Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/381

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sont bonnes à rien qu’à pervertir ceux qui les écoutent ». Prendre le Seigneur à témoin, c’est grave. Si le témoignage même d’un homme n’est pas à mépriser, que sera-ce de celui de Dieu ? Par exemple, quelqu’un appelle des témoins dignes de foi pour assister à un contrat ou bien à un testament, est-ce que nul d’entre eux voudra trahir le secret qu’on lui a confié ? Non ; il le voudrait, que la discrétion à laquelle est obligé un témoin le retiendrait. Qu’est-ce à dire, « Prenant à témoin ? » Il appelle Dieu pour être témoin de ce qu’il dira, de ce qu’il fera. – « Ne vous livrez pas à des disputes de paroles qui ne sont bonnes à rien », il ajoute même « à rien qu’à pervertir ceux qui les écoutent ». Aucun profit et de grands dommages, voilà ce qui résulte de ces disputes. Donnez donc ces avertissements et Dieu jugera ceux qui les mépriseront. Pourquoi donc ce conseil de ne pas disputer ? Il connaissait le penchant de la nature humaine pour les contestations et les discussions. Pour s’y opposer, il ne se contente pas de dire : Ne disputez pas ; il ajoute, pour que sa défense soit plus terrible : « Pour la perversion de ceux qui écoutent ».
« Ayez soin de vous présenter devant Dieu comme un ministre digne de son approbation, comme un ouvrier qui ne rougit point, et qui sait bien dispenser la parole de vérité ». Ne pas rougir est un commandement qui revient souvent, pourquoi cette insistance de saint Paul à parler de la honte ? C’est parce qu’il y en avait plusieurs qui vraisemblablement rougissaient de saint Paul lui-même, qui n’était qu’un faiseur de tentes, et de l’Évangile, en voyant périr ceux qui le prêchaient. Le Christ était mort en croix, saint Paul allait être décapité, saint Pierre, crucifié la tête en bas ; et c’étaient les plus méprisables et les plus insolents des hommes qui les traitaient de la sorte. Le pouvoir était dans les mains de ces hommes, voilà la raison de ce commandement : « Ne rougissez pas », c’est-à-dire, n’ayez pas honte de faire tout ce qu’exige la religion, quand même il faudrait pour cela s’exposer à l’esclavage et à tous les supplices. Comment mérite-t-on l’approbation ? En travaillant sans rougir à propager l’Évangile, en endurant tout pour cela. « Dispensant en droiture la parole de la vérité ». Ceci n’est pas hors de propos ; il y en a beaucoup qui la dénaturent et qui la faussent, en y mêlant leurs propres idées. Le mot dont il se sert [1] signifie trancher selon la droiture. C’est comme si l’apôtre disait : Retranchez ce qu’il y a d’étranger, coupez-le, rejetez-le avec beaucoup de vigueur. Comme l’ouvrier qui taille une lanière, prenez le glaive du Saint-Esprit, et retranchez de toutes parts tout ce qu’il y a de trop, tout ce qu’il y a d’étranger dans la prédication.

« Évitez les profanes nouveautés de paroles ». L’erreur ne sait pas s’arrêter. Dès qu’une nouveauté s’est introduite, elle en provoque toujours de nouvelles. Où voulez-vous que s’arrête l’égarement des esprits une fois sortis du port de l’immuable vérité ? – « Car, elles profitent beaucoup à l’impiété : et leurs discours, comme la gangrène, gagnent de proche en proche ». C’est un mal que rien ne peut contenir dans ses limites, qui avance toujours, et qui finit par tout perdre. L’apôtre montre donc la nouveauté comme une maladie, et quelque chose de pire. Il montre aussi que ces esprits sont d’autant plus incorrigibles que leurs erreurs sont volontaires.

De ce nombre sont Hyménée et Philète, « qui se sont écartés de la vérité, disant que la résurrection est déjà arrivée, et qui ont renversé la foi de quelques-uns ». Il dit très justement : « Ils profiteront beaucoup à l’impiété ». Il semble d’abord que ce soit là le seul mal, mais voyez combien d’autres en naissent. Si la résurrection est déjà arrivée, nous voilà premièrement privés de cette grande gloire qui doit en être la conséquence, mais ensuite que devient le jugement, que devient la rétribution ? Voilà les bons frustrés du prix de leurs afflictions et de leurs douleurs ; voilà les méchants restés sans punition, et ceux qui vivent au sein des plaisirs ont bien raison il vaudrait mieux dire qu’il n’y a pas de résurrection que de prétendre qu’elle a déjà eu lieu. – « Et ils renversent », dit-il, « la foi de quelques-uns ». Non de tous, mais de quelques-uns. « S’il n’y a pas de résurrection, la foi ne se soutient plus. S’il n’y a pas de résurrection, notre prédication est vaine », et le Christ n’est pas ressuscité. (1Co. 15,14) S’il n’est pas ressuscité, il n’est pas né non plus, ni il n’est pas monté au ciel. Voyez-vous que de ruines, bien qu’en apparence on ne s’attaque qu’au dogme de la Résurrection ? – Mais ne reste-t-il rien à

  1. Ὀρθοτομοῦντα