Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/53

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de signification est complète : l’un est un nom de nature, l’autre un nom d’emploi. Dans le langage ordinaire non plus, nous n’employons jamais concurremment les termes œuvre et forme.
Au sens même des adversaires, Notre-Seigneur n’a pas fait œuvre d’esclave, il ne s’est pas ceint d’un linge, puisque son corps n’étant, selon eux, que fantastique, la scène entière était sans vérité. S’il n’avait point de mains, comment lavait-il ? s’il n’avait point de reins, comment aurait-il pu se ceindre d’un linge ? Quel genre de vêtements aurait-il pu prendre ; car il est dit qu’ « il reprit ses vêtements ? » Comme il est donc impossible de trouver ici une véritable action, réellement faite, mais une pure illusion, avouez qu’il n’a pas même lavé les pieds des disciples ! Si cette nature incorporelle apparut dans la chair, mais sans avoir de corps, qui donc a lavé les pieds des apôtres ?
Et contre Paul de Samosate, que dirons-nous ? Que dit-il lui-même, d’abord, ce sectaire ? La même chose absolument que Marcion. Aussi lui répondons-nous : Celui qui a simplement la nature humaine, un homme pur et simple, ne s’anéantit pas à laver les pieds de ses compagnons de service. – Car ce que nous avons établi contre les ariens s’applique à ceux-ci également. Entre eux, toute la différence est une faible distance de temps ; les uns comme les autres font du Fils de Dieu une créature. Que suffit-il de leur répondre ? Qu’un homme, pour laver d’autres hommes, ne s’anéantit pas, ne se dégrade pas. Si, n’étant qu’un homme, il n’a pas commis la monstrueuse usurpation de s’égaler à Dieu, il n’y a pas là de quoi faire son panégyrique. Qu’un Dieu se fasse homme, c’est une grande et ineffable humiliation ; mais où est l’humiliation à ce qu’un homme fasse des choses humaines ? – Où trouvez-vous, d’ailleurs, que « forme de Dieu « s’appelle » œuvre de Dieu ? » Car si, restant un homme pur et simple, vous l’appelez forme de Dieu d’après ses œuvres, pourquoi ne pas donner ce même nom à Pierre qui a fait des œuvres plus grandes ? Pourquoi Paul lui-même ne se propose-t-il pas en exemple, lui qui, mille fois, avait accepté des emplois d’esclaves, sans jamais en refuser aucun ? « Nous sommes bien loin de nous prêcher, nous-mêmes », disait-il ; « nous prêchons Jésus-Christ, et nous avouons n’être que vos esclaves par Jésus-Christ ».(2Co. 4,5) Les adversaires n’apportent donc que difficultés ridicules et misérables. Jésus-Christ s’est humilié : c’est la parole apostolique. Eh bien, vous, dites comment ? Où est son anéantissement ? Où est son humiliation ? Est-ce d’avoir fait des miracles même ? Mais Pierre et Paul en ont fait aussi, de sorte qu’on n’y reconnaît pas le privilège propre et spécial du Fils.
Quel est donc le sens vrai de ces mots. « Il s’est fait à la ressemblance des hommes ? » – Elles marquent que : le Fils a eu plusieurs choses de nous, et qu’il n’en a pas eu plusieurs autres choses, comme par exemple d’être né par le commerce charnel, comme surtout d’avoir commis le péché. Tels furent ses privilèges exclusifs, qu’aucun homme ne partage avec lui. Il n’était pas seulement ce qu’il paraissait être, il était encore Dieu. Il apparaissait avec la nature de l’homme ; mais quoique notre semblable par la chair, il différait de nous par beaucoup d’endroits. Ces paroles donc indiquent qu’il n’était pas purement et simplement un homme, et l’apôtre dit avec raison : « Dans la ressemblance des hommes ». Car nous sommes corps et âme ; lui, il est Dieu, âme et corps : c’est pourquoi il écrit : « Dans notre ressemblance ». Craignant d’ailleurs que lui ayant entendu dire : « Il s’est anéanti lui-même », nous n’allions croire, d’après ces mots, à la dégradation, à la perte de la divinité dans le Fils, il semble nous ajouter ici que, demeurant ce qu’il est, il prend ce qu’il n’était pas ; et que fait chair, il continue à être le Dieu Verbe.
3. La même raison qui lui fait parler de « ressemblance », lui fait ajouter aussi : « Par l’extérieur » : sa nature première n’a pas dégénéré, en effet ; elle ne s’est pas confondue avec la nôtre, sinon « par l’extérieur » seulement. Ayant affirmé clairement la prise de possession par lui de la forme (ou nature) de l’esclave, il ajoute avec confiance cette seconde affirmation, après avoir par la première fermé la bouche à tous les hérétiques. En effet, quand il parlait aux Romains « d’une ressemblance » de Jésus-Christ « avec notre chair de péché », il ne niait pas pour cela que ce fût une vraie chair, mais seulement que cette chair eût péché, bien qu’elle fût semblable à une chair pécheresse. En quoi semblable ? par la nature ; en quoi différente ? pour la malice : mais en somme semblable à