Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/535

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les mêmes victimes ? S’ils étaient délivrés de tous leurs péchés, pourquoi offrir chaque jour de nouveaux sacrifices ? En effet, il était établi qu’on sacrifierait pour le peuple entier tous les jours, chaque soir et même pendant]ajournée. Cette pratique accusait les péchés des juifs et ne les remettait pas ; elle avouait leur faiblesse et ne manifestait pas sa vertu. Une première immolation avait été impuissante : on en offrait une seconde ; celle-ci ne produisait rien elle-même, il en : fallait une troisième ; c’était donc une déclaration sans réplique de leurs péchés. Le sacrifice était une preuve du péché, le sacrifice sans cesse réitéré était un aveu de l’impuissance du sacrifice.
En Jésus-Christ, le contraire a lieu. Il a été offert une fois, et à perpétuité ce sacrifice suffit. Aussi l’apôtre, avec raison, appelle les offrandes antiques des « copies » : elles n’ont, de leur modèle, que la figure, et non pas la vertu. C’est ainsi que les portraits ont l’image du modèle, sans en avoir la vertu. L’original et la figure ont quelque chose de commun : ils ont la même apparence, mais non la même force. Ainsi en va-t-il du ciel comparé au tabernacle ; il y a similitude entre eux, sainteté de part et d’autre : mais la vertu et le reste ne sont plus les mêmes.
Comment entendre que le Seigneur, par son sacrifice, est apparu pour la ruine du péché ? Qu’est-ce que cette ruine ? C’est une sorte d’exclusion avec mépris ; le péché n’a plus de pouvoir, il est ruiné, disgracié. Comment encore ? Il avait droit à réclamer notre châtiment, et il ne l’a pas obtenu ; en cela, il est exclu avec violence. Lui qui attendait l’heure de nous évincer tous et de nous détruire, a été lui-même supprimé et anéanti. – Jésus est apparu par son sacrifice, c’est-à-dire, il s’est montré lui-même, il s’est approché de Dieu. Quant aux prêtres des juifs, n’allez pas croire qu’en répétant souvent leur immolation dans une même année, ils le fissent au hasard, et non pas à cause de l’impuissance de leurs sacrifices. Si ce n’était par impuissance, pour quel autre motif agir ainsi ? Quand une plaie est guérie, il n’est plus besoin d’appliquer les médicaments. C’est pourquoi, dit saint Paul, Dieu a ordonné qu’on ne cessât d’offrir par impuissance même de guérir, pour rappeler sans cesse aux juifs la mémoire de leurs péchés.
Mais quoi ? Est-ce que nous n’offrons pas aussi tous les jours ? Sans doute, nous offrons ainsi ; mais nous ne faisons que rappeler la mémoire de la mort de Jésus-Christ, car il n’y a qu’une hostie et non pas plusieurs. Pourquoi une seulement et non pas plusieurs ? Parce qu’elle n’a été offerte qu’une seule fois, comme il n’y avait qu’un seul sacrifice offert dans le Saint des Saints : or ce sacrifice était la figure du nôtre, de celui que nous continuons d’offrir. Car nous offrons toujours le même, et non pas aujourd’hui un agneau, demain un autre ; non, mais toujours le même. Pour cette raison, notre sacrifice est unique. En effet, de ce qu’on l’offre en plusieurs endroits, s’ensuit-il qu’il y ait plusieurs Jésus-Christ ? Non, certes, mais un seul et même Jésus-Christ partout, qui est tout entier ici, et tout entier là, un seul et même corps. Comme donc, bien qu’offert en plusieurs lieux, il est un seul corps et non pas plusieurs corps, ainsi n’avons-nous non plus qu’un seul sacrifice. C’est notre Pontife qui a offert cette victime, qui nous purifie. Et nous offrons maintenant aussi celle qui fut alors présentée et qui ne peut s’épuiser jamais. Et nous le faisons maintenant en souvenir de ce qui se fit alors : « Faites ceci en mémoire de moi », dit-il. Ce n’est pas à chaque fois une immolation différente, comme le grand prêtre d’alors, c’est la même que nous faisons ; ou plutôt d’un seul sacrifice nous faisons perpétuellement mémoire.
4. Mais, puisque j’ai rappelé ce grand sacrifice, il faut que je vous en parle un peu, à vous qui êtes initiés aux mystères ; je dis un peu, parce que je serai court ; je devrais dire grandement, à cause de l’importance et de l’utilité de ce sujet, car ce n’est pas moi qui parle, mais le Saint-Esprit. Que dirai-je donc ?. Plusieurs, en toute une année, ne participent qu’une fois à ce sacrifice ; d’autres, deux fois ; d’autres, souvent. Je m’adresse donc à tous les chrétiens, non seulement à ceux qui sont ici, mais encore à ceux qui demeurent dans le désert ; car les solitaires n’y prennent part qu’une fois l’an, souvent même à peine une fois en deux ans. Mais, après tout, qui sont ceux que nous approuverons le plus de ceux qui communient une fois, de ceux qui communient souvent, ou de ceux qui communient rarement ? Pas plus les uns que les autres ; mais ceux-là seuls qui s’y présentent avec une conscience pure, avec la pureté du cœur, avec une vie à l’abri de tout reproche. Présentez-vous ces garanties ? venez toujours ! Ne les offrez-vous point ? ne venez pas même une fois. Pourquoi ? parce que vous y recevriez votre jugement, votre condamnation, votre supplice. N’en soyez pas étonnés : car ainsi qu’un aliment nourrissant de sa nature, ruais qui tombe dans un corps rempli déjà d’autres aliments mauvais ou d’humeurs malignes, achève de tout perdre et de tout gâter, et occasionne une maladie ; ainsi agissent nos augustes mystères.
Quoi ! vous jouissez d’une table spirituelle, d’une table royale, et de nouveau votre bouche se souille de fange ? Vous parfumez vos lèvres pour les remplir bientôt d’ordure ? Dites-moi, lorsqu’au terme d’une longue année vous participez à la communion, pensez-vous que quarante jours vous suffisent pour purifier les péchés de toute cette période ? Et même encore, à peine une semaine se sera-t-elle écoulée après votre communion, que vous vous livrerez à vos anciens excès ! Or, si après quarante jours à peine de convalescence d’une longue maladie, vous vous permettiez sans mesure tous les aliments qui engendrent les maladies, ne perdriez-vous pas votre peine et vos efforts passés ? Car si les forces naturelles subissent elles-mêmes des altérations, combien plus celles de nos résolutions et de notre libre arbitre ! Par exemple, la vue est une faculté naturelle ; nous avons naturellement les yeux sains, mais souvent une indisposition blesse chez nous ce précieux organe. Si donc ces facultés physiques peuvent