Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/491

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créatures quelles qu’elles soient, tout, pour l’œil de Dieu, est à découvert, tout est clair et manifeste pour lui, rien ne peut lui échapper. « Tout est à nu et dépouillé devant les yeux de Celui dont nous parlons ». Ce mot « dépouillé » est une métaphore tirée des victimes écorchées. Quand un sacrificateur, après avoir égorgé la victime, sépare la peau de la chair, il met à nu les moindres fibres qui apparaissent alors à nos yeux : c’est ainsi que, sous l’œil de Dieu, apparaissent clairement et dans un jour complet, les moindres fibres de notre âme. Voyez comme saint Paul a toujours besoin de recourir à des images matérielles ; c’est que ses auditeurs étaient faibles d’esprit. Ce qui prouve cette faiblesse, c’est qu’il les traite quelque part d’êtres maladifs, auxquels il faut, du lait, auxquels il ne faut pas une nourriture solide. « Tout est nu et dépouillé », dit-il, « aux yeux de Celui « duquel nous parlons ».
Mais que signifient ces mots : « Dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules ? » lis ont pour but de répondre à ceux qui demanderaient pourquoi ces hommes n’ont point vu la terre promise. Ils avaient reçu un gage de la puissance de Dieu et, au lieu de croire en lui, ils ont cédé à la crainte, et, sans que Dieu leur donnât aucun avis qui pût, les effrayer, ils ont péri victimes de leur pusillanimité et de leur découragement. On peut dire encore qu’après avoir fait la plus grande partie du chemin, sur le seuil même de la terre promise, en arrivant au port, ils ont sombré. Voilà ce que je crains pour vous, dit l’apôtre, et tel est le sens de ces paroles : « Dans une à désobéissance semblable à celle de ces incrédules », car eux aussi ils ont beaucoup souffert, et c’est ce qui est attesté par saint Paul, quand il dit : « Souvenez-vous de ces anciens jours où vous avez été éclairés par les combats que vous avez eu à soutenir contre la souffrance ». (Héb. 10,32) Loin de nous donc la pusillanimité et l’abattement ! Ne perdons pas courage à la fin de la lutte il y a des athlètes en effet qui sont tout feu et tout flamme, en commençant le combat, et qui, pour n’avoir pas voulu faire encore quelques efforts, ont tout perdu. L’exemple de vos pères, dit saint Paul, suffit pour vous instruire et pour vous empêcher de souffrir ce qu’ils ont souffert eux-mêmes. Voilà ce que veulent dire ces mots : « Ne tombez pas dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules ». Ne nous relâchons pas, dit l’apôtre, ne perdons pas nos forces. Et c’est ce qu’il dit encore en terminant : « Relevez vos mains languissantes et fortifiez vos genoux affaiblis ». (Hébreux, 12,12) « Il ne faut pas », dit-il, « que vous tombiez dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules ». C’est là en effet une chute bien réelle. Puis, pour que vous ne vous attendiez pas à subir seulement, comme peine de cette chute, le même genre de mort qu’eux, voyez ce qu’il ajoute : « La parole de Dieu est vivante et efficace ; elle est plus perçante qu’un glaive à deux tranchants ».
Oui : la parole de Dieu est le mieux affilé de tous les glaives ; elle perce les âmes ; elle leur porte des coups mortels et leur fait de mortelles blessures. Ce qu’il dit là, il n’est pas nécessaire qu’il le démontre, qu’il le prouve et qu’il l’établisse ; l’exemple qu’il cite en dit assez. À quelle guerre en effet, sous quel glaive ont-ils succombé ? Ne sont-ils pas tombés d’eux-mêmes ? Si nous n’avons pas souffert autant qu’eux, ne soyons pas exempts de crainte : tant que nous pouvons dire « aujourd’hui », relevons-nous et réparons nos forces. Après avoir ainsi parlé, de peur que ses auditeurs, en apprenant ces châtiments de l’âme, ne restent froids et languissants, il ajoute à ces châtiments des peines corporelles, en faisant entendre que Dieu, armé du glaive spirituel de sa parole, fait comme un souverain qui punit ses officiers coupables de quelque grande faute. Il leur ôte le droit de servir dans ses armées, il leur ôte leur ceinturon et leur grade, et les condamne à une peine proclamée par la voix du crieur public. Puis, à propos du Fils, il laisse tomber ces mots terribles : « Celui auquel nous parlons » : c’est-à-dire, celui auquel nous devons rendre compte. Ainsi ne nous laissons pas abattre, ne nous décourageons pas. Ce qu’il a dit suffisait bien pour nous instruire ; mais pour lui, ce n’est point assez et il ajoute : « Nous avons un grand pontife qui est monté au plus haut du ciel : c’est Jésus, Fils de Dieu (14) ».
2. Il veut par là soutenir notre courage et voilà pourquoi il ajoute : « Le pontife que nous avons n’est pas tel qu’il ne puisse compatir à nos faiblesses ». C’est encore pour cela qu’il disait plus haut : Par cela même qu’il a souffert et qu’il a été mis à l’épreuve, il est à même de secourir ceux qui sont éprouvés. Vous voyez qu’il a toujours le même but. Ce qu’il dit là revient à dire : La voie dans laquelle il était entré était encore plus rude que la nôtre ; car il a fait l’expérience de toutes les misères humaines. Il avait dit : « Nulle créature ne lui est cachée », pour faire allusion à sa divinité. Mais, lorsqu’il arrive à l’Incarnation, il prend un langage plus modeste et plus humble. « Nous avons », dit-il, « un grand pontife qui est monté au plus haut du ciel », et il montre sa sollicitude pour défendre et protéger les siens, pour les préserver de toute chute. Moise, dit-il, n’est pas entré dans le repos de Dieu ; mais lui, il y est entré, et comment ? Je vais vous le dire. Que l’apôtre n’ait tenu hautement dans aucun passage, le langage que je lui prête, il n’y a rien d’étonnant à cela c’est pour qu’ils ne croient pas avoir trouvé dans l’exemple de Moïse un moyen de défense, qu’il attaque indirectement Moïse lui-même ; c’est pour ne pas avoir l’air de l’accuser, qu’il ne dit pas tout cela ouvertement. Car si, malgré sa discrétion, ils lui reprochaient de parler contre Moïse et contre la loi, ils se seraient récriés bien davantage, s’il avait dit : Le lieu de repos dont je parle ce n’est pas la Palestine, c’est le ciel. Mais il ne se repose pas entièrement du soin de notre salut sur le pontife ; il veut aussi que nous agissions de notre côté : il veut que nous demeurions fermes dans la foi dont nous avons fait profession. « Ayant », dit-il, « pour grand pontife, Jésus le Fils de Dieu, qui est monté au plus haut des cieux, demeurons fermes dans la foi dont nous avons fait profession ».
Qu’entend-il par – là ? Il veut dire que nous devons croire fermement à la résurrection, à la