Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/89

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le Maître et ses leçons. Prenez là le modèle ; voilà un type parfait ; sur lui conformez-vous toujours.

Les saintes Écritures vous proposent par milliers des exemples de vies passées dans la vertu. Après celui du Maître, abordez, si vous voulez, ceux des disciples. Parmi eux tel brilla par la pauvreté, et tel par les richesses : ainsi Élie fut pauvre, Abraham opulent : prenez la voie qui vous paraît la plus aisée, la plus à votre portée. Tel encore trouva son salut dans le mariage, tel autre dans la virginité : Abraham était marié, Élie resta vierge : choisissez entre ces deux routes, toutes deux mènent au ciel. Le jeûne a sanctifié Jean-Baptiste ; Job fut saint sans jeûner. Celui-ci encore avait le souci d’une grande maison, femme, fils et filles, grandes richesses ; Jean ne possédait qu’un vêtement de poils. Et que parlé-je de maison, de richesses, d’argent, puisque même avec une royauté terrestre, on peut gagner la vertu ? Un palais est, sans comparaison, bien plus rempli d’occupations qu’une maison de particulier : et cependant David a brillé sur un trône ; la pourpre ni le diadème n’ont pu le corrompre ; tel fut aussi un autre chef d’État, à qui la Providence avait confié le gouvernement de tout un peuple, Moïse ; et sa tâche était plus difficile encore, car il rencontra chez ce peuple plus de licence, et par suite plus de difficultés, plus d’ennuis.

Vous avez vu des saints dans les richesses comme dans la pauvreté ; vous en avez vu dans le mariage comme dans la virginité. Par contre, sachez que plusieurs ont péri mariés ou vierges, riches ou pauvres. Ainsi, dans le mariage plusieurs se sont perdus : témoin Samson, qui n’a pas péri, au reste, par le fait de cette condition, mais par sa volonté et sa liberté. Ainsi dans la virginité encore : témoin les cinq vierges folles ; ainsi dans les richesses, l’orgueilleux riche qui méprisait Lazare ; ainsi dans la pauvreté, puisque aujourd’hui même les indigents se perdent par milliers. Je pourrais vous faire voir bien des grands qui se sont perdus sur le trône et dans le gouvernement des peuples. Mais aussi, jusque dans l’état militaire, voulez-vous des noms de soldats qui ont fait leur salut ? Voyez Corneille. Préférez-vous des intendants de maisons particulières ? Voyez l’eunuque de la reine d’Éthiopie. Ainsi devient-il évident qu’en usant des richesses selon le devoir, elles n’ont rien qui puisse nous perdre ; mais qu’en dehors de la règle, tout est ruine : le trône vous perd, la pauvreté vous perd, les richesses vous perdent.

Rien ne peut nuire à l’homme qui est sur ses gardes. Serait-ce, dites-moi, la captivité qui lui serait fatale ? Nullement. Rappelez-vous Joseph, réduit en esclavage et non moins enchaîné à la vertu. Rappelez-vous Daniel et les trois enfants de Babylone qui, par leur captivité même, s’illustrèrent davantage. C’est qu’en effet, la vertu conserve partout son éclat ; aucun obstacle ne peut la vaincre ni seulement l’arrêter. Que parlé-je de pauvreté, d’esclavage ? La faim même, les ulcères, la maladie ne peuvent l’atteindre, bien que la maladie soit pire encore que l’esclavage. Tel on a vu Lazare, tel Job, tel aussi Timothée lequel était visité par de fréquentes infirmités. Vous le voyez donc : la vertu ne peut être vaincue par quoi que ce soit ; richesse et pauvreté, servitude et empire, soucis d’administration, maladie, ignominie, exil, la vertu laisse tout s’agiter dans la sphère inférieure de ce bas monde ; elle-même arrive au ciel !

Qu’elle trouve seulement une âme généreuse, et dès lors rien, ne pourra empêcher qu’elle n’y entre dans la plénitude de sa force. Dès que l’agent qui devra produire la bonne œuvre, sera lui-même fort, les choses extérieures ne feront point obstacle. Dans les professions mécaniques, dès que l’ouvrier est habile, patient, maître de son métier enfin, que la maladie vienne, il garde son art ; que la pauvreté l’accable, il garde son art ; que l’outil soit dans sa main et lui dans l’exercice de son travail, ou qu’il chôme au contraire, son art lui reste toujours et tout entier : son art fait partie de lui-même. Ainsi l’homme vertueux et qui ne dépend que de Dieu, montre sa vertu partout également, dans la pauvreté et dans la maladie comme dans la santé, dans la gloire ou dans les outrages.

4. Les apôtres n’ont-ils pas traversé tous ces chemins si divers, et, comme dit saint Paul, « à travers la gloire et l’ignominie », par « la bonne et par la mauvaise réputation ? » (2Co. 6,8) C’est être un vrai athlète, que d’être prêt à tout ; et telle est aussi la nature de la vertu. Si vous dites : Je ne puis commander, il me faut mener la vie monastique, vous faites injure à la vertu. Elle doit en effet être utile à tous, et partout briller, dès qu’elle habite une âme. Voici la famine ou voici l’abondance :