Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/99

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au vice contraire ? Quoi ! dites-moi ; est-on plus heureux à être envieux des autres qu’à prendre sa part dans le bonheur d’autrui ? Faisons ces réflexions, et nous nous convaincrons que la vertu est une mère aimante, qui nous apporte la sécurité ; le vice nous jette en proie aux dangers ; de sa nature, il est plein de périls. Écoutez cette parole du Prophète : « Dieu est une base solide pour ceux qui le craignent ; il aime à montrer son alliance avec eux ». (Psa. 24,14) On ne craint personne, quand la conscience ne reproche rien ; mais aussi on ne se fie à personne, quand on vit dans l’iniquité, on craint jusqu’à ses serviteurs ; on les regarde avec un œil soupçonneux. Et que parlé-je de serviteurs ? Le méchant ne peut affronter même le tribunal de sa conscience ; il a des comptes terribles à régler avec ses juges du dehors comme avec ses bourreaux du dedans, qui ne lui laissent aucun repos.

Alors, direz-vous, il faut vivre pour mériter les éloges ? — Non ! Paul n’a pas dit : Visez aux éloges ; mais : Faites ce qui les mérite, sans vous soucier de les recevoir ; cherchez « ce qui est vrai », la gloire n’est que mensonge ; « faites ce qui est saint » ; à la lettre, le terme dont se sert l’apôtre signifie ce qui est sérieux, pratiquez la gravité, gardez même l’extérieur de la vertu ; quant à « pureté », elle est le propre de l’âme. Et comme il avait ajouté : « Faites tout ce qui est de bonne réputation », pour que vous n’alliez pas croire qu’il ait égard à l’estime des hommes seulement, il se complète en disant : « S’il est une vertu, s’il est une vraie gloire, pratiquez-la, recherchez-la ».

En effet, si nous gardons la paix avec nous-mêmes, Dieu à son tour sera avec nous ; si nous excitons la guerre, ce Dieu de paix nous fuira. Rien n’est aussi hostile à notre âme que le vice ; rien ne lui donne vie et assurance comme la paix et la vertu. Commençons donc à apporter du nôtre, et nous gagnerons Dieu à notre cause. Dieu n’est pas un Dieu de guerre et de combat ; dépouillez donc l’esprit de combat et de guerre tant à l’égard de Dieu qu’à l’égard du prochain. Soyez pacifique pour tout le monde. Pensez à qui Dieu accorde le salut : « Bienheureux les pacifiques », dit-il, « parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu » (Mat. 5,9) ; avec ce caractère, en effet, ils sont les imitateurs perpétuels du Fils de Dieu ; et vous aussi, copiez ce modèle, sauvez la paix à tout prix ; plus vive sera l’attaque de votre frère, plus riche aussi sera votre récompense. Écoutez cette parole du Prophète : « J’étais pacifique avec ceux qui haïssaient la paix ». (Psa. 119,7) Voilà la vertu, voilà où n’atteint pas la raison humaine, voilà ce qui nous fait approcher de Dieu même.

Rien ne réjouit le cœur de Dieu autant que l’oubli des injures. Par là vous êtes délivrés de vos péchés ; par là vos crimes s’effacent. Mais combattons, mais disputons, et déjà nous sommes loin et bien loin de Dieu. Le combat, en effet, amène les inimitiés, et les inimitiés entretiennent le souvenir des injures. Coupez la racine, et le fruit avortera. Ainsi, d’ailleurs, nous nous formerons à mépriser ce qui ne tient qu’à la vie présente. Car, dans les choses spirituelles, il n’y a, vous le savez, il n’y a point de guerres ; tout ce qui ressemble à la guerre, combats, jalousies, toutes misères pareilles ont leur cause et leur point de départ dans quelque intérêt temporel. C’est ou le désir injuste du bien d’autrui, ou l’envie, ou la vaine gloire qui engagent toutes les luttes. Si donc nous sauvons la paix, nous apprendrons à mépriser aussi toutes ces choses viles et terrestres.

Quelqu’un nous a ravi de l’argent ? Il ne vous a pas nui s’il ne vous enlève pas les biens célestes. — Il aura fait obstacle à votre gloire ? Mais non pas à celle que Dieu vous garde ; il n’atteint donc qu’une gloire sans valeur, qui n’est pas même la gloire, mais un nom sonore, et au fond, une ombre et des ténèbres. — Il vous a ôté votre honneur ? À lui-même, oui ; à vous, non. Car comme celui qui fait du tort subit ce tort en réalité, et ne le fait pas, ainsi celui qui complote contre son prochain se perd le premier. Qui creuse une fosse à son prochain, y tombe tout d’abord. Aussi gardons-nous de tendre un piège à autrui, si nous craignons de nous nuire à nous-mêmes. Quand nous détruisons une réputation, pensons bien que le coup nous frappe, que le piège nous surprend. Que nous soyons assez forts pour nuire à d’autres devant les hommes, c’est chose possible ; mais, pour sûr, nous nous blessons devant Dieu et l’irritons contre nous. Cessons donc de nous nuire. En commettant l’injustice envers notre frère, nous la commettons contre nous-mêmes ; comme en lui faisant du bien, nous sommes nos propres bienfaiteurs. Ainsi, lorsque votre ennemi vous aura causé quelque dommage, vous serez convaincus si vous