Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/442

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qui la cultivent, et en cela il n’y a rien que de juste. Car être vierge, jeûner, coucher sur la dure, cela ne profite qu’à celui qui tient cette conduite, nul autre n’est sauvé par là ; la miséricorde au contraire s’étend à tous et embrasse tous les membres de Jésus-Christ. Or il y a bien plus de grandeur dans les belles actions qui s’étendent à tous les hommes que dans celles qui ne servent qu’à un seul.
3. C’est cette compassion pour les pauvres qui est la mère de la charité, de la charité, dis-je, cette vertu qui caractérise le christianisme, qui l’emporte sur tous les autres signes de la foi, et à laquelle on reconnaît les disciples du Christ. C’est le remède de nos fautes ; c’est elle qui lave les souillures de notre âme, c’est l’échelle par laquelle nous montons au ciel, c’est elle qui réunit en un seul corps les membres de Jésus-Christ. Voulez-vous savoir quel grand bien est la charité ? Au temps des apôtres tous vendaient leurs biens pour leur en apporter le prix qui était ensuite distribué : « Et il était distribué à chacun selon qu’il en avait besoin », (Act. 4,35) Dites-le-moi, et ici je laisse de côté les biens futurs, car nous ne parlerons pas encore du royaume éternel voyons seulement les biens de ce monde dites-le-moi, qui sont ceux qui gagnent à cela ? Sont-ce ceux qui reçoivent ou ceux qui donnent ? Ceux-là murmuraient et avaient entre eux des altercations, pour ceux-ci ils n’avaient qu’une âme : « Tous en effet n’étaient qu’un cœur et qu’une âme » ; la grâce était en eux tous, et ce qu’ils faisaient, ils le faisaient avec grande utilité pour eux. Mais ne voyez-vous pas que les autres y gagnaient aussi ? Maintenant, dites-moi, au nombre desquels voudriez-vous être ? est-ce au nombre de ceux qui se défaisaient de toutes leurs richesses et restaient sans rien, ou au nombre de ceux qui recevaient quelque chose des autres ?
Voyez l’utilité de l’aumône : tous les obstacles, tous les empêchements sont enlevés et aussitôt toutes les âmes sont unies : « Tous n’étaient qu’un cœur et qu’une âme » ; ainsi, quand ce ne, serait pas pour faire l’aumône, il serait encore très avantageux de donner ses richesses. Si j’ai tenu ce discours, c’est pour que ceux qui n’ont reçu aucun héritage de leurs parents, ne soient pas pour cela tristes et chagrins par la pensée qu’ils ont moins de biens que les riches : ils en ont plus, s’ils le veulent. Car il leur sera plus facile de faire l’aumône du peu qu’ils ont, comme cette veuve dont parlent les livres saints ; ils n’auront aucune occasion d’entrer en intimité avec leurs proches et ils seront les plus libres du monde : personne ne pourra les menacer de la confiscation, ils seront supérieurs à tous les maux. Ceux qui fuient nus donnent peu de prise à ceux qui veulent les saisir, tandis que celui qui est couvert et chargé de vêtements est facilement pris. Il en est de même du riche et du pauvre. Celui-ci, fût-il pris, échappera facilement ; celui-là, fût-il libre, s’embarrassera lui-même dans ses propres filets, dans mille soucis, mille chagrins, mille sujets d’irritation et de colère : toutes ces choses accablent l’âme, mais ce n’est pas tout, il y a encore bien d’autres maux qui viennent à la suite des richesses.
Il est bien plus difficile pour le riche que pour le pauvre de se conduire avec modération ; il est bien plus difficile pour le riche que pour le pauvre de vivre avec simplicité et d’éviter la colère. Mais, direz-vous, il aura une plus belle récompense. – Nullement. – Pourquoi ? ne surmonte-t-il pas de bien plus grandes difficultés ? – Oui, mais ces difficultés, il se les est préparées lui-même, car il ne lui était pas commandé d’être riche, au contraire, c’est lui-même qui se crée mille obstacles, mille empêchements. Les autres ne quittent pas seulement leur argent, ils soumettent encore leur corps à de nombreuses macérations. Car ils marchent dans la voie étroite. Mais toi, non seulement tu conserves tes biens, tu donnes encore des aliments à la fournaise de tes passions, et tu te mets au milieu de nouveaux embarras. Va donc dans le grand chemin, c’est lui qui reçoit tes pareils ; pour la voie étroite elle s’ouvre aux affligés, aux opprimés, à ceux qui n’ont pas d’autres fardeaux que ceux qu’on y peut porter, la miséricorde, la bonté, la probité, la douceur. Si c’est là ce dont tu es chargé, il te sera facile d’y entrer, mais si tues arrogant, orgueilleux, si tu es chargé d’épines, qu’on appelle les richesses, il te faudra une large voie. En effet, tu ne pourras pas percer la foule sans te heurter à beaucoup d’autres, lorsque tu feras effort pour avancer : il te faudra beaucoup d’espace. Celui qui porte l’or et l’argent véritables, je veux dire les bonnes œuvres, ne blessera point je ne dis pas seulement ceux, qui se pressent à côté de lui, mais même ses parents, ceux avec lesquels il vit. Maintenant, si les richesses sont des épines,