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HOMÉLIE XXII.


C’EST PAR LA FOI QUE NOUS SAVONS QUE LES SIÈCLES ONT ÉTÉ CRÉÉS PAR LA PAROLE DE DIEU, ET QUE TOUT CE QUI ÉTAIT INVISIBLE A ÉTÉ FAIT VISIBLE. (XI, 3, JUSQU’À 7)

Analyse.

  • 1 et 2. L’orateur résume les généralités sur la foi, et la fin de l’instruction précédente. – Il montre que la foi, qui parait un système en l’air, est la base même de la philosophie. – Celle-ci, en définissant Dieu, est obligée de faire un acte de foi. – Après le monde en général, l’apôtre aborde en particulier l’homme, et surtout les grands hommes. – Magnifique exemple d’Abel, au sujet duquel l’orateur donne des détails qu’on ne trouve pas dans la Genèse. – La foi d’Enoch, que la mort d’Abel aurait dû décourager. – Enoch est d’autant plus méritant qu’à son époque on ignorait la résurrection à venir ? Où est Enoch ? Où est Die ? Questions purement curieuses que l’Esprit-Saint n’a pas résolues. – Ce qu’il nous apprend suffit à notre instruction et à notre édification.
  • 3. Il faut chercher Dieu avec la même âpreté qu’on met à chercher l’or. – L’obstacle étant la hauteur de Dieu, élevons nos âmes comme le mineur élève les yeux du fond de la carrière ou de la fosse. – Allusion à la prière Manibus extensis. – Volons par-dessus les obstacles, comme l’oiseau au-dessus des abîmes. – A cette hauteur, le démon ne peut nous atteindre : ses traits retombent sur lui. – Mais le moyen de repousser ses traits, c’est surtout la douceur. – La colère est mauvaise et puérile.


1. Le caractère de la foi est d’exiger une virilité d’âme, une jeunesse de cœur, une force qui nous élève au-dessus des choses sensibles, et qui laisse loin derrière elle la faiblesse des raisonnements humains. Il est impossible d’être vraiment fidèle, qu’a une condition : c’est qu’on se place au-dessus de tonte habitude vulgaire. Or, précisément, les Hébreux avaient laissé faiblir leurs âmes ; après avoir débuté par la foi, ils avaient subi l’influence des événements ; les troubles de cœur et les afflictions du dehors les avaient rendus pusillanimes ; leur déchéance allait croissant. C’est pour les relever et leur rendre le courage, que l’apôtre a fait d’abord appel à leur première vertu, en disant : « Souvenez-vous de vos premiers jours ». Puis, invoquant l’Écriture sainte, il leur a dit avec elle : « Le juste vivra de la foi ». (Hab. 2,4) Enfin, employant aussi le raisonnement, il a défini la foi, « la substance des choses que nous devons espérer, et la conviction de celles que nous ne voyons pas encore ».
À présent, il rappelle le témoignage et l’exemple de leurs ancêtres, de ces hommes si grands et si admirables, et leur dit équivalemment : Si pouvant jouir à discrétion des biens de la terre, ils ont cependant fait leur salut par la foi, combien plus cette voie doit-elle être la nôtre ! Notre âme est ainsi faite que quand elle trouve un compagnon de souffrances, elle se calme et respire. Si la communauté d’afflictions console, la communauté de foi a le même avantage : « On se console mutuellement par la communauté de la même foi ». Car notre nature humaine est infidèle, défiante à l’excès ; elle ne peut se confier en elle-même, elle craint pour les biens qu’elle croit posséder, elle a grand souci de l’opinion. Que fait donc saint Paul ? Il les relève et les exhorte d’après les exemples de leurs ancêtres, remontant même aux faits précédents et qui sont connus du genre humain. Comme on reprochait à la foi d’être un vain système que l’on ne peut ni prouver ni démontrer, et qui semble même une duperie, l’apôtre fait voir que les plus grandes vérités et les plus grandes vertus sont dues à la foi et non au raisonnement.
Et comment le prouve-t-il, direz-vous ? « C’est par la foi », avance-t-il, « que nous savons que le monde a été fait par la parole de Dieu, de sorte que de l’invisible a jailli le visible ». Il est évident, dit l’apôtre, que de ce qui n’était pas, Dieu a fait ce qui est ; de ce qui ne se peut voir, il a fait ce qu’on voit ; de ce qui n’a ni corps ni consistance, il a fait les corps et les êtres consistants. Et comment est-il évident que la parole divine a tout fait ? Car la raison ne suggère point cette vérité ; elle enseignerait plutôt le contraire, savoir que ce qui ne parait point vient de ce qui parait. Ainsi, les philosophes disent que de rien, rien ne se fait, parce que le philosophe, homme animal, n’accorde rien à la foi. Et cependant quand la sagesse humaine proclame une maxime noble et grande, quand, par exemple, elle avance que Dieu n’a point de principe qui le crée ni qui lui donne naissance, aussitôt elle est prise en flagrant délit d’emprunt à la foi : car la raison ne révèle point ce fait, mais plutôt tout l’opposé. Or voyez un peu l’immense folie de ces soi-disant sages. Ils disent que Dieu est incréé, sans principe, ce qui est bien autrement étonnant que d’être tiré du néant : car avancer de Lui qu’il est ainsi sans principe, ainsi incréé, qu’il ne doit sa naissance ni à lui-même, ni à aucun autre, voilà une proposition bien autrement inexplicable que celle qui dit : Dieu a fait de rien tout ce qui est. Il y a en ceci beaucoup de choses que la raison admet sans peine, par exemple, que Dieu a fait quelque chose, que les êtres faits ont eu un commencement, qu’ils ont été vraiment et absolument faits et créés. Mais l’autre vérité proclame Dieu existant par lui-même, spontanément, sans recevoir la naissance, sans avoir eu de commencement, sans être soumis au temps : cette affirmation, dites-moi, n’a-t-elle pas besoin de foi pour qu’on l’admette ? Cependant l’apôtre n’a pas proposé cette première vérité bien autrement sublime, et il n’a