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HOMÉLIE XIII.

CAR IL Y EN A PLUSIEURS DONT JE VOUS AI SOUVENT PARLÉ ET DONT JE VOUS PARLE ENCORE AVEC LARMES, QUI SE CONDUISENT EN ENNEMIS DE LA CROIX DE JÉSUS-CHRIST. (CHAP. 3,18 JUSQU’AU CHAP. 4,3)

Analyse.

  • 1. Quelle est la vertu de la croix, et même du signe de la croix ? Qui sont les ennemis de la croix, chez les soi-disant chrétiens ?
  • 2. L’orateur condamne avec saint Paul ceux qui font un Dieu de leur ventre. — L’immortalité et la résurrection des corps doivent nous charmer et nous consoler.
  • 3. Compliments de saint Paul aux premières dames chrétiennes : leur rôle dans ce premier âge de la religion. — Saint Paul n’était cependant pas marié, bien qu’une appellation amphibologique l’ait fait dire à quelques-uns.
  • 4. Le céleste Thriomphateur vient au-devant de ses élus ; beauté de ce spectacle ; malheur d’en être exclus ; misère plus grande que l’enfer même.

1. Il n’est rien qui soit aussi peu d’accord avec la vie chrétienne, rien qui lui soit étranger autant que la recherche du repos et du bien-être ; notre enrôlement dans la sainte milice où nos noms sont inscrits ne s’accordera jamais avec l’attache à la vie présente. Votre Dieu a été mis en croix, et vous cherchez votre tranquillité ! Votre Dieu a été percé de clous, et vous vivez dans les délices ! Est-ce là la conduite d’un soldat généreux ? Aussi Paul a-t-il dit : « Plusieurs, je vous l’ai dit souvent et je le dis encore avec larmes, plusieurs se conduisent en ennemis de la croix de Jésus-Christ ». Quelques-uns, en effet, et c’est la raison des larmes de Paul, faisaient semblant d’être chrétiens, mais vivaient dans l’inertie et les plaisirs. C’est déclarer la guerre à la croix. Car la croix ne peut aller qu’à une âme toujours debout sur la brèche, avide de mourir, détachée de tout plaisir égoïste. Ces gens suivent une façon de vivre tout opposée. En vain donc prétendent-ils appartenir à Jésus, ils ne sont que les ennemis de sa croix ; s’ils l’aimaient, ils prouveraient leur amour en s’étudiant à vivre d’une vie crucifiée. Est-ce que votre Seigneur n’a pas été cloué à la croix ? Si vous ne pouvez le suivre à la lettre, au moins d’une autre manière, imitez-le. Attachez-vous à la croix, bien que personne ne vous y cloue en réalité ; oui, crucifiez-vous, non pas dans le sens du suicide, grand Dieu ! ce serait une impiété ; mais dans le sens que Paul indiquait en ces termes : « Le monde est crucifié pour moi, je le suis aussi pour le monde ». (Gal. 6,14) Si vous aimez votre Seigneur, mourez de sa mort ; instruisez-vous de la puissance de sa croix, des bienfaits qu’elle a répandus et qu’elle répand encore, des saintes assurances de vie qu’elle nous donne.

C’est par la croix que tout s’accomplit ; le baptême se fait par la croix ; car il y faut recevoir ce sceau sacré. C’est par la croix que se confère l’imposition des mains. Pour abréger, enfin, en voyage ou à la maison, en tout lieu, la croix est le souverain bien, l’armure du salut, le bouclier invincible contre les assauts du démon. Pour le combattre, vous vous armez de la croix, et non pas seulement en vous marquant de son signe, mais en subissant et souffrant tout ce que montre cet instrument de la passion. Jésus-Christ, en effet, appelle croix toutes nos souffrances, comme dans ce texte : « Il ne peut être sauvé celui qui ne prend pas sa croix pour me suivre » ; autrement, celui qui ne se tient pas prêt à bien mourir. Mais ces chrétiens lâches et dégénérés, amis de leur chair et de leur vie, sont évidemment ennemis de la croix ; tous ceux qui aiment les délices et la tranquillité en ce bas monde ne sont pas moins les ennemis de cette croix dans laquelle Paul se glorifie, qu’il embrasse, à laquelle il voudrait s’identifier, d’après ses paroles : Je suis crucifié au monde ; il est crucifié pour moi.

Maintenant il ajoute : « Or à présent je le dis en pleurant ». Pourquoi ? Parce que le mal a grandi, parce que de telles gens méritent qu’on les pleure. Oui, nous devons nos larmes, en vérité, à ceux qui vivent dans les délices, ne songeant qu’à nourrir l’enveloppe, le corps, veux-je dire, sans tenir aucun compte du supplice qui les attend. Votre vie est délicieuse,