Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/531

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le livre même et sur tout le peuple, en disant : C’est le sang du testament et de l’alliance que Dieu a faite en votre faveur (19, 20) ». Pour quelle raison, dites-moi, se fait cette aspersion et du livre, et du peuple, sinon parce qu’un sang précieux était figuré ainsi, bien des siècles à l’avance ? Pourquoi l’hysope ? Parce que son feuillage épais et spongieux retenait mieux le sang. Pourquoi l’eau ? Pour montrer cette purification qui se fait aussi par l’eau. Pourquoi la laine ? Pour mieux absorber aussi le sang. Il montre ici que le sang et l’eau étaient la même chose : et en effet le baptême est le symbole de sa passion.
« Il jeta encore du sang sur le tabernacle et sur tous les vases qui servaient au culte. Selon la loi, enfin, presque tout se purifie avec le sang, et les péchés ne sont pas remis sans effusion de sang (21, 22) ». Pourquoi le mot « presque ? » Pourquoi ce correctif ? Parce que la purification d’alors n’était point parfaite, non plus que la rémission des péchés ; la justification était incomplète et pour une partie très-peu considérable. Chez nous, au contraire, écoutez : « C’est le sang de la nouvelle alliance qui est répandu pour vous pour la rémission des péchés ». (Mt. 26,28) Le livre aujourd’hui est l’âme des chrétiens que Dieu purifie ; les fidèles sont les livres de la nouvelle alliance. Quels sont les vases servant au culte ? Eux encore. Et le tabernacle ? Eux toujours. Car « j’habiterai en eux », dit-il, « et je marcherai en eux ». Mais on ne les aspergeait ni avec la laine ni avec l’hysope ? Pourquoi ? Parce que leur purification n’était plus corporelle, mais spirituelle ; le sang même était spirituel ici. Comment ? Parce qu’il ne coula pas des veines d’animaux sans raison, mais d’un corps préparé par le Saint-Esprit. Voilà le sang dont Jésus-Christ, et non plus Moïse, nous arrosa par la parole déjà rapportée : « C’est le sang de la nouvelle alliance pour la rémission des péchés ». Cette parole tenant lieu de l’hysope imprégnée de sang, nous a tous arrosés. Jadis le corps était purifié extérieurement, ce n’était qu’une purification matérielle. Mais ici la purification toute spirituelle pénètre Pâme et n’est pas une simple aspersion, c’est une source vive qui jaillit dans nos âmes : Ceux qui sont initiés aux saints mystères me comprennent. Moïse ne répandait l’aspersion que sur la surface, et après l’aspersion il fallait se laver de nouveau : on ne pouvait garder longtemps cette rosée de sang. Dans nos âmes il n’en va pas ainsi : le sang se mêle à leur nature ; il les rend fortes et chastes ; il y produit une beauté que le langage humain ne peut expliquer.
L’apôtre démontre encore que la mort du Sauveur n’a pas seulement une vertu confirmative, mais une vertu purificative. La mort, en effet, qui paraissait une exécration, surtout celle qu’on subissait sur une croix, cette mort nous a purifiés, dit-il, et par une purification inappréciable, et pour des faits bien autrement graves. Si les sacrifices antiques ont précédé, c’est en vue de ce sang ; ainsi s’explique l’immolation des agneaux, et tout ce qui s’est fait enfin.
« Il était donc nécessaire que ce qui n’était que figure des choses célestes, fût purifié par le sang des animaux ; mais que les choses célestes elles-mêmes le fussent par des victimes plus excellentes que n’ont été les premières (23) ». Quelles sont ces figures des choses célestes ? Quelles sont les choses que l’apôtre nomme maintenant célestes ? Entend-il par là le ciel, les anges ? Non, il désigne ainsi ce que nous avons. Nos saints mystères sont donc dans le ciel, ils sont célestes, bien qu’ils se célèbrent sur la terre. Car les anges, bien que sur terre, sont appelés anges du ciel, et les chérubins sont célestes, bien qu’ayant apparu sur la terre. Apparu, que dis-je ? Ils vivent sur la terre, comme dans le paradis ; mais cette circonstance ne fait rien ; ils sont célestes par nature. « Et notre conversation à nous-mêmes est dans les cieux » (Phil. 3,20), bien que nous habitions ici-bas. – Ainsi, « les choses célestes mêmes ». C’est la sagesse que nous pratiquons, nous qui sommes appelés là-haut. – « Par des victimes », ajoute-t-il, « meilleures que les premières ». Qui dit « meilleur », suppose la comparaison de supériorité avec « bon ». Ainsi alors déjà il y avait des institutions bonnes et des copies de ce qui est au ciel ; et les copies mêmes n’étaient pas un mal, car autrement vous déclarez mauvais les originaux eux-mêmes.
3. Si donc nous sommes tout célestes, si nous sommes montés à cette haute nature, tremblons, et ne faisons plus de cette terre notre demeure. Car dès qu’on le veut sincèrement aujourd’hui, on peut n’être plus sur la terre. Pour y être et n’y pas être à la fois, nous avons un moyen sûr, une méthode certaine. Par exemple : on dit que Dieu est dans le ciel ; comment ? Est-ce parce qu’il y est renfermé comme dans un lieu ? Arrière cette idée ; mais sans que la terre soit déserte et privée de sa sublime présence, il garde une amitié, une familiarité, une union plus intime avec ses anges. Si donc nous sommes proches de Dieu, nous habitons le ciel. Eh ! que me fait en effet le ciel même, quand je contemple le Seigneur du ciel, quand moi-même je serai devenu le ciel ? Or, dit Jésus-Christ, « nous viendrons, mon Père et moi, « et nous ferons en lui notre demeure ».
Ah ! faisons de notre âme un ciel ! Le ciel, de sa nature, est si beau, si joyeux, que l’orage même ne peut l’assombrir ; son aspect ne change pas en réalité ; les nuages amoncelés ne font que le cacher. Le ciel possède le soleil ; nous avons, nous aussi, le Soleil de justice.
J’ai dit qu’il nous est permis de devenir autant de cieux ; et je vois même que nous pouvons surpasser le ciel en beauté, en éclat. Et comment ? Dès que nous posséderons le Dieu du ciel. Le ciel, dans toutes ses parties, est put, sans tache ; ni la saison mauvaise, ni la nuit ne peuvent l’altérer. Pour éviter aussi de tristes vicissitudes, veillons à ne subir aucune atteinte des afflictions qui nous frappent ou des démons qui nous attaquent : restons purs et sans tache. Le ciel est élevé ; il est loin de la terre ; imitons cette perfection, séparons-nous de la terre, élevons-nous à cette hauteur ; et comment ainsi quitter la terre ? Par les pensées célestes. Le ciel est au-dessus des pluies