Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/423

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pour celui qui n’a pas eu sa récompense, comment ne verrait-il pas le royaume des cieux ? Je ne défends pas qu’on recherche la gloire, mais je veux que ce soit la vraie gloire, celle qui vient de Dieu : « Sa gloire », dit l’apôtre, « n’est pas des hommes, mais de Dieu ». (Rom. 2,29) Soyons pieux loin des regards, sans faste, sans appareil, sans hypocrisie. Au loin la toison de la brebis ! Efforçons-nous plutôt d’être des brebis véritables. Il n’y a rien de plus vil que la gloire humaine. Car, dites-moi, si vous voyiez une multitude d’enfants encore à la mamelle, désireriez-vous leurs louanges ? Vous devez avoir ces sentiments à l’égard de tous les hommes pour ce qui concerne les honneurs ; et voilà pourquoi on les appelle une vaine gloire. Voyez les masques que les comédiens portent sur la scène : comme ils sont beaux et brillants ! comme on les a façonnés avec le dernier soin pour leur donner la perfection de la forme ! Pourriez-vous dans la vie réelle me montrer tant de beauté ? Non sans doute. Mais quoi ? votre amour se porte-t-il sur quelque chose de semblable ? Non, dites-vous. Pourquoi ? Parce que ces masques sont vains, et qu’ils imitent, sans l’avoir, la vraie beauté.
Il en est de même de la gloire, et cette beauté qu’elle imite, elle ne l’a pas. Seule la vraie gloire subsiste, c’est celle qui est dans le fond de notre nature. Mais pour celle qui brille au-dehors, elle cache souvent la laideur, elle la cache, dis-je, dans les hommes, et souvent jusqu’au soir. Mais détruisez le théâtre, arrachez les masques, et chacun paraît ce qu’il est. N’allons donc pas chercher la vérité polir ainsi dire sur la scène et dans l’hypocrisie. Dites-moi en effet ce qu’il y a d’utile à être vu de la multitude ? C’est une vaine gloire et. Rien de plus ; car rentrez chez vous, et trouvez-vous seul, la voilà tout entière évanouie aussitôt. Vous vous êtes montré dans l’agora, et tous les regards se sont tournés vers vous : eh bien, et après ? Il n’y a plus rien, elle s’est éclipsée, elle a fui comme la fumée, qui se dissipe. Pouvons-nous aimer ainsi l’instabilité même ? Quelle démence ! quelle folie ! ne pensant qu’à une chose, demandons-nous seulement quelles louanges nous donnera Dieu. Si c’est là ce qui fixé notre attention, jamais nous ne rechercherons les honneurs qui viennent des hommes ; et, s’ils viennent d’eux-mêmes à nous, nous les dédaignerons, nous nous en moquerons, nous les mépriserons ; et quand nous trouverons un lingot d’or, nous aurons les sentiments que nous éprouverions devant de la boue. Que personne donc ne vous loue, car cela ne vous servira de rien, et s’il vous blâme, cela ne saurait vous nuire. A la louange qui vous viendra de Dieu sera jointe une récompense, et à son blâme un châtiment : mais de la part des hommes, blâme et louange, tout est vain.
C’est même en cela que nous sommes égaux à Dieu, car Dieu n’a pas besoin des louanges des hommes : « Je ne tire point ma gloire des hommes », dit-il. (Jn. 5,41) Est-ce là peu de chose, dites-moi ? Lorsque vous ne pourrez pas arriver à mépriser la gloire, dites-vous qu’en la méprisant vous serez égaux à Dieu et aussitôt vous la mépriserez. Il n’est pas possible que celui qui est esclave de l’honneur, ne le soit pas de toutes choses, il est même plus esclave que les esclaves eux-mêmes. Car nous ne faisons pas faire à nos esclaves tout ce que la gloire exige de ceux qu’elle tient sous ses lois. Elle nous force â dire et à souffrir des choses honteuses, pleines de déshonneur ; et c’est surtout lorsqu’elle voit qu’on lui obéit, qu’elle se montre plus tyrannique dans ses ordres. Fuyons donc, fuyons, je vous en prie, cette servitude. Mais, dira-t-on, comment le pourrons-nous ? Si nous avons de sages pensées sur ce monde, si nous le regardons comme un rêvé et une ombre, et rien de plus, nous en viendrons facilement à bout, et nous ne nous laisserons prendre par la gloire ni dans les petites, ni dans les grandes choses. Mais si nous ne la méprisons pas dans les petites, nous succomberons facilement dans les grandes. Écartons donc loin de nous les sources de cette funeste passion, je veux dire la sottise et la bassesse de l’âme. Si nous prenons des sentiments sublimes, nous pourrons mépriser la gloire qui vient de la multitude, élever notre pensée vers le ciel, et gagner les récompenses éternelles. Puissions-nous les, obtenir tous parla grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui partage avec le Père et le Saint-Esprit la gloire, la puissance et l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.