Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/567

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HOMÉLIE XXVI.


C’EST PAR LA FOI QU’ISAAC DONNA A JACOB ET A ÉSAÜ UNE BÉNÉDICTION QUI REGARDAIT L’AVENIR. C’EST PAR LA FOI QUE JACOB BÉNIT LES ENFANTS DE JOSEPH, ETC. (CHAP. 11,20-28)

Analyse.

  • 1. Exemple de. qui, comme juste, a connu l’avenir chrétien, ou du moins la future histoire de ses arrière-neveux. – La tristesse fut le lot de Jacob ; la mélancolie fait le fond du chrétien.
  • 2. La foi de Joseph, entre autres choses, lui inspire de recommander qu’on emporte ses os dans la terre promise. – Faut-il s’occuper d’avance de sa sépulture ? Réponse sublime à celte question.
  • 3. La foi des parents de Moïse brave les édits d’un roi cruel. – Exemples plus communs qui mettent la vertu à notre portée. – Exemple de Moïse affrontant spontanément le mépris pour le salut de ses frères ; idée sublime réalisée par Jésus-Christ.
  • 4 et 5. L’humilité élève au-dessus d’un roi vainqueur les captifs de Babylone. – L’humilité élève jusqu’au rang divin le prophète Daniel. – Digression bizarre. – L’orateur se pose une question et dit qu’il ne la résoudra pas. – Puis il en donne une solution. – Nous croyons que les sténographes auxquels nous devons ces homélies ont été peu fidèles quelquefois, surtout ici.


1. « Bien des justes et des prophètes », disait Notre-Seigneur, « ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu ; entendre ce que vous entendez et ne l’ont point entendu ». (Mt. 13,17) Les justes ont-ils donc connu toutes les choses à venir ? Certainement. Car si – le Fils de Dieu ne se révélait pas encore à cause de la faiblesse des hommes qui ne pouvaient le recevoir encore, il devait se révéler du moins à ceux qui le méritaient par leur vertu. Saint Paul nous affirme lui-même en ce passage que ces justes savaient l’avenir, c’est-à-dire la résurrection de Jésus-Christ. C’est le sens de sa parole ici : en effet, si ce n’est pas ainsi que l’on veut entendre l’avenir dont il est ici question, il faut alors l’interpréter dans le sens d’un avenir terrestre. Mais alors comment un exilé pouvait-il s’arrêter à des bénédictions purement temporelles ? Autre objection : Si c’est une bénédiction temporelle que Jacob a reçue, pourquoi n’en a-t-il pas obtenu l’effet ? Vous savez en effet que l’on peut dire au sujet de ce que j’ai dit d’Abraham : à savoir qu’il ne recueillit point les fruits de la bénédiction, mais qu’ils passèrent à sa postérité. Pour lui-même, il ne jouit de l’avenir que par la foi et qu’en espérance. Son frère Esaü posséda bien plus que lui les fruits temporels de la bénédiction de son père. Car lui, passa tour à tour à travers toutes les épreuves : servitude et vie mercenaire, périls et embûches, déceptions et terreurs, c’est l’histoire de toute sa vie, qui lui permit de dire en répondant aux questions de Pharaon : « Mes jours ont été courts et mauvais ». (Gen. 47,9) Et cependant Esaü vivait en pleine sécurité, il possédait une grande puissance, jusqu’à faire trembler Jacob. Où donc celui-ci moissonna-t-il enfin les bénédictions, sinon dans l’avenir véritable et céleste ?
Vous voyez que de tout temps les méchants ont été en possession des biens présents, et que les justes ont eu un sort tout contraire. Les heureux, parmi ceux-ci, ne sont que de rares exceptions. Ainsi Abraham était juste, et il fut cependant largement partagé du côté des biens terrestres, mais non sans un mélange d’afflictions et d’épreuves. Il avait des richesses à la vérité, mais tout le reste pour lui n’était que tribulations. Et de fait, un juste, si riche qu’il soit, ne peut jamais manquer de chagrin. S’attendant à subir les pertes temporelles, à souffrir l’injustice, à subir bien d’autres ennuis, il vit nécessairement et toujours dans l’affliction ; et lors même qu’il jouit de sa fortune, il n’en jouit pas saris une vertu laborieuse. Pourquoi ? C’est qu’il a toujours une mélancolie, une tristesse intime. Si donc les justes alors vivaient déjà dans la tristesse, combien plus ceux d’aujourd’hui !
« C’est par la foi qu’Isaac donna à Jacob et à Esaü une bénédiction qui regardait l’avenir (20) ». Esaü était l’aîné, et le père préféra comme plus vertueux. Voyez-vous encore l’effet de la foi ? D’où venait, à ce père, la confiance de promettre tant de biens à ses fils, sinon parce que lui-même croyait fermement en Dieu ? « C’est par la foi que Jacob mourant, bénit chacun des enfants de Joseph ». Il faudrait ici rapporter d’un bout à l’autre ces bénédictions, pour montrer clairement et la foi de Jacob et son esprit prophétique. – « Et il s’inclina profondément devant son bâton de commandement (21) ». L’apôtre nous révèle que Jacob avait une telle foi à l’avenir, qu’il témoignait cette foi non seulement par des paroles, mais par un acte symbolique. Comme une seconde royauté, celle d’Israël devait trouver un jour son chef dans la tribu d’Ephraïm ; pour cette raison Jacob adora le sceptre de commandement, de son fils. Comprenez que, malgré sa vieillesse, il s’humiliait devant Joseph, symbolisant d’avance le peuple entier qui devait un jour se prosterner devant lui. Ce fait s’était déjà réalisé, quand il fut adoré par ses frères ; il devait se réaliser plus tard encore par l’histoire des dix tribus. Voyez-vous comme il prédisait un lointain avenir ? Voyez-vous quelle était la foi des patriarches, et comment ils croyaient à l’avenir ?
Vous trouvez dans l’Écriture tantôt des exemples