Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/589

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que Jésus-Christ communiquait la force à ses disciples : « Je vous envoie », disait-il, « comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc prudents comme des serpents, et simples comme des colombes ». Eh ! que dites-vous, Seigneur ? Nous sommes au milieu des loups, et vous nous commandez d’être comme des brebis, comme des colombes ? Bien certainement, répond-il ; car le plus star moyen de couvrir de honte celui qui nous fait du mal, c’est de supporter courageusement ses injustes attaques, sans aucune vengeance ou d’action ou de parole. Cette conduite nous rend plus vraiment philosophes et nous gagne une plus grande récompense, en même temps qu’elle édifie nos ennemis. – Mais tel ou tel vous a chargé d’outrages ! – Vous, chargez-le de bienfaits. Voyez combien vous y aurez gagné. Vous aurez éteint et étouffé le mal, gagné pour vous une récompense, couvert de honte votre adversaire, sans éprouver vous-même aucun dommage sérieux.
Tâchez d’avoir avec tout le monde la paix « et la sainteté ». La sainteté, qu’est-ce à dire ? Il désigne ici la continence, l’honneur des mariages. S’il en est qui ne soit pas marié, dit-il, qu’il reste chaste ou qu’il prenne une épouse ; si tel autre est lié par le mariage, qu’il n’aille pas s’oublier, qu’il use de sa femme seulement : car, ici encore est la sainteté. Comment ? Le mariage n’est pas la sainteté elle-même ; mais le mariage conserve la sainteté qu’engendre la fidélité même, laquelle ne permet pas qu’on se profane avec les femmes perdues. « Le mariage est honorable » (Héb. 13,14), et non pas saint absolument. Le mariage est pur, mais il ne communique pas la sainteté, sauf toutefois qu’il empêche de profaner la sanctification qui vient de la foi. « Sainteté sans laquelle nul ne verra Dieu ». C’est ce qu’il dit aux Corinthiens : « Ne vous y trompez pas : ni les fornicateurs, ni les adultères, ni les idolâtres, ni les impudiques, ni les pécheurs contre nature, ni les avares, ni les voleurs, ni les ivrognes, ni les détracteurs, ni les ravisseurs, n’hériteront du royaume de Dieu ». (1Cor. 6,9) Car comment celui qui a fait de son corps la chair d’une prostituée, pourra-t-il être le corps de Jésus-Christ ? (Id. 6,15)
« Prenant garde que quelqu’un ne manque à la grâce de Dieu, et poussant en haut une racine d’amertume, n’empêche la bonne semence, et ne souille l’âme de plusieurs ; qu’il ne se trouve quelque fornicateur ou quelque profane (15, 16) ». Voyez-vous comme partout l’apôtre confie à chacun de nous le salut de tous ? « Exhortez-vous l’un l’autre tous les jours », avait-il déjà dit, « pendant que dure ce temps que l’Écriture appelle aujourd’hui ». (Id. 3,13)
2. Ne jetez donc pas tout le fardeau sur vos maîtres spirituels, ni tous vos devoirs sur vos prélats vous pouvez, vous aussi, selon l’apôtre, vous édifier les uns les autres. C’est ce qu’il disait aux Thessaloniciens : « Édifiez-vous toujours les uns les autres, comme déjà vous le faites » ; et ailleurs : « Consolez-vous mutuellement par les paroles que je vous adresse ». (1Thes. 5,11) Tel est aussi le conseil que nous vous donnons en ce moment. Vous pouvez, mieux que nous-même, vous faire réciproquement un grand bien, si vous le voulez. En effet, c’est entre vous que vous vivez et conversez plus souvent ; mieux que nous, vous connaissez mutuellement vos affaires ; vous n’ignorez pas vos fautes réciproques ; vous avez à un plus haut degré l’un pour l’autre la franchise, l’amitié, la familiarité. Toutes ces circonstances son loin d’être indifférentes dans le rôle d’un maître ; elles sont autant d’entrées larges et d’occasions favorables pour instruire ; et vous pouvez, plus que nous, reprendre ou encourager. Vous n’avez pas, d’ailleurs, cet avantage seulement : je suis seul, moi, et vous êtes plusieurs ; tous et chacun vous pouvez donc être des maîtres spirituels.
C’est pourquoi, je vous en supplie, ne négligez pas d’exploiter cette grâce précieuse. Chacun de vous a une épouse, un ami, un serviteur, un voisin ; qu’il sache lui adresser un reproche, lui ménager un avis. Car n’est-il pas déraisonnable que le plaisir ou le besoin puisse faire organiser des banquets et des festins, et fixer certains jours où l’on devra se réunir et compléter par la mutualité ce qui vous manque individuellement ; soit, par exemple, qu’on ait à rendre les honneurs funèbres, soit qu’on doive prendre un repas, soit qu’il faille porter secours au prochain, tandis qu’au contraire on ne fait aucune démarche semblable pour enseigner la vertu ? Oui, je le répète et je vous en prie : que personne ne néglige ce devoir, à l’accomplissement duquel Dieu attache une grande récompense.
Pour vous en convaincre, apprenez que le Maître spirituel est bien celui qui a reçu les cinq talents de l’Évangile ; mais que le disciple, lui, a reçu un talent aussi. Que le disciple se dise : Je ne suis qu’un disciple, moi ; je ne cours aucun danger ; et qu’ayant reçu de Dieu cette mission générale d’instruire le prochain, il la laisse improductive et l’enfouisse ; qu’il n’avertisse jamais, qu’il n’use jamais du droit de parler librement, ne reprenant point, ne conseillant point lorsqu’il le pourrait, mais cachant son talent dans la terre ; car un cœur qui cache ainsi la grâce de Dieu n’est que terre et cendres viles ; oui, s’il l’enfouit de la sorte ou par paresse, ou par malice, il ne pourra se défendre ni s’excuser devant Dieu en disant : Je n’ai reçu qu’un talent. Tu n’avais qu’un talent, il est vrai ; mais tu devais en rapporter un second, et doubler le premier. Quand bien même tu n’en aurais ainsi gagné qu’un seul, tu étais à couvert de reproche. Au serviteur qui rapporte deux talents gagnés, le Maître ne demande pas pourquoi il n’en offrait ; pas cinq ; au contraire, il le déclara digne du même prix que celui qui en avait gagné cinq autres. Pourquoi ? c’est qu’il fit valoir dans la proportion de ce qu’il avait entre les mains, et ne laissa point son dépôt stérile ; bien qu’ayant moins reçu que le dépositaire des cinq talents, il ne voulut pas, pour cela, être négligent, et profiter de la différence en moins pour se livrer à l’oisiveté. Ainsi ne devais-tu pas non plus regarder le serviteur qui avait reçu deux talents ; ou plutôt, oui, tu devais avoir l’œil sur lui ; et comme il imita