Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/431

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de toute manière il faudra qu’on admire la puissance de la prédication. Car les gentils ne jugent pas de nos dogmes par nos dogmes mêmes, ces dogmes ils les apprécient d’après nos actions et notre conduite. Que les femmes et les enfants soient donc pour eux des docteurs par leur vie et par leurs mœurs.
Chez eux comme partout on convient que les esclaves sont effrontés, difficiles à former et à conduire, et très peu propres à recevoir l’enseignement de la vertu : ce n’est point par nature qu’ils sont tels, loin de moi cette idée, c’est par leur genre de vie et la négligence des maîtres. Car ceux-ci ne leur demandent qu’une chose, c’est qu’ils les servent ; pour leurs mœurs, si par hasard ils essaient de les corriger, ils le font en vue de leur propre tranquillité, et à cette seule fin qu’ils ne leur créent point d’embarras en se prostituant, en volant, en s’enivrant. Aussi comme ils sont négligés et qu’ils n’ont personne qui veille sur eux, il arrive qu’ils se jettent dans un abîme de perversité. Parmi les hommes libres, malgré les instances du père, de la mère, du pédagogue, du nourricier, des compagnons d’âge, malgré la voix même de la liberté, c’est à peine s’il en est qui peuvent éviter le commerce des méchants. Qu’adviendra-t-il donc de ceux qui, privés de tous ces secours, mêlés à des compagnons pervertis, et pouvant fréquenter tous ceux qu’il leur plaît, tandis que personne ne se soucie de leur amitié, je le demande, qu’en adviendra-t-il ? C’est pour cela qu’il est difficile qu’un esclave soit homme de bien. Du reste ils ne reçoivent aucun enseignement, ni chrétien, ni profane. Ils ne vivent pas avec des hommes libres, pleins de décence et ayant le plus grand souci de leur réputation. Pour tous ces motifs il est très rare, il est merveilleux qu’un esclave devienne jamais bon à quelque chose.
Si donc on voit que la prédication a eu la force d’imposer un frein à des hommes si effrontés, et qu’elle les a rendus plus tempérants et plus doux que tous les autres, leurs maîtres, quand ils seraient les derniers pour l’intelligence, concevront une grande idée de la beauté de nos dogmes. Car il est évident que, la crainte de la résurrection du jugement dernier et des autres châtiments que nous annonçons pour la vie future, a pris racine dans leur âme et en a chassé la perversité qui y était si puissante. C’est ainsi, en effet, que nous opposons au plaisir que procurent les vices une salutaire terreur. Ce n’est pas sans raison, sans motif que les maîtres tiennent partout compté de ces grands effets : plus leurs esclaves ont été pervers, et plus la puissance de la prédication est admirable dans leur conversion. Quand disons-nous qu’un médecin est digne d’admiration ? N’est-ce pas quand il ramène à la santé, quand il guérit un malade désespéré, privé de tout secours, n’ayant pas la force de contenir ses passions intempestives, et s’y abandonnant tout entier ? Voyez encore ce que l’apôtre exige des serviteurs, c’est ce qui peut apporter le plus de tranquillité aux maîtres : « Ni contredisants, ni ne détournant rien », c’est-à-dire, qu’ils doivent montrer beaucoup de bon vouloir dans tout ce qu’on leur donne à faire, avoir les meilleurs sentiments à l’égard de leurs maîtres et obéir à leurs ordres.
4. Ne croyez pas qu’en continuant à traiter ce sujet, je marche à l’aventure ; car c’est sur les serviteurs que roule tout le reste de mon discours. Ainsi donc, mon ami, ce qu’il te faut penser, c’est que tu sers non pas un homme, mais Dieu, parce que tu es l’ornement de la prédication. De la sorte tu supporteras facilement toutes choses, tu obéiras à ton maître et tu ne te révolteras, point parce qu’il sera mécontent et colère sans un juste motif. Songe en effet que ce n’est pas une grâce que tu lui fais, mais que tu suis le commandement de Dieu, et tu te soumettras facilement à tout. Mais ce que je ne cesse de répéter, je le dirai ici encore : Ayez d’abord les biens spirituels, et vous aurez encore par surcroît les biens terrestres. Car si un esclave se conduit ainsi, s’il a tout ce bon vouloir et toute cette douceur, ce n’est pas seulement Dieu qui l’approuvera et qui lui donnera les plus éclatantes couronnes ; mais son maître même, à l’égard duquel il agit si bien, quand ce serait un monstre, quand il aurait un cœur de pierre, quand il serait inhumain et cruel, le louera, l’admirera, le préférera à tous les autres, et, tout gentil qu’il sera, le placera à la tête de ses compagnons. Oui, lors même que les maîtres sont infidèles, il faut que les serviteurs tiennent cette conduite, et, si vous le voulez, je vais vous le, prouver par un exemple.
Joseph a été vendu au chef des cuisiniers, il suivait la religion juive, et non l’égytienne. Qu’arriva-t-il donc ? Lorsque le maître eut reconnu