Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/507

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Tel est le sens de ces trois mots : « En son nom », c’est comme s’il disait : C’est pour la gloire de son nom que vous avez tout fait, et celui auquel vous avez témoigné cette tendre sollicitude ne vous dédaignera jamais et ne vous oubliera pas.
4. Soyons attentifs à ces paroles, et prêtons aux saints notre assistance, car tous les fidèles sont des saints tant qu’ils restent fidèles. Qu’ils soient laïques et séculiers, peu importe. L’apôtre ne dit-il pas : « Le mari infidèle est sanctifié par une épouse fidèle, et l’épouse infidèle par un mari fidèle ? » Voyez comme la foi sanctifie. Si donc nous voyons un laïque dans le malheur, tendons-lui la main Que les solitaires qui se sont retirés sur la montagne ne soient pas les seuls objets de notre sympathie. Ils sont saints en même temps par leur vie et par leur foi : Mais, outre ces hommes, il en est d’autres qui sont saints par leur foi, et beaucoup d’autres par leur vie. Entrons dans le cachot du moine ; mais pénétrons aussi dans celui du laïque. Le laïque aussi est un saint ; le laïque aussi est notre frère. Mais si c’est un pécheur souillé de crimes ? Eh bien ! n’entendez-vous pas la voix du Christ qui vous dit : Ne lugez pas les autres, pour n’être pas jugés vous-mêmes ? (Mt. 7,1) Faites cela pour Dieu. Mais que dis-je ? Quand cet infortuné serait un païen, il faudrait encore le secourir. Il faut secourir en un mot tous les malheureux, mais surtout les laïques, quand ce sont des fidèles. Écoutez cette parole de Paul : « Faites du bien à tout le monde », mais surtout « aux fidèles qui servent, comme vous, le Seigneur ». (Gal. 6,10) Je ne sais où nous avons pris cette ; habitude qui s’est introduite chez nous. Mais rechercher exclusivement, pour répandre sur eux ses bienfaits, les hommes voués à la vie monastique, entrer dans mille détails minutieux et dire : Si ce n’est pas un digne homme, si ce n’est pas un juste, s’il ne fait pas de miracles, je ne lui tends pas la main, c’est rapetisser la charité, c’est, même l’anéantir avec le temps. Oui telle est la nature de la charité, qu’il faut la faire même aux pécheurs, même aux coupables. Être charitable ; c’est avoir pitié non seulement des bons, mais des pécheurs.
Pour vous en convaincre, écoutez cette parabole du Christ : « Un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho, tomba entre les mains des voleurs ». (Lc. 10,30, etc) Ils le maltraitèrent et s’en allèrent, le laissant sur la route blessé et demi-mort. Survint un lévite qui aperçut le blessé et qui passa son chemin. Un prêtre en fit autant ; il vit ce malheureux et passa outre. Mais un Samaritain étant venu à l’endroit où était cet homme, en prit le plus grand soin. Il pansa ses blessures, y versa de l’huile, et l’ayant mis sur un âne, il le conduisit à une hôtellerie, et le recommanda à l’hôte. Et voyez la générosité de ce Samaritain : Je vous rembourserai de tous vos frais, dit-il à l’hôte. Eh bien ! dit Jésus à un docteur de la loi, quel est du lévite, du prêtre ou du Samaritain, celui qui s’est montré le prochain de cet homme ? » Le docteur lui répondit : « C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui ». « Allez donc », lui dit Jésus, « et faites de même ». Comprenez-vous le sens de cette parole ? Il n’y est pas fait mention de la reconnaissance du juif pour le Samaritain, mais de la conduite généreuse de ce dernier. La morale de cette parabole, c’est que notre charité doit être universelle, qu’elle ne doit pas s’étendre uniquement aux fidèles qui servent le Seigneur comme nous. Vous aussi faites comme le Samaritain. Si vous voyez un malheureux, n’en demandez pas davantage ; son malheur est un titre qui lui donne droit à votre assistance. Si vous secourez un âne qui va périr, sans demander à qui il appartient, vous devez à plus forte raison secourir un homme, sans vous demander' s’il appartient à Dieu, s’il est juif ou païen. Si c’est un infidèle, c’est une raison de plus pour venir à son secours. S’il vous était permis d’examiner qui il est, et de le juger, toutes vos réflexions pourraient être raisonnables ; mais son malheur vous ôte le droit de l’examiner. Car, s’il ne faut pas s’enquérir curieusement de ceux qui sont dans un état florissant, s’il ne faut pas se mêler des affaires des autres, la curiosité est encore bien plus condamnable, quand elle s’exerce aux dépens d’un malheureux. Mais vous, que faites-vous ? Lorsque vous traitez cet homme de méchant et de pervers, est-il dans la prospérité, est-il tout brillant de gloire et de renommée ? Non : cet homme est malheureux. Eh bien ! respect au malheur ; ne traitez pas un infortuné de méchant et de pervers. C’est à celui que l’éclat environne qu’il faut adresser de semblables épithètes. Mais, quand un homme est dans le malheur, quand il a besoin de secours, il y aurait de la cruauté, il y aurait de l’inhumanité à l’appeler méchant et pervers.
Quoi de plus injuste que les juifs ? Cependant, tout en les punissant, comme ils le méritaient, Dieu a jeté un regard favorable sur ceux qui avaient pitié d’eux, et il a puni à leur tour ceux qui insultaient et qui applaudissaient à leur malheur. « Ils n’étaient pas touchés », est-il dit, « de la contrition de joseph ». (Amo. 6,6) Et il est dit – encore : « Rachetez les captifs que l’on est en train d’immoler ; pour les racheter, n’épargnez pas vos richesses ». (Prov. 24,31) Le livre ne dit pas : Examinez bien cet homme et sachez qui il est : car il est vrai de dire que ces esclaves ont pour la plupart bien des défauts. Mais le livre dit simplement : « Rachetez-les », quels qu’ils soient. Voilà surtout ce qui constitue la charité. Faire du bien à un ami, en effet, ce n’est pas agir en vue de Dieu ; mais faire du bien à un inconnu, voilà ce qui s’appelle faire le bien pour Dieu, dans toute la pureté, dans toute la sincérité de son âme. L’Écriture dit : N’épargnez pas vos richesses ; s’il tant donner tout l’or que vous possédez, donnez-le. Et nous, à l’aspect de nos frères qui périssent, qui se lamentent, qui souffrent, injustement parfois, des tourments mille fois plus cruels que la mort, c’est notre argent, ce ne sont pas nos frères que nous épargnons. Nous ménageons ce qui n’a point d’âme, sans nous inquiéter des êtres animés. Cependant Paul nous dit : « Il faut reprendre avec douceur ceux qui résistent à la vérité, dans l’espérance que Dieu pourra leur donner un jour