Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/443

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que sera-ce du désir de les posséder ? Pourquoi emportes-tu avec toi tes biens ? Est-ce pour produire une plus grande flamme, en jetant tes fardeaux dans le brasier ? N’y a-t-il donc pas assez de feu dans l’enfer ? Vois comment trois enfants ont triomphé de la fournaise. Suppose que c’est l’enfer : c’est avec l’affliction qu’ils y tombèrent, liés et enchaînés qu’ils étaient : cependant ils y trouvèrent un large espace libre où ils étaient à l’aise ; il n’en fut pas ainsi de ceux qui les entouraient.
4. Même maintenant il se produira quelque chose de semblable, si nous voulons résister avec une force virile aux tentations qui nous assiègent. Si nous avons espoir en Dieu, nous serons en sécurité, large et à l’aise ; mais pour ceux qui nous auront persécutés, ils périront. Car, dit l’Écriture : « Celui qui creuse une fosse y tombera ». (Sir. 27,26) Qu’ils enchaînent nos pieds et nos mains ; la torture même pourra nous délivrer de nos fers. Voyez une chose merveilleuse : voilà des hommes qu’on a liés, le feu les délie. En effet, qu’on livre à des esclaves les amis de leurs maîtres, ceux-ci craignant – cette amitié, bien loin de leur faire mal, auront pour eux les plus grands égards ; il en est de même du feu comme il savait que ces enfants étaient les amis de son maître, il rompit leurs fers, les délia et les mit en liberté, il était pour eux comme un tapis sur lequel ils se promenaient, et ce n’est pas sans raison, puisqu’ils avaient été jetés là pour la gloire de Dieu. Si nous sommes torturés, rappelons-nous ces exemples.
Mais, direz-vous, ceux-ci ont été délivrés de leurs tourments, mais il n’en sera pas de même de nous. C’est justice, car les enfants ne sont pas entrés dans la fournaise avec l’espérance d’être délivrés, mais avec la pensée qu’ils allaient mourir. Écoutez-les en effet : « Il y a un Dieu dans le ciel qui peut nous délivrer ; s’il n’en est rien, sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous ne nous prosternerons point devant la statue d’or que tu as dressée ». (Dan. 3,17, 18) Pour nous, nous mettons une sorte de condition aux épreuves que Dieu nous envoie, nous marquons la limite du temps et nous disons : S’il n’a pas pitié de nous d’ici au temps marqué ; voilà pourquoi nous ne sommes pas délivrés. Lorsqu’Abraham allait vers la montagne du sacrifice, il ne croyait pas que son fils serait sauvé, il marchait avec l’intention de l’immoler, et contre son attente il le vit sauvé. Vous aussi, lorsque vous tomberez dans l’adversité, ne demandez pas d’être aussitôt délivrés, disposez votre âme à tout supporter, et bientôt le malheur vous lâchera : car si Dieu vous l’inflige, c’est pour vous instruire. Lors donc qu’une fois nous avons été formés à le supporter patiemment et sans aigreur, il s’éloigne enfin de nous pour toujours, parce que tout est en bon ordre dans notre âme.
Je veux vous raconter un fait qu’il vous sera très utile et très profitable d’entendre. Quel est-il ? Comme la persécution sévissait et que l’Église était troublée par une guerre violente, on se saisit de deux chrétiens, dont l’un était prêt à tout supporter, tandis que l’autre, qui aurait courageusement donné sa tête au bourreau, craignait et redoutait les autres tourments. Voyez comment Dieu a arrangé les choses. Lorsque le juge fut sur son siège, il ordonna qu’on couperait la tête à celui qui était prêt à tout, pour l’autre, il le fit torturer, non pas une ou deux fois, mais dans toutes les villes par lesquelles il passait. Or, pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? C’était assurément pour donner de la fermeté et de la vigueur au moyen des tourments, à l’âme qui n’avait pas été assez exercée. C’était pour lui enlever toute terreur, afin qu’elle ne craignît pas plus longtemps, qu’elle ne fût point lâche et ne tremblât pas pendant le supplice. De même, c’est au moment où Joseph faisait le plus d’efforts pour sortir de prison, qu’il y était retenu pour plus longtemps ; écoutez-le « J’ai été dérobé du pays des Hébreux », dit-il, « mais souviens-toi de moi auprès de Pharaon ». (Gen. 40,15) Pourquoi était-il retenu ? C’est pour qu’il apprît qu’il ne fallait pas mettre sa confiance dans les hommes, mais s’en rapporter entièrement à Dieu. Maintenant donc que nous savons cela, rendons grâces au souverain maître, et faisons tout ce qu’il convient, afin de gagner les biens éternels en Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui partage la gloire du Père et du Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.