Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/445

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nous nous représentons leur vertu, et ainsi nous nous sentons encouragés, nous avons plus d’ardeur. Combien donc cet effet ne serait-il pas plus grand si nous entendions rapporter leurs paroles et toutes leurs actions ! Est-ce qu’on ne s’informe pas d’un ami, pour savoir où il vit, ce qu’il fait, où il va ? et cela, dites-moi, il ne faudrait pas le savoir, lorsqu’il s’agit des docteurs qui ont enseigné toute la terre ! Lorsque quelqu’un vit de la vraie vie de la foi, sa tenue, sa démarche, ses paroles, ses actions, tout en lui est utile à ceux qui en entendent parler, et il n’y a aucun inconvénient à tout savoir.
Maintenant il est bon de vous apprendre pourquoi dans cette épître il est traité d’un sujet tout domestique. Voyez donc combien d’excellents enseignements nous sont donnés par là. L’un, et le premier de tous, c’est que nous devons être diligents sur toutes choses. Si en effet saint Paul a tant de sollicitude pour un fugitif, un larron, un voleur ; s’il ne craint pas, s’il ne rougit pas de le renvoyer à son maître avec tant d’éloges, il nous convient bien moins encore d’être négligents dans des circonstances semblables. Le second enseignement, c’est qu’il ne faut pas désespérer dés esclaves, même lorsqu’ils en sont arrivés à une extrême perversité. Or, si ce fugitif, ce voleur est devenu assez honnête pour que Paul voulût en faire son compagnon, et qu’il écrivît ceci : « Afin qu’il me servît à ta place », nous devons désespérer bien moins encore des hommes libres. Le troisième enseignement, c’est qu’il n’est pas bien d’enlever aux maîtres leurs esclaves. Car si l’apôtre qui avait une telle confiance en Philémon, n’a pas voulu retenir sans l’aveu de son maître, Onésime qui pouvait lui rendre tant de services dans son ministère, il nous convient bien moins encore de faire ce qu’il n’a pas fait. Plus un esclave est vertueux et plus il est bon qu’il reste esclave, qu’il reconnaisse son maître afin qu’il soit utile à tous ceux qui sont dans la maison. Pourquoi ôter la lumière de dessus le chandelier pour la mettre sous le boisseau ? Plût à Dieu qu’on pût faire rentrer dans les villes tous les fugitifs ! Mais quoi, dira-t-on, et s’il devenait mauvais ? – Comment ? dites-le-moi, je vous prie est-ce parce qu’il est entré dans la ville ? Mais pensez-y ; s’il était dehors, il serait encore pire. Car celui qui étant dans la ville devient mauvais ; deviendrait bien pire, s’il était hors des murs. En effet, au dedans il est libre de toute inquiétude sur son sort, c’est son maître qui a tous les soucis ; mais au-dehors, les soins qu’il devrait prendre pour pourvoir à sa nourriture l’écarteraient davantage de ses devoirs les plus nécessaires, les plus spirituels. C’est même pour cela que saint Paul, leur donnant un excellent conseil, leur dit : « Es-tu appelé à la foi étant esclave, rie t’en mets point en peine, mais quand même tu pourrais être mis en liberté, fais plutôt un bon usage de ton état » (1Cor. 7,21), c’est-à-dire continue à être esclave. Car ce qu’il y a de plus nécessaire pour lui, c’est qu’il n’entende point blasphémer le nom de Dieu, comme le dit l’apôtre en ces termes : « Que tous les serviteurs, qui sont sous le joug, sachent qu’ils doivent à leurs maîtres toute sorte d’honneurs, afin qu’on ne blasphème point le nom de Dieu et sa doctrine ». (1Tim. 6,1) Les gentils eux-mêmes devront dire qu’un esclave peut plaire à Dieu, sinon il faudra de toute nécessité qu’on blasphème et qu’on dise : Le christianisme a été introduit dans la vie pour tout renverser ; si les esclaves sont enlevés à leurs maîtres, c’est là une grande violence. Que dirai-je de plus ? L’apôtre nous enseigne encore que nous ne devons pas rougir de vivre avec des esclaves, pourvu qu’ils soient honnêtes. Si en effet saint Paul, qui l’emportait sur tous les hommes, a dit tant de bien d’Onésime, à plus forte raison devons-nous agir comme lui. Puis donc qu’il y a dans cette épître tant d’utiles enseignements, bien que nous n’ayons pas encore tout dit, quelqu’un pourra-t-il croire qu’il était superflu de la mettre air nombre des Écritures sacrées ? Un tel sentiment ne montrerait-il pas une extrême démence ? Prêtons donc toute notre attention, je vous prise, à la' lettre écrite par l’apôtre. Déjà elle nous a été fort utile, elle le sera plus encore, si nous l’examinons de près.