Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/451

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C’est pourquoi il ajoute : « L’amour que j’ai pour toi fait que j’aime mieux te supplier ». C’est comme s’il disait : Je sais qu’en te commandant je ne ferais pas preuve en vain d’une grande autorité, car d’autres ont déjà obtenu de toi de telles faveurs ; mais comme la chose que je te demande me tient fort au cœur, je te prie plutôt. Il montre ainsi deux choses à la fois, c’est qu’il a confiance en lui (du reste il lui a donné un ordre) et qu’il est grandement inquiet sur cette affaire, et c’est pour cela qu’il se sert de la prière. « Bien que je sois ce que je suis, savoir, Paul, le vieux Paul ».
2. Oh ! que de raisons puissantes ! « Paul », c’est-à-dire la dignité de la personne ; « le « vieux Paul », c’est-à-dire, le respect dû à la vieillesse ; et ce qui est plus touchant encore, il ajoute : « Prisonnier de Jésus-Christ ». Qui ne recevrait avec des mains suppliantes cet athlète couronné ? En le voyant enchaîné pour Jésus-Christ, qui ne lui accorderait mille faveurs ? Bien qu’il ait d’avance adouci l’âme de Philémon par tant de raisons, il ne prononce pas encore le nom d’Onésime, mais même après de telles sollicitations, il diffère encore. Vous savez en effet quelle est la colère des maîtres contre leurs esclaves fugitifs, et surtout comment elle grandit même chez les plus doux, lorsque cette fuite a été précédée d’un vol. C’est cette colère qu’il a essayé de calmer par tout ce que nous avons vu. Après lui avoir d’abord persuadé qu’il devait être prêt à lui céder en toutes choses, et avoir préparé son âme à toute obéissance, alors il montre ce qu’il demande et il dit. « Je te prie », et cela est élogieux pour lui, « je te prie pour mon fils que j’ai engendré dans mes liens ».
Ces liens ont encore une grande puissance pour supplier. C’est ici enfin que paraît le nom d’Onésime. Car il n’a pas seulement éteint la colère, il a encore fait naître la joie dans le cœur de Philémon. Je ne l’appellerais pas mon fils, semble-t-il dire, s’il ne m’était grandement utile. Je l’appelle du même nom que j’ai donné à Timothée. De plus, en même temps qu’il montre son amour, il tire du temps où il l’a engendré une grande exhortation. « Je l’ai engendré dans mes liens », dit-il ; c’est afin que par cela même il mérite d’être tenu en haute estime puisqu’il a été engendré au milieu des combats de l’apôtre, au milieu des épreuves qu’il a soutenues pour le Christ. – « Onésime qui t’a été autrefois inutile ». Voyez quelle est sa prudence, comment il reconnaît la faute de l’esclave, et par ce moyen apaise la colère du maître. Je sais, dit-il, qu’il t’a été inutile, « mais maintenant il est bien utile et à toi et à moi ». Il ne dit pas : Mais maintenant il te sera utile, car celui-ci pourrait le nier ; mais il se met lui-même en cause pour rendre dignes de foi les espérances qu’il donne, et il dit : « Mais maintenant il est bien utile et à toi et à moi ». S’il est utile à Paul qui exige une telle diligence, il le sera bien davantage à son maître.
« Et lequel je te renvoie » : c’est encore un moyen d’éteindre sa colère que de le lui livrer. En effet, si les maîtres s’irritent, c’est surtout lorsqu’on leur demande grâce pour de ses esclaves qui ne sont pas rentrés chez eux : ainsi de cette manière il l’adoucit davantage. « Reçois-le « donc comme mes propres entrailles » : il ne se contente pas de l’appeler simplement par son nom, il ajoute des paroles persuasives plus tendres encore que le nom de fils. Il a dit : « Mon fils » ; il a dit : « Que j’ai engendré » ; c’était surtout pour montrer combien il était naturel qu’il l’aimât, puisqu’il l’avait engendré au milieu des épreuves. Car que notre amour soit surtout très-ardent pour les enfants que nous avons eus dans le malheur, c’est ce qui est manifeste, lorsque nous avons échappé aux dangers, au milieu desquels nous les avons engendrés. C’est ce qu’on voit dans l’Ecriture : « Malheur à Icabod », t’est-il dit ; et ailleurs, lorsque Rachel appelle Benjamin, elle dit : a Benjamin le fils de ma douleur ». – « Reçois-le donc comme mes propres entrailles ». Il montre ainsi toute la grandeur de son amour. Il ne dit pas : Recouvre-le ; il ne dit pas : Ne t’irrite point ; mais : « Reçois-le », c’est-à-dire, il est digne, non de pardon, mais d’honneur. Pourquoi ? C’est qu’il est devenu le fils de saint Paul.
« Je voulais le retenir auprès de moi, afin qu’il me servît à ta place dans les liens de l’Évangile ». Voyez-vous après combien de préparations il nous le fait paraître ici comme devant être honoré dans la maison de son maître ? Voyez encore de quelle sagesse l’apôtre fait preuve en ce moment. Voyez comme il dit tout ce à quoi Philémon est tenu envers lui, et combien il l’honore. Tu as trouvé, dit-il, à m’aider comme tu le devais dans mes fonctions par le moyen de ton esclave. Ici il