Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/606

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ses yeux ». (Ps. 17,25) – Après avoir si abondamment écrit, il déclare qu’il a dit peu de choses encore, en comparaison de ce qu’il devait dire. C’est une remarque qu’il fait ailleurs : « Comme je vous ai déjà écrit en peu de paroles, où vous pourrez comprendre en les lisant quelle est l’intelligence que j’ai du mystère de Jésus-Christ ». (Eph. 3,3) – Or, voyez sa prudence. Il ne dit pas : Je vous supplie de supporter une parole d’avertissement, mais « de consolation », c’est-à-dire d’encouragement, d’exhortation. – Personne, ajoute-t-il, ne pourra se dire fatigué de la longueur de mes discours. Quoi donc ? Était-ce donc là le motif qui leur avait fait prendre saint Paul en aversion ? Évidemment non. Aussi n’est-ce pas ce qu’il veut montrer ; il ne veut pas dire Vous êtes des esprits faibles et lâches ; car tel est le caractère de ceux qui ne peuvent supporter un long discours. – « Sachez que Timothée votre frère est renvoyé ; et s’il vient bientôt, j’irai vous voir avec lui ». Réflexion qui suffit à leur persuader d’être bien humbles, puisqu’il se prépare à leur rendre visite avec sort disciple. – « Saluez tous vos chefs et tous les saints ». Voyez combien il les honore en leur écrivant pour leurs supérieurs. – « Nos frères d’Italie vous saluent. « Que la grâce soit avec vous tous. Ainsi soit-il ». La grâce étant le bien commun de tous, il en fait son dernier souhait.
Or, comment la grâce est-elle avec nous ? C’est quand nous rie faisons point outrage à ce divin bienfait ; c’est quand nous ne sommes point lâches en face d’un don si précieux. Qu’est-ce que la grâce ? La rémission des péchés, notre purification, car elle-même est en nous. Que si quelqu’un lui fait outrage, peut-il dès lors la conserver ? Ne la perd-il pas aussitôt ? Par exemple, Dieu vous a pardonné vos péchés, mais comment avec vous demeurera cette grâce, cette estime de Dieu, cette opération de l’esprit, si vous ne la retenez pas par vos bonnes œuvres ? Car la cause de tous les biens en nous, c’est précisément cette habitation continuelle de la grâce du Saint-Esprit dans nos âmes ; c’est elle qui se fait notre guide en toutes choses, comme aussi, dès qu’elle nous échappe, elle nous laisse éperdus et comme dans un désert.
3. Gardons-nous donc de la repousser ; car il est en notre pouvoir qu’elle demeure ou qu’elle se retire. Elle reste, quand nos pensées ont trait au ciel ; elle s’en va, quand nos idées s’attachent aux choses de cette vie. C’est l’esprit « que le monde », dit Jésus-Christ, « ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît pas ». (Jn. 14,17) Il appelle « monde » une vie mauvaise et honteuse. Comprenez-vous qu’une vie mondaine ne peut le posséder ? Il nous faut donc dépenser beaucoup d’efforts pour le retenir en nous, de sorte qu’il soit l’intendant et le directeur de tous nos biens, et qu’il nous établisse dans une ferme tranquillité, dans une paix abondante.
Poussé par un vent favorable, un navire ne sent point d’arrêt, ne craint point de naufrage, tant que souffle cette aide puissante et persévérante. Rentré au port, il va rapporter et aux matelots et aux passagers une belle part de gloire ; aux uns, il octroie le repos et leur permet de ne plus se courber sur les rames ; aux autres, il fait oublier toutes les craintes, et leur laisse comme un magnifique spectacle, le souvenir de son fortuné voyage. Ainsi en est-il de l’âme secondée par le Saint-Esprit ; elle est plus forte que toutes les vagues que soulèvent les peines de la vie ; elle fend la route qui porte an ciel, avec plus de vitesse encore que l’heureux navire ; car elle n’est point poussée par le vent, mais elle a des voiles, des voiles pures que le Paraclet daigne gonfler ; elle chasse de sa pensée tout ce qui pourrait l’amollir et l’énerver. Car de même que le vent qui tombe sur une voile lâche et mal tendue, n’a sur elle aucune prise ; ainsi le Saint-Esprit, rencontrant une âme énervée, n’y accepte pas un long séjour : il exige, au contraire, du ton et de la vigueur.
Il nous faut donc acquérir cette ardeur de l’âme, cette vivacité, cette force résolue des œuvres. Ainsi, vaquons-nous à la prière ? Que ce soit avec une énergique tension de l’âme, déployant notre cœur vers le ciel, non pas avec des cordages matériels, mais à l’aide d’une ferme et vive résolution. Exerçons-nous la miséricorde avec les pauvres ? Ici encore, il faut une tension vigoureuse, pour que la voilure ne se relâche jamais sous le choc des soucis domestiques, de précautions pour les enfants, d’inquiétudes pour l’épouse, d’une crainte personnelle de la pauvreté. Que si nous raidissons notre cœur de tous côtés par la sainte espérance des biens immortels, il sera disposé dès lors à recevoir le souffle puissant de l’Esprit divin ; dès lors il ne sera plus frappé par les créatures éphémères et misérables d’ici-bas ; ou, s’il en subit encore le choc, loin d’en être blessé, il repoussera par sa fermeté, il abattra par sa résistance leur attaque impuissante.
Mais, répétons-le : il faut savoir nous raidir vigoureusement. Car nous aussi nous naviguons sur une mer immense et découverte, remplie de monstres, hérissée d’écueils, féconde pour nous en orages, et qui du calme le plus profond, passe subitement aux plus cruelles tempêtes. Si donc nous voulons faire une navigation facile et sans péril, il nous faut tendre nos voiles, c’est-à-dire, raidir notre libre arbitre.
Au reste, cette fermeté de vouloir, suffit à nous sauver. Abraham, en effet, dès qu’il eut ainsi dirigé vers Dieu tous ses désirs, dès qu’il se fut armé d’une volonté disposée à tout, Abraham eut-il besoin d’autre secours ? Non ; « mais il crut en Dieu, et sa foi lui fut réputée à justice ». (Gen. 15,16) Or, la foi, c’est le propre caractère d’une volonté généreuse. Il offrit son Fils ; et bien qu’il ne l’ait pas immolé, il reçut la même récompense que s’il l’avait réellement sacrifié ; et quoique n’ayant pas accompli cette immolation, il en reçut le prix.
Procurons-nous donc une voilure immaculée et toujours neuve, et non pas usée et vieillie ; « car tout ce qui est ainsi vieux et fatigué touche déjà à une fin misérable ». (Héb. 8,13) Point de ces voiles trouées qui laisseraient échapper souffle de l’Esprit. « Car l’homme animal n’est point capable », dit saint Paul, « des choses qui