Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/455

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que nous savons qu’il nous aime, nous nous embrasons d’une belle flamme pour lui, et nous en faisons le plus grand cas. Ainsi nous l’aimerons, et lorsque notre Maître suprême nous porte tant d’amour, nous restons froids ! Ne soyons pas, je vous en prie, ne soyons pas aussi insouciants, lorsqu’il s’agit du salut de nos âmes. Aimons-le de toutes nos forces, et pour l’amour de lui donnons tout, la vie, la fortune, la gloire avec joie, avec plaisir, avec ardeur, comme si ce n’était pas à lui, mais à nous que nous les offrions. Telle est en effet la loi de l’amour. Les amants croient qu’on leur accorde toutes les faveurs, lorsqu’ils peuvent souffrir pour ceux qu’ils aiment. Ayons donc aussi ces sentiments à l’égard de notre souverain Maître, afin que nous ayons notre part des biens éternels en Jésus-Christ Notre-Seigneur qui partage la gloire avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE III.


SI DONC TU ME TIENS POUR TON COMPAGNON, REÇOIS-LE COMME MOI-MÊME. QUE S’IL T’A FAIT QUELQUE TORT, OU S’IL TE DOIT QUELQUE CHOSE, METS-LE-MOI EN COMPTE : MOI, PAUL, J’AI ÉCRIT CECI DE MA PROPRE MAIN, JE TE LE PAYERAI, POUR NE PAS TE DIRE QUE TU TE DOIS TOI-MÊME À MOI. (17, 18, 19, ETC)

Analyse.

  1. Si Onésime a fait quelque tort à son maître, je me porte caution pour lui, dit gracieusement saint Paul.
  2. De la miséricorde de Dieu, qui est inséparable de sa justice. – Que Dieu, dans sa bonté, nous fait des menaces pour nous retenir. – Mais si nous regardons ces menaces comme de simples paroles, nous en éprouverons la vérité.

1. Il n’y a pas de meilleur moyen pour persuader que de ne pas demander tout à la fois. Voyez en effet après quels éloges, après quelle longue préparation l’apôtre ose enfin écrire ces paroles. Après avoir dit : C’est mon fils, mon compagnon dans les liens de l’Évangile, mes entrailles, reçois-le comme un frère, regarde-le comme un frère, il ajoute ici : « Comme moi-même ». Et Paul n’en rougit pas. Celui en effet qui né rougit pas d’être appelé l’esclave des fidèles, et qui même se reconnaît hautement pour tel, peut à bien plus forte raison ne pas redouter d’écrire ces mots. Maintenant que dit-il ? le voici : Si tu as les mêmes sentiments que moi, si tu poursuis le même but, si tu crois à mon amitié, reçois-le comme moi-même.

« Que s’il t’a fait quelque tort » : voyez dans quel endroit de l’épître et dans quel moment il lui parle du tort qui lui a été fait ; c’est tout à fait à la fin, et après avoir déjà parlé longtemps d’Onésime. Comme ce sont surtout les pertes d’argent qui sont les plus sensibles aux hommes, pour que Philémon ne puisse pas se plaindre à ce sujet (et il est probable en effet que ce qu’on lui avait dérobé était déjà dépensé), l’apôtre place ici ces mots « Que s’il t’a fait quelque tort ». Il ne dit pas « S’il t’a volé » ; quoi donc ? « S’il t’a fait quelque tort ». Ainsi il avoue la faute, non toutefois comme une faute d’esclave, mais comme la faute d’un ami envers un ami, en se servant plutôt du mot « tort » que du mot « vol ». « Mets-le-moi en compte », c’est-à-dire, regarde cela comme une dette que je contracte envers toi, « je te le payerai ». Il dit même avec une grâce spirituelle : « Moi, Paul, j’ai écrit ceci de ma propre main ». Cela est tout à la fois persuasif et gracieux : si Paul ne se refuse pas à donner caution pour Onésime, Philémon ne se refusera pas à le recevoir. Par ce moyen il agit puissamment sur l’âme du maître, et il délivre l’esclave de toute perturbation. « De ma propre main », dit-il : il n’y a rien de plus tendre que ces entrailles de père, rien de plus inquiet, rien de plus zélé. Voyez de quelle sollicitude il est plein pour un seul homme : « Pour ne pas te dire que tu te dois toi-même à moi ». Comme il eût paru faire injure à celui qu’il priait, s’il n’avait pas osé le supplier pour un vol, et s’il avait désespéré de réussir, il lui adresse, pour éviter