Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/588

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  • 2 et 3. L’apostolat est un devoir qui incombe à tous les chrétiens. – On peut (exercer dans la famille, dans le voisinage. – C’est un talent précieux qu’il n’est pas permis d’enfouir. – La correction fraternelle est toujours praticable. – Elle ne requiert point l’éloquence, mais seulement la prudence et la charité, dont elle est la plus belle manifestation.


1. Tous ceux qui boivent une potion amère, n’en ressentent d’abord que l’impression désagréable, et n’en éprouvent que plus tard le bienfait. La vertu et le vice vous font expérimenter aussi cette alternative. L’un vous apporte le plaisir suivi de l’amertume ; l’autre vous étreint d’abord le cœur, et bientôt vous comble de joie. Ce n’est pas que je trouve cette comparaison bien juste. Autre chose est, en effet, dé passer d’abord par la peine pour arriver au plaisir, ou bien, au contraire, de traverser le plaisir pour finir par la peine. Où est la différence ? C’est que, dans un cas, l’attente d’un chagrin qui viendra trop sûrement, diminue le bonheur ; tandis que dans l’autre cas, l’expectative d’une allégresse certaine, enlève beaucoup à la tristesse première de votre âme ; à tel point que souvent, au cas du vice, la joie n’arrive jamais ; tandis qu’au cas de la vertu, la tristesse jamais ne survient. Cette raison de différence n’est point la seule, il en est une autre encore, et bien grande. Comment ? C’est que les durées ne sont point égales dans les deux cas, mais qu’en faveur de la vertu, elles sont bien plus larges et bien plus longues. Oui, les choses spirituelles ont ici un avantage évident.
Saint Paul exploite cette considération pour consoler ses chers disciples. Il fait appel ici au sens commun, auquel personne ne peut résister, à la croyance générale que nul ne peut combattre, puisque dès qu’on énonce un fait universellement avoué, tout le monde s’y range, personne, ne le contredit. Vous êtes affligés, leur dit-il ; la raison explique ce fait ; l’épreuve doit avoir cet effet ; elle doit produire ce premier résultat. Et c’est dans ce sens que l’apôtre déclare que « toute éducation sévère paraît, pour l’heure présente, un sujet de tristesse et non pas de joie ». – « Paraît », c’est l’expression justement choisie par l’apôtre ; en effet, l’épreuve n’est pas un sujet de chagrin, seulement elle parait l’être. Et « toute » épreuve en est là ; ce n’est pas l’une qui aurait cette apparence, et l’autre qui ne l’aurait point. Non ! mais toute épreuve, qu’elle soit purement naturelle ou qu’elle soit spirituelle, semble faite pour votre affliction et non pas pour votre bonheur. Vous voyez que saint Paul raisonne d’après l’opinion commune. C’est un semblant de peine : donc ce n’est pas une peine vraie. Quelle peine, en effet, pourrait vous réjouir ? Aucune, pas plus qu’un plaisir véritable ne produira jamais dans un tueur amertume et tristesse : « C’est plus tard, au contraire, que l’épreuve fait recueillir en paix les fruits de la justice, à ceux qui auront été ainsi exercés ». Les fruits, et non pas seulement le fruit, nous dit-il, pour mieux en montrer la multitude et la moisson. Pour ceux, ajoute-t-il, qui auront été exercés par elle. Qu’est-ce à dire, « exercés ? » C’est-à-dire, qui l’auront longtemps subie et supportée avec courage. Comprenez-vous bien la justesse de l’expression ? Ainsi l’épreuve et comme une gymnastique qui fortifie l’athlète, le rend invincible dans les luttes, irrésistible dans les guerres. Si tel est l’effet de toute éducation sévère, tel sera le résultat de celle-ci en particulier. On devra donc en attendre bien des avantages, un heureux terme, une paix profonde. Et ne vous étonnez pas, que toute rude qu’elle est, les fruitsen soient pleins de douceur ; c’est ainsi que dans les arbres, l’écorce est à peu près toujours sans qualité, et pleine de rudesse, lors même que les fruits en sont doux. L’apôtre peut invoquer ici les notions les plus communes. Si donc vous êtes en droit d’espérer une telle récolte, pourquoi gémir ? Après avoir supporté les ennuis, pourquoi vous décourager au sein des avantages les plus assurés ? Oui, les misères qu’il a fallu souffrir, vous les avez subies ; gardez-vous donc d’être ainsi abattus à l’approche de la récompense !
« Relevez donc vos mains languissantes ; redressez vos genoux affaiblis ; conduisez vos pas par des voies droites, de peur que quelqu’un chancelant, ne vienne à s’égarer, mais que plutôt il a soit guéri (12, 13) ».
Il les harangue comme les héros d’une course, d’une lutte, d’une bataille. Voyez-vous comme il se plaît à les armer, à les réveiller ? Marchez droit, leur dit-il ; il parle ici de leurs pensées intimes. Marchez droit, cela veut dire : sans douter jamais de Dieu. Car si l’épreuve vient de son amour, si elle ne commence que dans votre intérêt, si elle s’achève par une fin heureuse, si cette conviction vous est prouvée clairement et par les faits et par les oracles – sacrés, pourquoi seriez-vous découragés ? Laissez cet abaissement du cœur à ceux qui désespèrent, à ceux que ne peut fortifier l’espérance même des biens à venir. Marchez droit et ferme, sans plus chanceler, en retrouvant même votre premier aplomb. Courir en chancelant, c’est chercher l’accident et le mal. Voyez-vous comme il est en notre pouvoir d’être guéris ?
« Tâchez d’avoir la paix avec tout le monde, et « de vivre dans la sainteté sans laquelle nul ne « verra Dieu (14) ». L’avis qu’il donnait précédemment : « N’abandonnez pas notre assemblée, notre «-réunion » (Héb. 10,25) ; il l’insinue ici encore. Car dans les épreuves, rien ne facilite notre défaite, notre déroute, comme de nous éparpiller imprudemment. Vous comprenez le pourquoi : ainsi à la guerre, rompez les rangs, et vos ennemis n’auront besoin d’aucun effort ; ils vous auront bientôt pris et enchaînés, s’ils vous trouvent séparés les uns des autres, et par là même affaiblis. « Tâchez », dit-il donc ; « d’avoir la paix avec tout le monde ». Quoi ? même avec ceux qui se conduisent mal ? Oui, et il le répète ailleurs : S’il est possible, autant qu’il est en vous, ayez la paix avec tous les hommes.
De votre côté donc, dit l’apôtre, entretenez la paix, ne blessant jamais la piété fraternelle, mais acceptant de grand cœur et généreusement tous les mauvais traitements. L’arme la plus puissante dans les tentations, c’est la patience. C’est ainsi