Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/466

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langage ? Obligé de remédier à ces erreurs, il est obligé aussi d’employer un langage plus humble et de dire : Dieu l’a institué son héritier universel, et c’est par lui qu’il a fait les siècles. Puis d’un autre côté, pour ne pas porter atteinte à la grandeur du Christ, il s’élève et parle de sa puissance. Il le met sur la même ligne que le Père, si bien que beaucoup de gens le confondent avec le Père. Mais voyez comme il procède avec prudence. Il pose d’abord et a soin de bien établir ses bases. Puis, quand il a démontré que loin d’être étranger à Dieu, le, Christ est le Fils de Dieu, il s’élève sans difficulté aussi haut qu’il veut. Comme en parlant de Jésus-Christ d’une manière sublime il risquait d’en porter plusieurs à le confondre avec le Père, il a soin d’en parler d’abord d’une manière humble, afin de pouvoir ensuite sans danger donner tout son essor à sa parole. Après avoir dit : « Dieu l’a établi son héritier universel » ; Dieu par lui a créé les siècles, il ajoute : « Il soutient tout par la parole de sa puissance ». Celui qui d’un seul mot gouverne l’univers, n’a besoin de personne pour le créer.
2. Cela étant, voyez comme Paul va plus loin, comme il donne au Fils l’autorité. Ces mois « par « qui » se trouvent maintenant supprimés. Comme il a fait par lui-même ce qu’il a voulu ; Paul le sépare du Père, et que dit-il ? « Dès le commencement du monde, Seigneur, vous avez créé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de vos mains ». Il ne dit plus « par qui », il ne dit plus : C’est par lui que Dieu a fait les siècles. Et pourquoi donc ? Est-ce que les siècles n’ont pas été faits par lui ? Certainement ; mais ce n’est pas comme vous le dites, comme vous le croyez. Il n’a pas été réduit au rôle d’un instrument incapable d’agir par lui-même, si son Père n’avait mis la main à l’œuvre. De même que le Père ne juge personne et juge, dit-on, par la bouche de son Fils, parce qu’il a engendré en lui le souverain Juge, de même c’est, dit-on, par son Fils qu’il crée, parce qu’il a engendré en lui le créateur. Car si le Fils est engendré du Père, c’est le Père qui a'engendré à plus forte raison tout ce qui a été fait par le Fils.
Lors donc que Paul veut montrer que le Fils est engendré du Père, il est obligé de baisser le ton. Mais lorsqu’il veut parler un langage plus élevé, il donne prise aux attaques de Marcellus et de Sabellius. Mais entre ces deux excès qu’elle fuit, l’Église suit une ligne intermédiaire. Elle ne se renferme pas dans un humble langage, pour ne pas donner lieu à Paul de Samosate ; elle ne plane pas toujours dans les hautes régions et elle nous montre un Dieu qui se rapproche beaucoup de l’humanité, pour éviter les assauts de Sabellius. Paul dit « le Fils » et aussitôt Paul de Samosate l’arrête, en s’écriant : Le Fils soit ! comme tant d’autres. Mais Paul a porté à l’hérétique un coup mortel, avec un seul mot, le mot « d’héritier ». Alors Paul de Samosate s’allie sans rougir à Arius, car tous les deux s’emparent de ce mot ; l’un pour dire que c’est un témoignage de faiblesse, l’autre pour attaquer ce qui suit. D’un seul mot, en disant : « Par qui il a fait les siècles », Paul a terrassé l’hérétique de Samosate ; mais Arius semble encore être fort. Voyez pourtant comme Paul renverse à son tour cet adversaire, en disant:« Qui étant la splendeur de sa gloire ». Mais voici de nouveaux assaillants, Sabellius, Marcellus et Photin. À tous ces adversaires il porte un seul coup. Il dit : « Il est le caractère de sa puissance et soutient tout par la puissance de sa parole ». Ici c’est encore Marcion qu’il frappe, légèrement il est vrai, mais toujours est-il qu’il le frappe ; car, dans tout le cours de cette épître, il le combat. Mais, je l’ai dit plus haut, il appelle le Fils « la splendeur de la gloire » et avec raison. Écoutez en effet le Christ, parlant de lui-même : « Je suis », dit-il, « la lumière du monde ». Voilà pourquoi Paul appelle le Christ « la splendeur de la gloire « divine », pour montrer que c’est là aussi le langage du Christ qui est évidemment lumière de lumière. Il ne s’en tient point là ; il montre que cette lumière a illuminé nos âmes. Ces mots « splendeur de sa gloire » veulent dire égalité de substance, propinquité du Fils avec le Père. Pensez à la subtilité de ces paroles. Il ne prend qu’une essence et une substance, pour nous présenter deux hypostases. Il fait de même pour la science de l’Esprit-Saint. Selon lui, la science du Père et celle du Saint-Esprit forment une science unique ; car elles ne sont en vérité qu’une seule et même science. De même en ce passage, il se sert d’un seul mot ; pour désigner les deux hypostases.
Il ajoute le mot « caractère ». Le caractère est autre chose que le prototype ; il n’est pas tout autre, il n’en diffère qu’en ce qui regarde l’hypostase. Car ici le mot a caractère » annonce une similitude, une ressemblance parfaite. Lors donc que Paul, emploie ces dénominations de forme et de caractère, que peuvent dire les hérétiques ? Mais l’homme aussi a été appelé une image (Gen. 1,26). Quoi donc ! Est-ce de la même manière que le Fils ? Non, vous dit-on, sachez que l’image n’implique pas la ressemblance parfaite : le mot image appliqué à l’homme signifie une ressemblance compatible avec l’humanité. Ce que Dieu est' dans le ciel, l’homme l’est sur la terre, quant à l’autorité. Si sur la terre l’homme est le maître, Dieu est le souverain maître de la terre et du ciel. D’ailleurs l’homme n’a pas été appelé figure, splendeur, forme, ce qui indique l’essence ou une ressemblance essentielle. De même que le terme « la forme d’esclave » veut dire un homme ayant tous les attributs de l’humanité, ainsi le terme « la forme de Dieu » ne peut rien signifier autre chose que Dieu. « Qui étant là splendeur de sa gloire », dit Paul. Voyez comment l’apôtre s’y prend. Après avoir dit : « Étant la splendeur de sa gloire », il a ajouté : « Il est assis à la droite de la souveraine Majesté ». Examinez les mots dont il se sert ; ici il n’est plus question d’essence. Ni le mot de majesté, en effet, ni le mot de gloire ne rendent bien son idée. Mais il ne trouve pas de mot, pour l’exprimer. Voilà ce que je disais en commençant. Il y a bien des choses que nous comprenons, sans pouvoir rendre notre pensée. Car le mot Dieu ne désigne pas l’essence. Mais comment désigner l’essence divine ? Et qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’on ne trouve pas un nom pour cette essence ? Le