Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/375

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vous êtes mon fils, laissez-vous fortifier par mes paroles, ou plutôt non pas tant par mes paroles que par la grâce de Dieu. « Fortifiez-vous dans la grâce qui est en Notre-Seigneur Jésus-Christ » ; c’est-à-dire par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est-à-dire encore, tenez ferme, vous savez quel combat vous êtes destiné à soutenir. Lorsqu’il dit ailleurs : « Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang » (Eph. 6,12), il ne parle pas de la sorte pour abattre, mais pour relever le courage des fidèles. Donc, soyez sobre, veut-il dire, veillez, ayez la grâce du Seigneur pour auxiliaire dans vos combats ; avec beaucoup de zèle et de bonne volonté faites ce qui dépend de vous.

« Et ce que vous avez appris de moi avec de nombreux témoins, confiez-le à des hommes fidèles ». – « Fidèles » et non pas questionneurs et raisonneurs. Qu’est-ce à dire encore « fidèles ? » C’est-à-dire à ceux qui ne trahiront pas la prédication. « Ce que vous avez appris, entendu, et non ce que vous avez trouvé par vos propres recherches ». – « Car la foi vient par l’audition, et l’audition par la parole de Dieu ». (Rom. 10,17) Qu’est-ce à dire, avec de nombreux témoins ? C’est comme s’il disait : Ces enseignements, vous ne les avez pas reçus secrètement ni en cachette, mais en présence de beaucoup de monde et par une franche prédication. Il ne dit pas : dites-le, mais « confiez-le » comme un trésor que l’on ne confie et dépose qu’avec soin. Voilà encore de quoi inspirer des craintes à Timothée. Ce n’est pas à des fidèles seulement qu’il recommande de confier l’enseignement. Que servirait en effet d’être fidèle si l’on ne pouvait transmettre la foi à d’autres, si, content de ne pas trahir la foi, on ne savait pas faire d’autres fidèles. Il faut donc deux conditions pour former un docteur : qu’il soit fidèle et capable d’enseigner. Voilà pourquoi saint Paul ajoute : « Qui seront capables d’en instruire d’autres ».

« Pour vous, souffrez comme un bon soldat de Jésus-Christ ». Quelle grande dignité que celle de soldat de Jésus-Christ ! Considérez les rois de la terre, et voyez quelle estime font d’eux-mêmes ceux qui les servent. Il est d’un soldat du grand Roi de souffrir ; qui ne souffre pas n’est point soldat. Donc, pas d’impatience si vous souffrez, un soldat doit souffrir sans se plaindre, il devrait même se plaindre de ne pas souffrir.

« Celui qui est enrôlé dans la milice, ne s’embarrasse point dans les affaires séculières pour ne s’occuper qu’à plaire à son général. Celui qui combat aux jeux n’est couronné que s’il a combattu suivant la loi ». Qu’est-ce à dire : « S’il n’a combattu suivant la loi ? » Ce n’est pas assez d’entrer dans l’arène, de se frotter d’huile, d’en venir aux mains, il faut encore garder toute la loi des athlètes, le régime alimentaire, la tempérance et la continence, le règlement de la palestre, il faut en un mot observer tout ce qui est recommandé aux athlètes ; la couronne est à ce prix. Et voyez la sagesse de saint Paul. Il a parlé d’athlètes et de soldats pour faire songer d’une part à la mort violente et au sang versé dans les persécutions, et d’autre part pour montrer la nécessite d’être fort, de tout supporter avec courage et de ne jamais cesser de s’exercer.

« Le laboureur qui travaille doit le premier avoir part à la récolte des fruits ». Il avait cité l’exemple du Seigneur, le sien propre ; maintenant il tire ses comparaisons de l’ordre commun, des athlètes, des soldats ; il indique pour récompense au soldat de plaire à son général, à l’athlète, d’être couronné. Voici encore un troisième exemple qui lui convient à lui surtout. Celui du soldat et celui de l’athlète convenaient aux simples fidèles, mais celui du laboureur convient particulièrement au docteur. Ne soyez pas seulement tel que le soldat, tel que l’athlète, mais encore tel que le laboureur. Le laboureur n’a pas soin seulement de lui-même, mais encore des fruits de la terre. Aussi reçoit-il une large récompense.

2. Par cet exemple tiré de la vie commune, il montre la souveraine indépendance de Dieu qui ne manque de rien, et la distribution libérale de l’enseignement qu’il fait porter à tous. De même, veut-il dire, que le laboureur ne travaille pas pour rien, mais qu’il jouit avant tous les autres de la peine qu’il a prise, ainsi doit-il en être du docteur. Tel est le sens, à moins qu’il ne veuille parler de l’honneur que l’on doit au docteur, mais cela n’est pas probable, car alors pourquoi n’a-t-il pas mis simplement : le laboureur, mais le laboureur qui travaille, qui fatigue ? Il parle aussi de la sorte afin de prévenir l’impatience que pourrait causer le retard de la récompense, comme s’il disait : Vous récoltez déjà, et la récompense est déjà dans le travail lui-même. Après ces exemples du soldat, de l’athlète, du laboureur, après ces paroles