Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/554

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pénible ; combien plus, quand il s’agit de Dieu, devons-nous avoir de pareils sentiments, et le poursuivre comme notre bien indispensable, je devrais dire même comme incomparable à tout autre bien ? Mais nous sommes si misérables, que le me borne à dire : Cherchons Dieu, comme nous ferions pour l’argent, pour un enfant égaré. Encore une fois, pour cette tête si chère, un voyage vous effraie-t-il, ou n’auriez-vous jamais voyagé pour un motif pécuniaire ? Ne sondez-vous pas tous les recoins ? Et cet enfant une fois rendu à votre amour, n’ôtes-vous pas au comble de la joie ?
« Cherchez », est-il dit, « et vous trouverez ». Ce qu’on cherche, surtout quand il s’agit de Dieu, exige un inquiet empressement. Bien des obstacles, en effet, nous arrêtent ; bien des ombres nous offusquent, bien des luttes contrarient nos désirs. Par lui-même, le soleil éclate, il s’offre à tout regard, on n’a pas besoin de le chercher. Mais supposons qu’on veuille s’enterrer et qu’on soulève des flots de poussière, il faudra dès lors de vrais et de pénibles efforts pour voir le soleil. Ainsi en sera-t-il, si nous nous plongeons dans les bas-fonds des passions mauvaises, dans les ténèbres qui peuvent troubler le cœur, ou dans les inutiles soucis des affaires temporelles : alors à grand-peine regarderons-nous en haut, à grand peine nous élèverons-nous. Toutefois, l’homme qui se trouve au fond d’une fosse, aperçoit le soleil de plus en plus, à mesure que lui-même élève davantage son regard. Secouons donc, nous aussi, la poussière ; perçons les brouillards qui pèsent sur nos têtes lis sont si épais et si compacts, qu’ils ne permettent pas à nos yeux de regarder en haut. – Mais, dira-t-on, comment percer ces impénétrables nuages ? – En appelant et attirant vers nous les rayons du soleil, de ce soleil de justice qui éclaire les intelligences ; en élevant nos mains vers le ciel, car « l’élévation de mes mains », dit le Prophète, « est mon sacrifice du soir » (Ps. 140,2), et surtout en élevant à la fois et nos bras et nos cœurs. Vous me comprenez, vous qui êtes initiés aux saints mystères. Peut-être reconnaissez-vous ce que je désigne, vous voyez dans vos pensées ce que je fais entendre à demi-mot. Élevons en haut nos pensées. Je connais, moi, des hommes presque suspendus au-dessus de cette pauvre terre, et qui regrettent de ne pouvoir prendre leur vol vers les cieux, tant ils prient avec un cœur ardent et sublime. Je voudrais que cette image, cette prière, fut la vôtre, à tous et toujours ; sinon toujours, du moins souvent ; sinon souvent, du moins quelquefois, du moins le matin, du moins chaque soir. Au reste, si vous ne pouvez ainsi garder vos bras étendus et élevés, du moins qu’ainsi s’élève et s’étende la libre ardeur de votre âme. Étendez-la, oui, jusqu’au ciel ; si vous voulez en toucher les sommets, et même arriver plus haut, vous le pouvez.
Car notre âme est plus légère, et notre pensée est plus prompte et plus rapide que l’oiseau du ciel, par sa nature. Que si, par surcroît, elle reçoit la grâce que donne l’Esprit divin, Dieu ! qu’elle devient vive, agile, capable de tout gravir, incapable de se porter en bas, et surtout de tomber par terre ! Procurons-nous ces ailes merveilleuses ; grâce à elles, nous pourrons franchir l’océan tumultueux de ce monde. Les oiseaux les plus agiles passent au vol et sans se blesser, les monts et les précipices, les mers et les écueils. Telle est aussi notre âme ; une fois qu’elle est pourvue de ses ailes, une fois qu’elle plane au-dessus des misères de la vie, rien désormais ne peut la captiver ; elle est plus élevée que tout au monde, et même que les traits enflammés du démon.
Non, le démon ne peut lancer ses traits ni si juste ni si haut, qu’il puisse arriver jusqu’à elle ; il prodigue ses flèches, il est vrai, car il est impudent ; mais il n’atteint pas le but, mais son dard retombe inutile, et non seulement inutile, mais redoutable pour sa tête, sur laquelle il revient. Une fois lancée, une flèche doit toujours frapper. Le projectile qui part d’une main d’homme, frappe toujours, ou son adversaire qu’il a visé, ou un oiseau, un mur, un vêtement, une planche ; ou du moins il fend l’air : tel est aussi un trait du démon ; il faut nécessairement qu’il frappe. S’il ne blesse pas la personne qui sert de point de mire, il déchire la main qui l’a, envoyé. Plus d’un exemple nous prouverait que, quand nous n’avons pas souffert de ses coups, c’est lui qui les reçoit tout entiers. Ainsi, pour ne citer que ces deux faits : Il a tenté Job. ne l’a pas atteint, et a reçu le coup ; il a assailli Paul, ne la pas blessé, et s’est blessé lui-même. Et si nous sommes sages et vigilants, nous verrons ainsi que de pareils faits arrivent partout : dès qu’il frappe, il se blesse lui-même. Mais surtout lorsque nous saurons nous armer contre, lui de l’épée et du bouclier de la foi, nous serons en pleine sûreté contre ses assauts, et sans péril d’être vaincus.
Tout mauvais désir est un trait du démon. Plus qu’aucun autre, du reste, la colère est un feu, une flamme qui saisit, mord et embrase. Éteignons-le par la douceur et la patience. Comme un fer rouge plongé dans l’eau perd son feu, ainsi la colère tombant sur une âme douce et patiente, loin de la blesser, lui fait du bien, puisqu’elle en devient plus forte. Point de vertu comparable à la douceur et à la patience. Celui qui en est armé, ne sent plus l’outrage ; et comme le diamant que rien ne peut entamer, ainsi devient une âme de cette trempe ; elle est au-dessus de tous les traits ; car l’homme doux et patient est élevé, si élevé même qu’aucun dard ne peut arriver à sa hauteur.
Un homme s’emporte, riez, vous, non pas en face de lui, de peur de l’irriter davantage, mais riez dans votre âme en vous-même et pour vous. En effet, qu’un enfant nous frappe dans sa petite colère en croyant se venger ainsi, nous rions. Si donc vous riez d’un outrage, vous mettrez entre vous et le furieux la même distance qui sépare un homme d’un enfant. Que si vous vous emportez, vous devenez enfant au contraire ; car quiconque s’irrite a moins de sens que ces pauvres petits. Dites-moi, quand l’un d’entre eux s’emporte, n’en rit-on pas, encore une fois ? L’homme irrité prête ainsi le flanc. Et s’il est pusillanime, il est insensé,