Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/88

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c’est de ne se pas croire parfait. Mais alors, ô apôtre, pourquoi dites-vous : « Nous qui sommes parfaits ? » Car enfin, ne voulez-vous pas, dites-moi, que nous partagions vos vues et vos sentiments ? Or, si vous n’avez pas encore vaincu, si vous-même n’êtes pas parfait, comment voulez-vous que les parfaits adoptent une conviction que vous avez, vous qui n’êtes pas parfait encore ? — Eh ! nous répond-il, c’est que cet humble sentiment est la perfection même ; et « si vous avez quelque autre manière de voir, Dieu vous montrera ce que vaut votre idée ». Pour les prémunir contre l’orgueil, l’apôtre voudrait dire : Si quelqu’un parmi vous se croit déjà en pleine possession de la vertu ; et toutefois, il ne parle pas ainsi, il dit seulement : « Si vous avez quelque autre manière de voir, Dieu vous montrera ce qu’elle vaut. Vous voyez la modestie respectueuse de son langage. Dieu vous l’enseignera, dit-il ; il ne vous l’apprendra pas seulement, il vous le persuadera. En effet, Paul enseignait, et Dieu faisait profiter l’enseignement. Encore ne dit-il pas : Dieu vous persuadera ; mais : Dieu vous éclairera pour montrer que c’est affaire d’ignorance. Ces paroles de l’apôtre n’ont pas trait à l’enseignement des dogmes, mais à la perfection des mœurs ; elles prescrivent que personne ne se regarde comme parfait ; car dès qu’on se croit en pleine possession de la vertu, c’est qu’on n’a rien absolument.

« Cependant, pour ce qui est des choses auxquelles nous sommes parvenus, ayons les mêmes sentiments, demeurons dans la même règle ». Que signifie cette phrase : « Pour ce qui est des choses auxquelles nous sommes parvenus ? » En attendant, dit l’apôtre, gardons le bien que nous avons conquis, la charité, la concorde, la paix ; ce point, en effet, nous est gagné, « nous y sommes parvenus ; restons dans la même règle, n’ayons tous qu’un même sentiment ». — « Nous y sommes parvenus », c’est donc un fait accompli. Voyez-vous aussi que Paul veut que les commandements soient notre règle ? Une règle n’admet ni addition ni retranchement ; autrement ce n’est plus une règle. « Dans la même règle », c’est-à-dire dans la même foi, dans la même constitution.

« Mes frères, rendez-vous mes imitateurs, et proposez-vous l’exemple de ceux qui se conduisent selon le modèle que vous avez vu en nous ». Il a dit précédemment : Prenez-garde aux chiens, afin d’en éloigner ses chers néophytes ; maintenant il leur propose les modèles à imiter. Si quelqu’un veut suivre notre exemple, dit-il, et marcher dans la voie que nous traçons, attachez-vous à lui. Bien que je sois absent, vous connaissez ma manière de faire, c’est-à-dire, mon plan de vie et de mœurs. Car il n’enseignait pas seulement par sa parole, mais encore par ses actions ; comme dans un chœur ou dans une armée, chacun doit imiter le chef d’orchestre ou le général, et marcher avec ordre. Il suffit pour détruire l’ordre, de suivre une faction isolée.

3. Ainsi les apôtres étaient des types et des modèles, parce qu’ils observaient un archétype dont l’image était devant leurs yeux. Imaginez-vous toutefois combien leur vie était parfaite et pure, puisqu’eux-mêmes étaient proposés comme archétypes et exemplaires, comme autant de lois vivantes. Ce que disaient leurs lettres, tout le monde le voyait clairement dans leur vie. Voilà la meilleure méthode d’enseignement ; c’est ainsi que le maître entraîne son disciple. Qu’il parle seulement, que ses paroles seules respirent la sagesse, tandis que ses exemples reproduiront tout le contraire, il n’est plus un maître. Philosopher en parole est chose facile au disciple même ; il faut que vous lui donniez en outre la leçon, la persuasion qui vient de l’exemple. L’exemple seul fait respecter le maître, et incline le disciple à l’obéissance. Comment ? C’est que celui-ci ne voyant votre sagesse qu’en paroles, dira tout bas : Ce maître m’impose une morale impossible ; et lui-même m’en donne la preuve, puisqu’il ne la pratique pas.

Et toutefois, mes frères, quand même un maître indigne nous laisserait voir sa conduite pleine de lâcheté, veillons à nos propres intérêts, et écoutons le prophète qui dit : « Tous seront enseignés de Dieu » ; et ailleurs : « Désormais l’homme n’enseignera plus son frère, en disant : Connaissez le Seigneur ; car tous me connaîtront, depuis le plus grand jusqu’au plus petit ». Vous n’avez pas un maître vertueux ; mais vous avez le véritable maître, le seul qu’on doive appeler du nom de Maître. Allez à son école. Il a dit : « Apprenez de moi que je suis doux » (Mat. 11,29) ; n’écoutez pas l’autre docteur ; mais seulement