Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/503

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disait encore : « Dieu ne dédaignera pas la prière d‘un cœur contrit et humilié » (Ps. 50,12, 19), car le pécheur contrit ne s’élève pas lui-même. Loin d’être agressif ; il est prêt à tout supporter. Oui : tel est l’effet de la contrition : l’âme ne se révolte ni contre l’outrage, ni contre les mauvais traitements ; l’âme ne s’éveille plus pour la vengeance. Après s’être humilié, il faut prier avec ardeur, il faut verser, nuit et jour, des larmes abondantes : « Toutes les nuits », dit le Psalmiste, j’arroserai mon lit de mes larmes ». (Ps. 6,7) « Je dévorais la cendre comme le pain, et mes larmes se mêlaient à mon breuvage ». (Ps. 101,10) A la prière, il faut joindre l’aumône. C’est l’aumône qui fait produire au remède de la pénitence son plein et entier effet. Les remèdes ordonnés par les médecins se composent souvent de certaines plantes, parmi lesquelles il y en a une qui est plus salutaire que toutes les autres. Il en est ainsi du remède de la pénitence. Parmi les ingrédients qui le composent, il se trouve une plante plus efficace que toutes les autres et qui est tout. Cette plante s’appelle l’aumône. Voici les paroles de l’Écriture sainte : « Faites l’aumône et vous serez purifiés ». (Lc. 11,41) « L’aumône et la foi sont, les deux grands moyens de purification ». (Tob. 4,11) « L’eau éteint le feu et la flamme ; l’aumône étouffe le péché. » (Sir. 3,30) Nous devons, outre cela, bannir de notre cœur la colère et les sentiments, de vengeance ; nous devons pardonner à tout le monde. « Eh quoi ! » dit l’Ecclésiaste, « l’homme veut que le Seigneur le guérisse et il garde sa colère contre son semblable ! » (Sir. 28,3) « Pardonnez », dit saint Matthieu, « pour que l’on vous pardonne ». (Mt. 6,14) Il faut travailler en outre à la conversion de ses frères : « Allez », est-il dit, « et convertissez vos frères » (Lc. 22,52), afin que vos péchés vous soient remis. Il faut se conduire convenablement envers les prêtres. « L’un d’entre eux pèche-t-il, il faut lui pardonner ». (Jac. 5,15) Il faut défendre et protéger les opprimés, se garder de la colère, se montrer en tout calme et modéré.
5. Eh bien ! avant de connaître quel est – le pouvoir de la pénitence pour effacer nos péchés, n’étiez-vous pas inquiets, à l’idée qu’il ne pouvait y avoir deux baptêmes et que vous n’aviez plus rien à espérer ? Mais aujourd’hui que vous connaissez les moyens de faire une bonne pénitence et d’obtenir la rémission de vos péchés, aujourd’hui que vous voyez dans la pénitence, si elle est ce qu’elle doit être une planche de salut, comment obtenir votre pardon, si vous ne vous souvenez même pas de vos fautes ? Si vous y songez, en effet, votre, tâche est accomplie. Quand on a dépassé le seuil, on est dans la maison, de même quand on repasse ses fautes en soi-même, quand, on fait, chaque jour, son examen de conscience, on parvient à s’en corriger. Mais si l’on se borne à dire : J’ai péché, sans penser aux diverses espèces de péchés que l’on a commis ; si l’on ne se dit pas : j’ai péché de telle et telle manière, on ne se corrigera jamais. On se confessera toujours et l’on ne songera jamais à s’amender. Commençons, entrons dans la voie de la pénitence et tout ira de soi-même. Ce qu’il y a de difficile, c’est de commencer. Jetons les bases de l’édifice ; le reste ira tout seul.
Commençons donc, je vous en prie : prions avec instance, pleurons sans cesse ou gémissons. Le moindre signe de repentir porte ses fruits. « J’ai vu », dit l’Écriture, « j’ai vu l’affliction du pécheur ; il marchait tristement et je lui ai aplani la voie ». (Is. 57,17) Ayons tous recours à l’aumône, au pardon, à l’oubli des injures, et renonçons à 1a vengeance, afin d’humilier nos âmes. Si nous ne perdons pas de vue nos péchés, les biens extérieurs ne pourront jamais enfler nos âmes. Les richesses, la puissance, le rang suprême, les dignités, les honneurs n’auront sur nous aucune influence ; quand nous serions assis sur un char royal, nous gémirons toujours avec amertume. Le bienheureux David aussi était roi et il disait : « J’arroserai, chaque nuit, mon lit de mes larmes ». (Ps. 6,6) La pourpre et le diadème ne gâtèrent point son cœur et ne lui donnèrent pas d’orgueil. Il n’oubliait pas qu’il était homme et, comme il avait la contrition, il se lamentait. Les choses humaines, en effet, ne sont que cendre et poussière, c’est une poussière que le vent dissipe ; c’est une ombre, une fumée ; c’est la feuille qui est le jouet d’un souffle, c’est une fleur, un songe, un bruit qui passe ; un air léger qui s’évanouit au hasard ; c’est la plume sans consistance qui s’envole ; c’est l’eau qui s’écoule ; c’est moins que tout cela… Qu’est-ce qu’il y a de grand ici-bas, je vous le demande ? Quelle est la dignité qui vous éblouit ? Est-ce la dignité consulaire, cette dignité qui, dans l’opinion du vulgaire, est le degré suprême de la grandeur ? Mais l’homme qui s’est trouvé revêtu d’une dignité aussi éclatante, l’homme qui s’est attiré tant d’admirateurs, n’est pas plus avancé que celui qui n’est pas consul. Ils sont égaux devant la mort ; encore un peu de temps, et tous les deux ne seront plus. Répondez combien de temps a duré cette splendeur ? Deux jours, l’espace d’un songe. Mais, me direz-vous, un songe n’est qu’un songe. Eh bien ! ce qui se passe ici-bas, en plein jour, n’est-ce pas un songe aussi ? Pourquoi donner un autre nom à ces événements ? Quand le jour paraît, le songe rentre dans le néant ; une fois la nuit venue, ces grands événements du jour ne sont plus rien. Eh bien ! le jour et la nuit ne se partagent-ils point la durée par égales portions ? Si donc ces agréables rêves d’une nuit ne laissent pas de trace pendant le jour, comment les événements de la journée laisseraient-ils pendant la nuit une impression de plaisir ? Vous avez été consul,.et moi aussi. La différence entre nous, c’est que vous avez été consul, pendant le jour, et moi pendant la nuit. Qu’en résulte-t-il ? C’est que vous n’êtes pas plus avancé que moi.
Mais, direz-vous peut-être, ce nom de consul que fon vous donne en réalité ne résonne-t-il pas à vos oreilles avec plus de douceur, et n’a-t-il pas tous les charmes de la renommée ? Eh quoi ! car je veux faire une supposition et m’expliquer plus clairement, une fois que j’aurai dit : Un tel est consul, une fois que je lui aurai donné ce nom, n’est-