Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/493

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jeunesse ; nous avons jeûné dans notre jeunesse ; aujourd’hui, nous voilà vieux !… Ah ! c’est alors surtout qu’il faut redoubler de piété. Ne racontez pas en détail vos bonnes actions. Voici le moment de vous montrer jeune et vigoureux, comme si vous étiez dans : la fleur de l’âge. Les athlètes qui disputent le prix de la course, quand la vieillesse chenue vient à les glacer, ne sont plus agiles, mais leur vigueur à eux n’est autre chose qu’une vigueur physique.
Mais vous ; pourquoi ralentir votre course ? Ce qu’il faut ici ; c’est la vigueur de l’âme, la vigueur d’une âme toujours éveillée. Or c’est dans la vieillesse que l’âme, se fortifie ; c’est alors qu’elle a le plus de vigueur ; c’est alors qu’elle s’élance. Le corps a beau être fort et robuste ; tant qu’il est en proie aux fièvres, aux assauts fréquents et successifs de la maladie, les maladies minent ses forces ; mais il les recouvre, quand il est délivré des maladies qui l’assiègent. Il en est de même de l’âme. Tant que dure la jeunesse, elle a la fièvre, elle est en proie à l’amour de la gloire et des plaisirs et à une foule d’autres affections. Mais la vieillesse, en arrivant, chasse tous ces penchants matériels ; ses remèdes pour nous en guérir, sont le temps et la philosophie. En détendant les ressorts de la matière, la vieillesse ne permet pas à l’âme de s’en servir ; quand même elle le voudrait ; mais, comme si elle domptait ses ennemis de tout genre, elle l’élève à des hauteurs que le tumulte dès passions ne peut atteindre, elle lui donne un calme profond et lui inspire surtout une terreur salutaire. Mieux que personne en – effet les vieillards savent qu’ils doivent mourir et qu’ils sont tout près de la mort. Lors donc que les passions et que les désirs mondains s’éloignent, quand on attend à chaque instant l’heure du jugement, quand cette attente triomphe de notre obstination et de notre désobéissance, comment l’âme, pour peu qu’elle soit bien disposée, ne deviendrait-elle pas plus attentive ? Mais quoi ? me direz-vous, ne trouve-t-on pas des vieillards plus corrompus que des jeunes gens ? Vous considérez ici le vice à ses dernières limites. Ne voyons-nous pas aussi des fous furieux qui d’eux-mêmes vont se jeter dans un précipice ? Quand donc un vieillard a les maladies de la jeunesse, c’est un grand mal : un vieillard de cette espèce ne peut pas donner son âge pour excuse ; il ne peut pas dire : « Ne vous souvenez plus des fautes et de l’étourderie de ma jeunesse ». (Ps. 24,1) Car celui qui, dans sa vieillesse, ne change pas, montre que les fautes de sa jeunesse, viennent, non de, l’ignorance, non de l’inexpérience, non l’âge, mais d’un défaut de cœur. Pour avoir, le droit de dire : « Ne vous souvenez plus des fautes de ma jeunesse et de mon inexpérience », il faut se conduire comme un vieillard doit le faire, il faut que là vieillesse nous change : Mais si, dans notre vieillesse, notre conduite est toujours aussi honteuse, aussi déshonorante, méritons-nous le nom de vieillards, alors que nous ne respectons pas notre âge ? Lorsqu’on dit : « Ne vous souvenez pas des fautes de ma jeunesse et de mon étourderie », on parle en vieillard honnête.
Ne perdez donc point l’occasion que : vous offre votre vieillesse de faire excuser les fautes de votre jeune âge. N’est-elle pas absurde et inexcusable la conduite de ce vieillard qui s’enivre, qui hante les cabarets, qui va voir les courses, qui monte, sur un théâtre, qui court avec la foule, comme un enfant ? C’est grande honte et c’est chose bien ridicule d’avoir des cheveux blancs sur la tête, et la légèreté de l’enfance dans le cœur. Si la jeunesse vous outrage, vous parlez aussitôt de vos cheveux blancs : Soyez donc le premier à les respecter : Si vous ne les respectez pas, vous ; vieillard, comment voulez-vous que la jeunesse les respecte ? Loin de les respecter, vous les couvrez d’opprobre et d’ignominie. Dieu, en vous donnant cette couronne de cheveux blancs, a mis sur` votre front un diadème. Pourquoi méconnaître cet honneur ? Comment voulez-vous que la jeunesse vous respecte, quand vous êtes encore plus dissipé, encore plus débauché que les Jeunes gens ? Les cheveux blancs sont respectables, quand celui qui les porte fait ce qu’ils commandent ; mais quand le vieillard se conduit en jeune homme, il est, avec ses cheveux blancs, plus ridicule que lui. Comment oserez-vous donner des avis à la jeunesse, vous antres vieillards ivres et dissolus ? Ce que j’en dis n’est pas pour accuser tous les vieillards, Dieu m’en garde ! je n’accuse ici que le vieillard qui agit en jeune homme. Ceux qui agissent ainsi ; en effet, fussent-ils centenaires, ne sont à mes yeux que des jeunes, gens, de même que les jeunes gens, quand ils seraient tout jeunes, valent mieux, selon moi, que des vieillards, quand ces jeunes gens ont la modestie et la tempérance en pariage. Et ce que je dis là n’est pas de moi ; c’est l’Écriture qui établit cette distinction. « Ce qui rend la vieillesse respectable », dit-elle, « ce n’est pas le nombre des années, le grand âge ; c’est un grand nombre d’années passées dans la vertu ». (Sag. 4,9)
4. Honneur aux cheveux blancs, non que nous ayons une prédilection pour cette couleur, mais parce que c’est la couleur de la vertu, et parce que, cet extérieur vénérable nous fait conjecturer que l’homme intérieur a aussi des cheveux blancs ! Mais un vieillard qui donne à ses cheveux blancs un démenti par sa conduite, n’en est que plus ridicule. Pourquoi honorons-nous la royauté, la pourpre, le diadème ? C’est que ce sont là les emblèmes du commandement. Mais que ce roi vêtu de pourpre vienne à être conspué, foulé aux pieds par ses satellites, saisi à la gorge, jeté en prison et déchiré, respecterons-nous encore cette pourpre et ce diadème, et ne plaindrons-nous pas cette majesté outragée ? N’exigez donc pas qu’on respecte vos cheveux blancs, quand vous les outragez vous-même ; c’est vous rendre coupable envers eux que d’avilir une parure si imposante et si précieuse. Mes reproches ne s’adressent pas à tous les vieillards, et ce n’est pas la vieillesse en général que j’attaque ; je ne suis point assez insensé pour cela ; je m’en prends à ce caractère juvénile qui déshonore la vieillesse ; j’adresse ces paroles amères non pas aux vieillards, mais à ceux qui