Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/505

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Ailleurs l’amour de la doctrine chrétienne est comparé à la faim et à la soif. (Amo. 8,11) Et dans un autre endroit, il est dit encore : « Le fleuve de Dieu coule à pleins bords ». (Ps. 64,10) Ces mots « une terre souvent arrosée par la pluie », montrent que les Hébreux ont entendu la parole de Dieu, mais que cette parole a arrosé leurs âmes sans les féconder. Paul semble dire à ses auditeurs : Si vos âmes n’avaient pas été cultivées et arrosées, votre malheur ne serait pas si grand. « Si je n’étais pas venu », est-il dit, « si je ne leur avais pas parlé, il n’y aurait pas eu péché de leur part ». (Jn. 15,22)
Mais, puisque vous avez reçu en abondance la parole de Dieu, pourquoi ces mauvaises herbes qui ont remplacé les fruits ? « J’attendais des raisins et je trouve des épines ». (Is. 6,2) Vous voyez que dans l’Écriture, les épines représentent toujours les péchés : « Je me suis tourné et retourné dans mon malheur, et les épines se sont enfoncées dans ma chair ». (Ps. 31,4) C’est que l’épine n’entre pas seulement dans l’âme, elle s’y enfonce. C’est qu’il en est du péché comme de l’épine ; si nous ne l’arrachons en, entier de notre âme, le peu qui reste, nous fait souffrir. Que dis-je ? le péché une fois arraché tout entier de notre âme, y laisse de douloureuses cicatrices. Il faut bien des remèdes, il faut un traitement assidu pour opérer la guérison pleine et entière de cette âme blessée et endolorie par le péché. Il ne suffit pas d’extirper le péché, il faut panser et soigner la plaie qu’il a faite. Mais j’ai bien peur que plus encore que les juifs, nous ne devions nous appliquer les paroles de l’apôtre : « Une terre souvent arrosée ». Cette parole de Dieu en effet descend sur nous sans cesse, elle imprègne sans cesse nos âmes. Mais, au premier rayon de soleil, toute cette pluie s’évapore, et voilà pourquoi nous ne produisons que des épines. Ces épines quelles sont-elles ? Écoutons-le Christ ; il nous dira que ce sont les préoccupations mondaines et les trompeuses richesses de cette terre qui étouffent la doctrine de Dieu et qui la rendent stérile. (Lc. 8,14) Notre âme, sans cela, serait « une terre fréquemment arrosée et produisant des plantes utiles ».
2. Il n’y a rien d’aussi utile que la pureté de la vie, rien qui offre un ensemble aussi harmonieux que la vie parfaite, rien qui convienne autant à l’homme que la vertu. « Produisant », est-il dit, « des herbages utiles à ceux qui la cultivent, elle reçoit la bénédiction de Dieu ». Il rapporte ici tout à Dieu, en attaquant indirectement les gentils qui attribuaient la production des fruits à la fertilité de la terre. Ce n’est pas la main du laboureur, dit-il, c’est l’ordre de Dieu qui lui fait porter ces fruits. « Elle reçoit la bénédiction de Dieu ». Et voyez comment il s’exprime en parlant des épines. Il ne dit pas « produisant », mot qui entraîne une idée d’utilité ; il dit : « Jetant » des épines. « Est une terre réprouvée », dit-il, « et menacée de la malédiction du Seigneur ». Ah ! combien ces paroles sont consolantes. Elle est menacée d’être maudite ; mais elle ne l’est pas encore. Or, quand on n’est pas encore maudit, quand on n’est encore que menacé, la malédiction peut être loin. Autre consolation : il n’a pas dit : C’est une terre à laquelle il mettra le feu, mais à laquelle il « finit » par mettre le feu. Ce châtiment est réservé à la terre qui continue jusqu’à la fin à être une mauvaise terre. Si donc nous chassons avec le fer et le feu les épines de notre cœur, nous pourrons jouir d’avantages sans nombre, nous pourrons être au nombre des bons, et participer à la bénédiction de Dieu. C’est avec raison qu’il compare les péchés à des ronces ; le péché en effet, annoncé partout son contact par des lésions, par des déchirements ; son aspect même est hideux et repoussant. Après les avoir frappés, épouvantés et piqués au vif, il met un baume sur les plaies qu’il leur a faites, pour qu’ils ne soient pas trop abattus ; car des coups trop violents changent la lenteur en apathie. Il ne les flatte pas trop, pour ne pas leur donner trop de confiance, il ne les frappe pas trop, de peur de les abrutir ; mais il mêle, dans de justes proportions, les coups qu’il porte et les remèdes, pour arriver à ses fins. Voici son langage : En vous parlant ainsi, nous n’avons pas pour but de vous condamner, nous ne vous regardons pas comme des natures hérissées d’épines, nous ne craignons même pas que vous soyez jamais ainsi, mais nous aimons mieux vous imposer une crainte salutaire que de vous voir souffrir un jour. Voilà comment saint Paul sait s’y prendre. Il n’a pas dit : Nous pensons, nous conjecturons, nous espérons que vous serez sauvés ; il a dit : « Nous avons confiance en vous », nous attendons de vous une conduite meilleure et plus en rapport avec votre salut. Il écrivait aux Galates J’espère de la bonté du Seigneur que vous n’aurez pas d’autres sentiments que les miens. (Galates, 5,10) Il parle ainsi pour l’avenir ; car il avait réprimandé les Galates ; et leur conduite ; pour le moment, ne méritait pas ses éloges. Mais dans cette épître aux Hébreux, il parle du présent. « Nous avons confiance, nous augurons ».
Mais n’ayant pas grand-chose de bon à dire de l’état des juifs, à l’époque où il parle, il cherche dans leur passé des motifs de consolation qu’il leur présente en ces termes : « Dieu n’est pas injuste pour oublier vos bonnes œuvres et la charité que vous avez témoignée par l’assistance que vous avez rendue en son nom et que vous rendez encore aux saints (10) ». Ah ! comme il sait bien ranimer, raffermir leurs âmes, en leur rappelant le passé, en leur rappelant que Dieu n’a rien oublié ! Le moyen d’éviter le péché en effet, si l’on ne croit pas fermement à la justice des jugements de Dieu, si l’on ne croit pas fermement qu’il, récompensera chacun selon ses œuvres ? Sans cette conviction, comment peut-on croire à la justice de Dieu ? Il force donc les Hébreux à tourner leurs regards vers l’avenir. Car l’homme que le présent décourage et désespère, peut encore puiser dans la contemplation de l’avenir une certaine confiance. Voilà pourquoi il écrivait aux Galates : « Vous couriez si bien autrefois. Qui donc est venu enchaîner votre ardeur ? » Puis : « Avez-vous donc souffert en vain tant d’épreuves, si toutefois vous les avez souffertes en vain ? » Dans cette épître aux Hébreux ne leur dit-il pas, d’un ton de reproche qui renferme