Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/450

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qu’il fait tout pour fléchir Philémon. Si les autres obtiennent ce qu’ils demandent, combien plus ne doit pas l’obtenir saint Paul ; s’il était digne d’être exaucé même en se présentant avant tous les autres, combien plus n’en était-il pas digne en venant après les autres, alors surtout qu’il ne demande rien pour lui-même. Ensuite, comme il ne veut point paraître écrire pour un seul, de peur qu’on ne pût dire que, sans Onésime, il n’aurait pas écrit, voyez comme il donne d’autres causes à son épître, d’abord en parlant de la vertu de Philémon, ensuite en l’invitant à lui préparer un logement, « Apprenant ta charité », dit-il cela est bien plus beau et bien plus grand que s’il en avait vu lui-même les effets. Car évidemment il fallait qu’elle fût bien supérieure pour qu’elle ait été si connue, et qu’elle fût arrivée jusqu’à lui malgré la grande distance qu’il y a entre Rome et la Phrygie. C’est en effet en Phrygie que devait vivre Philémon ; cela ressort, suivant moi, de ce qu’il est parlé d’Archippe ; or les Colossiens sont Phrygiens, et dans l’épître qui leur est adressée, saint Paul dit : « Quand cette lettre aura été lue parmi vous, faites qu’elle soit lue aussi dans l’église des Laodicéens, et vous aussi lisez celle qui est venue de Laodicée » (Col. 4,16) ; et Laodicée est une ville de Phrygie. « Je demande », dit-il, « que la communication de ta foi montre son efficace ».
Remarquez-vous qu’il donne avant de recevoir, et qu’avant de demander un bienfait, il en accorde lui-même un bien plus grand ? « Afin que la communication de ta foi ait son efficace en se faisant connaître par tout le bien qui est en vous par Jésus-Christ ». C’est-à-dire, afin que tu cultives toutes les vertus, afin que rien ne te fasse défaut. La foi en effet est efficace lorsqu’elle se révèle par les œuvres : « La foi qui est sans les œuvres est morte ». L’apôtre ne dit pas : ta foi, mais : « La communication de ta foi » ; par là il s’unit à lui, il montre qu’ils sont un seul corps, et c’était le meilleur moyen de le fléchir. Si tu es mon compagnon dans la foi, dit-il, tu dois l’être aussi dans les autres choses.
« Car, mon frère, nous avons une grande joie et une grande consolation de ta charité, en ce que tu as réjoui les entrailles des saints ». Il n’y a de meilleur moyen de toucher les hommes que de leur rappeler leurs bonnes actions, surtout lorsqu’on a plus de droits qu’eux au respect. Il ne dit pas : Si tu fais cela pour d’autres, à plus forte raison le dois-tu faire pour moi, mais il le laisse entendre, seulement il s’y prend par une voie plus douce : « Nous avons une grande joie », c’est-à-dire : Tu m’as inspiré de la confiance en toi parles services que tu as rendus aux autres. « Et une grande consolation », c’est-à-dire, non seulement nous nous en réjouissons, mais même nous sommes, consolés par là ; car ces chrétiens, ce sont nos membres. Si donc il doit y avoir une telle concorde entre les fidèles, que ceux qui sont dans l’affliction se réjouissent par cela seul qu’ils voient les autres éprouver de la consolation, combien plus ne nous réjouirions-nous pas, si tu nous consolais nous-même ? Et il ne dit point : Parce que tu obéis, parce que tu cèdes aux désirs des saints, mais : « Parce que tu as réjoui les entrailles des saints » : ce sont des expressions plus fortes et plus énergiques, on, croirait qu’il parle d’un enfant qui fait l’amour et la joie de ses parents. Cette tendresse, cette affection montre qu’il est aimé passionnément par eux.
« C’est pourquoi, bien que j’aie une grande liberté en Jésus-Christ de te commander ce qui est de ton devoir… » Voyez comme il prend garde qu’aucune des choses qu’il disait même par l’effet de sa grande charité, ne puisse offenser Philémon et le rebuter. C’est pourquoi avant de dire : « De te commander n, ce qui est grave, quoique cette parole, si elle est proférée par l’amour, puisse plutôt nous rendre bienveillants, il la corrige longuement, surabondamment par ces mots : « Bien que « j’aie une grande liberté ». Par là il montre que Philémon jouit d’une grande considération auprès de lui ; c’est comme s’il disait : Tu nous as inspiré une grande confiance. Ce n’est pas tout, il ajoute encore : « En Jésus-Christ », et par là il fait entendre que s’il peut lui commander, ce n’est point à cause de sa gloire ni de sa puissance dans le monde, mais en vertu de sa foi en Jésus-Christ. C’est alors qu’il écrit : « De te commander », mais cela ne le contente pas, il met encore : « Ce qui est de ton devoir », c’est-à-dire une chose qui s’accorde avec la raison. Voyez sur combien de motifs il s’appuie : Tu rends des bienfaits aux autres, dit-il, rends-m’en à moi aussi, et parce que c’est pour le Christ, et parce que c’est une chose conforme à la raison, et parce que c’est là une grâce que la charité ne refuse pas.