Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

châtie sans nous épargner ? Écoutez saint Paul : « Soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur ». (Rom. 14,8) Il né veut pas, dit-il, diminuer ses richesses, il sait comment il punit, et ceux qu’il châtie, ce sont ses propres esclaves. Personne ne nous épargne plus que celui qui, lorsque nous n’étions pas encore, nous a fait sortir du néant, qui nous envoie les rayons du soleil, qui nous accorde la pluie, qui inspire notre âme, et qui nous a donné son Fils pour nous racheter.
Voilà ce que je voulais dire, et si j’ai dit toutes ces choses, c’est pour que nous soyons humbles comme il le faut, modérés comme il le faut, et que nous ne trouvions pas dans cette conduite une occasion de nous enorgueillir. Tu es humble et plus humble que tous les hommes. Que ce ne soit pas un motif pour te glorifier toi-même et pour accuser les autres, sinon toute ta gloire s’évanouira. Pourquoi dois-tu être humble ? C’est pour éviter l’insolence, mais si ton humilité t’y fait tomber, il eût mieux valu n’être pas humble. Voici en effet ce que dit l’apôtre : « Le péché m’a causé la mort par le bien, afin que le péché fût rendu par le commandement excessivement péchant ». (Rom. 7,13) Que s’il te vient la pensée de t’admirer toi-même pour ton humilité, pense, jusqu’où Jésus a poussé cette vertu, et tu ne t’admireras pas plus longtemps, tu ne te donneras plus d’éloges, tu te riras de toi-même comme d’un homme qui n’est encore arrivé à rien. Persuade-toi bien que tu es son débiteur en toutes choses ; et quoi que tu fasses, rappelle-toi cette parabole : « Quel est celui d’entre vous qui, ayant un serviteur, lui dise incontinent : Avance-toi et mets-toi à table ; et qui plutôt ne lui dise : Reste là, et prépare-moi d’abord à souper ? » (Lc. 17,7) Sommes-nous reconnaissants à nos esclaves de ce qu’ils nous servent ? Nullement. Pour Dieu au contraire, il nous sait gré non pas de ce que nous le servons, mais de ce que nous faisons ce qui nous est utile. Néanmoins n’agissons pas avec l’idée qu’il nous sait gré de nos vertus, et comme si nous voulions qu’il nous en sût gré encore davantage, croyons que nous acquittons une dette ; car c’est bien en effet une dette, et tout ce que nous faisons nous le devons. Voilà des esclaves que nous avons achetés à prix d’argent ; nous voulons qu’ils vivent toujours pour nous, et que, tout ce qu’ils ont, ils l’aient pour nous : mais celui qui, lorsque nous n’étions pas, nous a tirés du néant, celui qui nous a rachetés de son sang précieux, n’a.-t-il pas bien plus de droits à exiger de nous la même chose ? Il a donné pour nous un prix qu’un père ne consentirait pas à donner même pour son fils : il a répandu son propre sang. Aussi quand nous aurions des milliers de vies à lui donner en retour, les choses seraient-elles égales ? Nullement. Pourquoi ? Parce qu’il a agi ainsi sans nous rien devoir, parce que tous ses bienfaits sont un pur effet de sa grâce, tandis que nous, au contraire, nous sommes déjà ses débiteurs. Il était Dieu et s’est fait esclave, il était immortel et il s’est soumis à la mort en s’incarnant ; mais nous, quand nous ne lui abandonnerions pas notre vie, la loi de la nature ne nous en forcerait pas moins à l’abandonner un jour : quelques moments après nous la quitterions malgré nous. Je ferai le même raisonnement pour les richesses : quand nous ne les donnerions pas en son nom, la nécessité et la mort nous contraindraient bientôt à les rendre. Il en est de même encore pour l’humilité : quand nous ne nous humilierions pas pour lui, les afflictions, les malheurs, les ordres des tyrans nous humilieraient assez.
Voyez-vous combien grande est la grâce qu’il nous a faite ? Il ne dit pas : Que font donc dé si grand ces martyrs ? Quand ils ne mourraient pas pour moi, ils n’en mourraient pas moins bientôt. Non, mais il leur sait grand gré de vouloir bien quitter de leur propre mouvement cette vie, que la loi de la nature leur enlèverait ensuite malgré eux. Il ne dit pas : Que font donc de si grand ceux qui donnent toute leur fortune en aumônes ? malgré eux il faudra bien qu’ils les quittent. Non, mais il leur sait grand gré de cela, et il ne rougit pas d’avouer devant tout le monde, que lui, le Seigneur, il a été nourri par des esclaves. En effet, c’est la gloire du maître que d’avoir des esclaves reconnaissants ; c’est la gloire du maître que d’être ainsi aimé de ses esclaves ; c’est lai gloire du maître que de pouvoir se servir de leurs biens comme des siens ; c’est la gloire du maître que de ne pas rougir d’avouer publiquement qu’il en est ainsi. Que cette immense charité du Christ nous inspire donc le plus grand respect et le plus ardent amour, Si humble, si nul que soit un homme, du moment