Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/555

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

puisque, selon le Sage, « quiconque est pusillanime manque complètement de sens ». (Prov. 14,29) Et qui manque ainsi de raison, n’est qu’un enfant. Au contraire, ajoute Salomon, « celui qui est patient est aussi très-prudent ». Et c’est pourquoi, mes frères, tendons à cette grande patience, qui procure à l’homme vertueux cette grande prudence, laquelle nous fera gagner les biens promis en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Qu’avec lui soient au Père, en union avec l’Esprit-Saint, gloire, empire, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE XXIII.


C’EST PAR LA FOI QUE NOÉ, DIVINEMENT AVERTI, ET APPRÉHENDANT CE QU’ON NE VOYAIT PAS ENCORE, BÂTIT L’ARCHE POUR SAUVER SA FAMILLE, ET EN LA BÂTISSANT CONDAMNA LE MONDE, ET DEVINT HÉRITIER DE LA JUSTICE QUI NAÎT DE LA FOI. (CHAP. 11,7-12)

Analyse.

  • 1 et 2. Exemple de Noé, et de sa foi à la prédiction qui lui annonçait le déluge, tandis qu’un monde railleur et indifférent se moquait de le voir construire l’arche. – Exemple d’Abraham, et de sa foi à la parole de Dieu, qui lui montrait la terre promise à lui et à sa postérité. – Il crut ainsi que Isaac et. Mien qu’ils n’aient pas vu l’accomplissement de la promesse. – En effet, si Dieu a donné aux saints patriarches quelque bien-être terrestre, cette récompense était loin d’acquitter ses promesses divines. – Aussi les saints, dédaignant les biens de la terre, saluaient par avance la cité à venir, comme le navigateur salue le port désiré. – La foi de Sara, son rire désavoué, sa fécondité miraculeuse.
  • 3 et 4. Longue et magnifique supplication où le saint orateur, le père de tant de fidèles, développe sans art et avec un pathétique sublime les motifs les plus touchants de conversion. – Jamais prédicateur n’a poussé des cris plus douloureux ni plus éloquents : mais toute analyse ou résumé est impossible.


1. « C’est par la foi que Noé, divinement averti… » L’apôtre rappelle ici le fait dont le Fils de Dieu parle ainsi, à propos de son second avènement « Au temps de Noé, les hommes épousaient des femmes, et les femmes épousaient des maris ». (Lc. 17,27) Voilà du reste un exemple que saint Paul choisit à dessein. Celui d’Enoch rappelait seulement un acte de foi, mais l’histoire de Noé montre à côté d’elle un fait d’incrédulité. La plus sûre manière de consoler et d’exciter celui qui vous écoute, c’est de lui montrer les vrais fidèles en possession du bonheur, et l’incrédule frappé d’un sort contraire. Mais pourquoi dit-il littéralement : « Noé, par la foi, ayant reçu une réponse ? » Comprenez « prédiction » ; car réponse et prophétie sont synonymes dans l’Écriture. Elle dit ailleurs : « Siméon avait reçu une réponse de l’Esprit-Saint » (Lc. 2,26) ; et Paul demande dans le même sens : « Que dit la réponse divine ? » (Rom. 11,4) Voyez, en passant, que le Saint-Esprit est Dieu : Dieu répond, mais l’Esprit Saint aussi et comme lui. Et pourquoi saint Paul a-t-il choisi ce mot pour Noé ? Afin de montrer dans cette « réponse » une prophétie. – Ayant reçu réponse de ce qu’on ne voyait pas encore », c’est-à-dire, au sujet du déluge ; par crainte et par précaution, « il construisit l’arche ». La raisonne lui suggérait point cette action. « Car les hommes épousaient des femmes, et les femmes des maris » ; le ciel était serein, rien n’annonçait l’événement, et cependant Noé craignit ; car, dit l’apôtre : « C’est par la foi que Noé, divinement averti et appréhendant ce qu’on ne voyait point encore, bâtit l’arche pour sauver sa famille ».
Que veulent dire les mots suivants : « Et en la bâtissant, il condamna le monde ? » – Qu’il le montra digne du supplice, puisque la vue de cette construction ne put porter les hommes ni à s’amender, ni même à se repentir, « et il devint héritier de la justice qui naît de la foi », comprenez : Parce qu’il crut à Dieu, il se montra, juste et saint. Car cela est comme naturel à un cœur quai aime Dieu franchement et qui regarde par là même ses paroles comme tout ce qu’il y a de plus croyable au monde ; l’incrédulité fait tout le contraire. Il est évident que la foi opère la justice. Or, comme nous avons, nous, la prophétie de l’enfer, ainsi Noé avait-il aussi sa prophétie. Mais on se moquait de lui, alors ; on l’accablait de mépris et de railleries ; mais il n’y prêtait aucune attention.
« C’est par la foi que celui qui reçut plus tard le nom d’Abraham, obéit, en s’en allant dans la terre qu’il devait recevoir en héritage ; c’est par la foi qu’il partit sans savoir même ou il allait ; c’est par la foi qu’il demeura dans la terre qui lui avait été promise, comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentés avec Isaac et qui devaient être avec lui héritiers de cette promesse (8, et 9) ». Quel modèle, dites-moi, Abraham put-il voir et, imiter ? Né d’un père idolâtre et gentil, n’ayant point entendu dé prophètes, il ne savait même où il allait. Volontiers les Hébreux devenus chrétiens avaient les yeux fixés sur ces patriarches, supposant qu’ils avaient, été comblés des biens de ce monde. Saint Paul montre qu’aucun d’eux n’a reçu la moindre chose, que tous furent absolument privés de ce genre de salaire ; que pas un ne trouva ici-bas sa récompense. Abraham, lui, sortit même de sa patrie et