Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/479

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à la tristesse ! Ne dites pas : Pourquoi tous ces maux que nous souffrons ? Notre victoire n’en sera que plus brillante, et quel éclat aurait-elle, si la mort n’avait été vaincue par la mort ? Le miracle, d’est d’avoir vaincu le démon avec les armes qui faisaient sa force, et voilà ce qui fait ressortir le génie fécond en ressources de son vainqueur ! « Car », dit-il, « ce n’est pas un esprit de faiblesse, c’est un esprit de force, de charité et de sagesse que nous avons reçu ». (Rom. 8, coll.; 2Tim. 1,7) Résistons donc généreusement et moquons-nous de la mort.
5. Mais il me prend envie de gémir, dans toute l’amertume de mon cœur, quand je compare le degré d’élévation auquel le Christ nous a fait parvenir, au degré d’abaissement auquel nous sommes descendus par notre faute. A l’aspect de cette foule qui se frappe la poitrine sur la place publique, qui gémit sur ceux qui sortent de la vie, à l’aspect de tous ces gens qui hurlent de douleur et se livrent à toutes ces lâches démonstrations, croyez-moi, je rougis devant ces Grecs, ces Juifs, ces hérétiques qui nous regardent, et dont toutes ces manifestations nous rendent la fable. Désormais toutes les méditations philosophiques que je puis faire sur la résurrection, sont en pure perte. Pourquoi ? C’est que ce n’est pas à mes paroles que les Grecs font attention, c’est à vos actes. Car ils disent aussitôt : Comment trouver un seul homme capable de mépriser la mort, parmi tous ces hommes qui ne sauraient envisager un cadavre ? Elles sont bien belles les paroles de saint Paul : oui, elles sont bien belles, elles sont dignes du ciel et de la bonté divine. Que dit-il, en effet ? « Et il affranchira tous ceux que la crainte, de la mort tenait, durant toute leur vie, dans l’esclavage ». Mais vous empêchez les païens de croire à ces paroles par votre conduite qui est en contradiction avec elles. Et, pourtant Dieu nous a, prémunis contre cette faiblesse et contre ces mauvaises habitudes. Car, je vous le demande, que veulent dire ces lampes qui brillent ? Ces morts ; ne les accompagnons-nous pas, comme s’ils étaient des athlètes victorieux ? Que signifient ces hymnes ? N’est-ce pas Dieu que nous glorifions, que nous remercions d’avoir enfin couronné le lutteur sorti de la lice ; de l’avoir affranchi de ses fatigues, de l’avoir reçu dans son sein, en bannissant toutes ses inquiétudes ? N’est-ce pas là le sens de ces hymnes, de ces psaumes ? Ce sont là autant de manifestations joyeuses. « Quelqu’un est-il dans la joie, qu’il chante ». (Jac. 5,13) Mais les grecs ne pensent pas à tout cela. Ne nous parlez pas, disent-ils, de ces hommes qui font les sages, quand ils n’ont rien à souffrir ; car il n’y a rien là de bien grand ni de bien merveilleux ; montrez-nous un homme qui raisonne en philosophe, au sein même de la souffrance, et nous croirons alors à la résurrection. Que les femmes mondaines se conduisent ainsi, il n’y a rien là d’étonnant, bien qu’il y ait aussi du mal à cela. Car on leur demande aussi à elles, cette philosophie du chrétien, témoin cette parole de Paul : « Quant à ceux qui dorment dans le sein du Seigneur, je ne veux pas vous le laisser ignorer, mes frères, vous ne devez pas vous affliger, comme toutes ces personnes qui n’ont point d’espérance ». (1Thes. 4,12) Cela n’est pas écrit pour les religieuses, pour celles qui ont fait vœu de virginité, mais pour les femmes mondaines, pour les femmes mariées, pour les femmes du siècle.
Jusqu’ici pourtant, il n’y a pas grand mal. Mais quand on voit une femme ou un homme soi-disant mort pour le monde, s’arracher les cheveux, pousser de grands gémissements, qu’y a-t-il de plus honteux ? Croyez-moi : il faudrait, pour bien faire, interdire pour longtemps à ces gens-là le seuil de l’église. Ceux qui méritent d’être pleurés en effet, ce sont ceux qui craignent la mort, ceux qu’elle fait frémir et qui ne croient pas à la résurrection. Je crois à la résurrection, me direz-vous, mais je veux suivre la coutume. Pourquoi donc, dites-moi, quand vous partez pour un long voyage, n’en faites-vous pas autant ? – Alors aussi, dites-vous, je pleure, je me lamente et j’exprime mes regrets. Mais les larmes, des funérailles sont celles de l’habitude, les larmes du départ sont celles du désespoir. Réfléchissez donc aux paroles que vous chantez quand vous pleurez ainsi. « Tourne-toi, mon âme, vers ce port tranquille ; car Dieu a répandu sur toi ses bienfaits », et ailleurs : « Je braverai le malheur, car tu es avec moi », et ailleurs encore : « Tu es mon refuge au milieu des tribulations qui m’environnent ». (Ps. 114,7 ; 22, 4 et 31, 9) Réfléchissez au sens de ces paroles que vous chantez. Mais vous n’y faites pas attention ; vous êtes ivre de douleur. Réfléchissez pourtant, réfléchissez avec soin, durant ces funérailles, afin d’être sauvé quand l’heure de vos funérailles à vous, viendra à sonner. « Tourne-toi, mon âme, vers le lieu du repos ; car le Seigneur a répandu ses bienfaits sur toi ». Quoi donc ! Voilà ce que vous dites et vous pleurez ! N’est-ce pas là une scène de théâtre, n’est-ce pas là un rôle que vous jouez ? Car enfin, si, vous êtes bien convaincu de ce que vous dites, votre douleur est gratuite. Si d’un autre côté, tout cela n’est qu’un jeu : d’enfant, un rôle que vous jouez, une fable, pourquoi chanter ? pourquoi permettre à vos voisins de chanter ? pourquoi ne pas les chasser ? Mais, direz-vous, ce serait de la folie. Ah ! votre conduite en est une bien plus grande encore… Pour le moment, je me borne à vous avertir. Avec le temps, j’insisterai sur ce point, car j’ai bien peur que cette coutume ne devienne la plaie de. l’Église, Plus tard, je tâcherai de la déraciner. Pour aujourd’hui je me contente de la dénoncer, et je vous conjure, vous tous, riches et pauvres, femmes et enfants, de vous en défaire.
Puissiez-vous tous sortir de la vie, sans être entourés de tout cet appareil de deuil ! que, d’après la loi de la nature, les pères arrivés à la vieillesse soient conduits à leur dernière demeure par leurs fils ; que parvenues à une vieillesse avancée et tranquille, les mères soient conduites par leurs filles, par leurs petits-fils et par leurs arrière-petits-fils, et que votre mort ne soit jamais prématurée. Puissiez-vous avoir ce bonheur ! Je vous le souhaite et je le demande à Dieu pour vous. Je vous en prie, je vous y exhorte : priez Dieu les