenez-vous rien ? Ne me dites pas que celui-là ravit des talents d’or, et vous seulement des oboles. Souvenez-vous qu’il est dit dans l’Évangile que les autres donnaient de l’or, et que la veuve qui ne donnait que deux oboles ne faisait pas une moindre aumône que ceux-là. Pourquoi cela ? Parce que c’est la volonté, que Dieu juge, et non le don. Et si, à propos de l’aumône, Dieu juge que deux oboles données par la pauvreté valent autant que des milliers de talents d’or offerts par l’opulence, pensez-vous qu’il juge différemment quand il s’agit du bien d’autrui que l’on dérobe ? Cela serait-il conforme à la raison ? De même que la veuve en donnant deux oboles égala l’aumône des autres par sa bonne volonté ; de même vous, en prenant deux oboles, vous n’êtes pas moins coupable que, ceux qui prennent des talents, et s’il faut dire quelque chose d’étonnant, vous l’êtes davantage. L’adultère est également coupable, qu’il corrompe la femme d’un roi où celle d’un pauvre homme, ou même celle d’un esclave, parce que la gravité du péché ne se juge point par la différence des personnes, mais par la méchanceté de celui qui le commet. Or, il en est de même en la matière dont nous traitons. Je trouve même plus adultère celui qui va à la première venue, que celui qui s’adresse à la reine. Car ici la richesse et la beauté, et beaucoup de choses attirent mais là rien de semblable, de sorte que celui qui commet l’adultère dans le premier cas est plus adultère que l’autre.

Autre exemple : De même que le pire ivrogne est celui qui s’enivre de mauvais vin, de même le pire ravisseur du bien d’autrui est celui qui ne dédaigne pas de prendre même les plus petites choses. On peut croire que celui qui prend beaucoup, dédaignerait de prendre peu ; mais comment penser que celui qui prend peu s’abstiendrait de prendre beaucoup ? Il est donc plus voleur que l’autre. Celui qui ne dédaigne pas l’argent, dédaignera-t-il l’or ? Donc lorsque nous accusons nos pasteurs, faisons un retour sur nous-mêmes, et nous trouverons que nous sommes plus voleurs et plus ravisseurs qu’eux, sinon par le fait, du moins par l’intention : or c’est par là qu’il faut juger de ces choses. Dites-moi, si deux hommes étaient amenés devant les juges pour avoir volé, l’un le bien d’un pauvre, l’autre celui d’un riche, ne seraient-ils pas condamnés tous les deux à la même peine ? Et le meurtrier, n’est-il pas également meurtrier soit qu’il ait tué, un pauvre et un estropié, soit qu’il ait tué un homme riche et beau ? Lors donc que nous dirons : Un tel s’est