Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/583

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les prévenances, la sagesse. Croyez-moi bien, femmes chrétiennes, lors même que votre mari montrerait les penchants les plus malheureux et les plus abjects, voici les moyens qui le regagneront : douceur, bonté, modestie, sagesse, mépris d’un vain luxe et d’une dépense exagérée, humilité et soumission. En vain imagineriez-vous mille inventions de toilette, vous ne maintiendrez pas un mari impudique et débauché. Elles le savent, celles qui sont partagées d’époux semblables. En vain voudrez-vous employer la parure ; s’il est incontinent, il est vite adultère et s’il est sage et pudique, ce n’est pas votre toilette qui le captive ; c’est au contraire votre modestie. Votre luxe même l’ennuie et l’inquiète, parce qu’il lui donne l’idée que vous êtes esclave de ces vaines parures et d’un monde insensé. J’accorde qu’un mari, doux et modéré, vous respectera et ne vous exprimera point cette pensée ; mais dans son cœur il vous condamne, mais il n’est pas maître d’étouffer un sentiment de jalousie. De jalousie ! ô femme, de jalousie contre vous, et parce que vous l’éveillez vous-même. N’est-ce pas assez pour vous faire repousser à l’avenir tout vain plaisir de luxe ?
7. Peut-être ne m’entendez-vous ici qu’avec chagrin ; peut-être la colère vous fait dire : Voilà qu’il irrite les maris contre leurs femmes ! Non, je ne veux pas irriter les maris ; mais je désire, épouses chrétiennes, que vous-mêmes de bon cœur, vous fassiez ce sacrifice, non pour eux, mais pour vous ; non pour les délivrer de préoccupations jalouses, mais pour vous délivrer vous-mêmes de ces fantômes de la vie mondaine. Vous voulez être belle ; je demande aussi pour vous la beauté, oui, la beauté que Dieu cherche, la beauté qui charme le souverain Roi. Quel ami voulez-vous, Dieu ou les hommes ? Si vous êtes ainsi vraiment belle, Dieu sera épris de vos attraits ; si vous avez l’autre beauté sans celle-ci, il vous prendra en horreur, et vous ne serez aimée que par des hommes criminels. Car il ne peut être honnête, celui qui aime une femme enchaînée par le mariage : et c’est le triste effet d’une parure tout extérieure. Autant l’une, celle de votre âme, veux-je dire, gagne le cœur de Dieu, autant l’autre éprend des hommes criminels.
Voyez-vous que votre seul intérêt m’inspire, que je suis dévoué à votre bien, à votre véritable beauté ? Ah oui ! vous serez vraiment, d’après moi, et belles et glorieuses ; car la vraie gloire d’une noble femme, c’est que vous ayez pour vous aimer, non pas les hommes du crime, mais Dieu, mais le Seigneur du monde entier. Ayant si haut votre ami principal, à qui ressemblerez-vous ? aux anges mêmes dont vous conduirez les chœurs. Car si la personne aimée du roi est, plus qu’aucune autre, proclamée bienheureuse, quelle sera la dignité de celle que Dieu même aimera d’un amour tendre ? Nommez, si vous le voulez, nommez et comparez l’univers avec cette beauté : l’univers n’en sera jamais digne !
Cultivons donc cette beauté ; ornons-nous de cette parure, pour arriver au ciel, aux banquets de l’Esprit, jusqu’au lit nuptial de cet époux sur lequel aucune mort n’a plus d’empire. La beauté charnelle est attaquée par toute sorte d’ennemis ; gardât-elle son éclat ; fût-elle, par impossible, à l’abri de la maladie et des chagrins, elle ne dure pas vingt ans. Sa céleste rivale, au contraire, garde toujours et sa force et sa fleur. Ici, point de tristes changements à redouter : la vieillesse ne se hâte point de lui apporter les rides ; la mort ne tombe pas sur elle pour la flétrir ; les amertumes de l’âme ne peuvent la corrompre : elle triomphe de tous ses ennemis. La beauté du corps s’est évanouie avant même de paraître ; et pendant qu’elle parait, elle a peu d’admirateurs. Ne la cultivons pas, mais plutôt aimons et embrassons celle qui doit un jour mettre en nos mains les lampes allumées, et nous conduire jusqu’en la chambre de l’Époux. Ce bonheur est promis, non pas à la virginité proprement dite seulement, mais aux âmes virginales surtout ; car si les vierges seules y avaient droit, cinq sur dix n’en auraient pas été exclues. C’est donc la récompense de tous ceux qui ont l’âme virginale, de tous ceux qui savent s’affranchir des pensées du siècle, puisque ces idées sont les corruptrices des âmes.
Oui, si nous savons conserver l’intégrité et la pureté de nos cœurs, nous irons là-haut, et là-haut on nous recevra. « Je vous ai fiancés, disait saint Paul, comme on ferait d’une seule vierge à un seul mari, comme une chaste épouse pour Jésus ». (2Cor. 11,2) Ces paroles s’adressaient non pas aux vierges seulement, mais à toute l’Église, à tous ses fidèles enfants. Gardez-vous une âme sans tâche ? vous êtes vierge, bien que vous ayez un époux ; oui, vous l’êtes, et de cette virginité que je proclame vraie et admirable. La virginité du corps n’est que la compagne, que l’ombre de cette virginité seule véritable.
Cultivons-la, et par elle nous pourrons joyeusement partir au-devant de l’Époux, et entrer avec nos lampes brillantes de lumière, pourvu que l’huile n’y manque pas, pourvu que faisant fondre et sacrifiant tout vain ornement d’or, nous sachions les convertir en cette huile précieuse qui nourrit la flamme d’une lampe étincelante. Cette huile, c’est la charité envers le prochain. Si nous savons faire part aux autres de tous nos biens, si nous en faisons de l’huile ainsi, nous trouverons alors protection et défense ; nous n’aurons pas à crier au grand jour : « Donnez – nous de votre huile, parce que nos lampes s’éteignent ». (Mt. 25,8) Nous n’aurons pas à faire appel aux autres, à courir chez ceux qui en vendent, à nous voir exclus, à frapper à la porte, à entendre cette parole qui donne la terreur et le frisson : « Je ne vous connais pas ! » car il nous reconnaîtra ; car nous entrerons avec cet Époux, et après avoir pénétré jusque dans la chambre nuptiale de notre Époux spirituel, nous jouirons de biens ineffables.
En effet, si l’appartement de l’Époux, ici-bas, est si magnifique ; si les salles de ses banquets sont tellement splendides, que la vue n’en fatigue jamais, combien plus au ciel ! Le ciel, oui, est un lit nuptial ; mais le lit nuptial de l’Époux est plus beau que le ciel. Et c’est là que nous entrerons ! Et si le lit nuptial de l’Époux